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PARIS
21/11/2006
© DR
Giuseppe VERDI (1813-1901)
Aïda
Mise en scène : Joseph Rochlitz
Scénographie : Pier’Alli
Chorégraphie : Simona Chiesa
Aïda : Iordanka Derilova
Amnéris : Irina Bossini
Radamès : Mario Zhang
Amonasro : Nikolaj Nekrassov
Ramfis : Krassimir Derilov
Le Roi : Ilia Popov
Un messager : Nikolaj Visnakov
La grande Prêtresse : Ramona Eremia
Orchestre philarmonique de Lvov (Ukraine)
Chœurs Dumka de l’Académie nationale d’Ukraine
Ballets Usti Nad Labem
Direction : Walter Haupt
Paris - Bercy - 21 Novembre 2006
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« AIDA, monumental opéra on fire » : y a-t-il un pompier dans la salle ?
Bien avant le Stade de France, Bercy s’était
employé à populariser l’opéra, et Aïda
était bien sûr la première œuvre de chaque
cycle. En 1984, 16 représentations, 15 000 spectateurs
chacune, avec des chanteurs prestigieux tels entre autres Carlo
Cossuta, Nicola Martinucci, Grace Bumbry, Wilhelmenia Fernandez, Ghena
Dimitrova, Martina Arroyo, Fiorenza Cossotto, Elena Obratztsova et
Piero Capuccili. En 1993, 14 représentations idem avec, outre
certains des précédents, Sylvie Brunet, Giuseppe
Giacomini, Kristjan Johannsson et Alexandrina Miltcheva.
En 2006, retour à Bercy : 2 représentations
seulement, et aucune vedette internationale, seulement la promesse
d’un spectaclissime avec « plus de 300 personnes en
scène » dont on se demande où ils pouvaient
bien être… Le dossier de presse en aligne des
tonnes : « une pyramide de 12 mètres de haut,
tournant sur elle-même [en fait, elle est fixe], et sur laquelle
les artistes peuvent marcher et se mouvoir » (encore
heureux !...). « De fantastiques effets lumineux
(…), de la pyrotechnie (…), des costumes raffinés
et très stylisés mais conventionnels en
apparence… ». Et, comme une surenchère digne
du Cléopâtre d’Elisabeth Taylor ou de celle
d’Astérix, alors qu’on n’y trouve quasiment
rien sur les artistes, suit une alignée de chiffres
impressionnants : 6 000 kg de bois, 21 000 kg
d’acier, 27 000 kg de matériaux de base, une pyramide
de 4 300 kg et, pour la logistique : « 13 camiones
en gira continua ». Il faut dire que programme et dossier de
presse sont un modèle de traductions approximatives : on y
apprend notamment que Pier’ Alli est chargé du
« Brouillon scénique » (?…)
Une assistance plutôt clairsemée de 5 000 spectateurs
attend le début du spectacle, qui tarde. Enfin, une voix
à l’accent étranger très prononcé
débite une annonce pour rappeler une fois de plus qu’on
allait voir ce qu’on allait voir, qu’on allait en prendre
plein les mirettes, et qu’on allait goûter
« à une expérience musicale et
théâtrale à vous couper le
soufflé » (éclats de rire dans la salle). Tous
les feux de l’enfer allaient-ils être assez puissants pour
que le soufflé monte, et surtout ne retombe pas en cours de
route ?
L’orchestre, singulièrement réduit (mais fortement
sonorisé), est installé à même le sol.
Aucune fosse ni espace défini ne le sépare des premiers
rangs. Cela accentue l’aspect « gymnase ».
L’espace scénique n’est pas immense, comparé
aux productions de Vérone qu’on a pu voir en ce même
lieu, et le décor de base unique est formé d’un
gradin pyramidal.
Au fond, un écran de 12 mètres sur 26 va recevoir les
projections annoncées. Ces projections photographiques et
cinématographiques de décors n’ont bien sûr
rien à voir ni avec le parti pris du Tristan de Bastille, ni
avec celui du dernier Aïda d’Orange. De fait, elles
constituent pourtant l’élément le plus
intéressant de la production, encore qu’on aurait pu
imaginer aller beaucoup plus loin. J’avoue que
l’utilisation de décors mouvants qui s’avancent vers
le spectateurs, s’ouvrent pour le faire passer d’une salle
dans une autre à la manière des jeux vidéo,
permettant d’être dans le souterrain et de voir au-dessus
de sa tête la pierre fatale fermer le tombeau d’Aïda
et de Radamès a quelque chose de bluffant. Mais le mauvais
goût est également au rendez-vous avec des redondances
entre ce qui se passe sur scène et sur l’écran.
Quant au feu ? Quelques rigoles, quelques éructions
enflammées, tout cela n’a rien de bien nouveau, on en
avait vu autant dans l’hymne à Dagon du Samson et Dalila
de Garnier. À part donc des bouffées de chaleur et le
bruit des souffleries chargées d’éliminer miasmes
et fumées, on a quand même du mal à adhérer
aux explications du metteur en scène pour qui « le
feu symbolise les trois forces fondamentales de
l’opéra : la politique, la religion et
l’amour ! » (pour plus de clarté : le
feu destructeur, le feu purificateur et l’amour enflammé).
Tout cela est bien primaire, que rien ne semble relier à
l’action.
Car, et c’est peut-être là que se situe la faillite
du système, la mise en scène est on ne peut plus
conventionnelle, au point qu’elle se résume à une
vague mise en place. De caractérisation des personnages, point.
D’idées novatrices, point non plus. C’est du
spectacle au premier degré, comme on en faisait il y a cinquante
ans et plus. Aujourd’hui, c’est quand même dur
à faire passer. Heureusement un choriste portant de grandes
lunettes et des surtitres parfois hilarants (encore de mauvaises
adaptations ou traductions) aidaient à soutenir
l’attention.
Que dire des chanteurs, menés par un chef énergique,
sinon qu’ils se situent dans une honnête moyenne. Mais
l’Aïda de la soprano bulgare Iordanka Derilova a quand
même présenté nombre de problèmes de
justesse et de technique, alternant quelques notes sublimes avec nombre
de notes trop basses ou détimbrées. Pourtant, la
sonorisation tonitruante au point d’en devenir assourdissante
aurait dû lui permettre de se ménager et de mettre tous
ses efforts dans la musicalité. Le ténor chinois Mario
Zhang est beaucoup plus régulier, sans pour autant personnifier
un Radamès convaincant. Irina Bossini, genre vieille
routière à qui on ne la fait pas, était assez
égale mais peu concernée. Quant à Amonasro, ce fut
certainement l’un des plus médiocres qu’il nous ait
été donné d’entendre. Deux basses
honnêtes se partageaient les rôles du roi et du grand
prêtre. Une grande prêtresse calamiteuse accompagne toute
la tournée. Signalons que les rôles principaux sont
partagés entre huit solistes en alternance, et que nous
n’avons peut-être pas bénéficié des
meilleurs. Mais il reste confondant de ne trouver nulle part sur place
le nom de ceux qui ont participé à la
représentation que l’on va ou que l’on vient de
voir, et qu’il faille la demander à l’agence en
insistant beaucoup.
Quel intérêt, me direz-vous, à aller assister
à ce genre de représentation qui tourne dans une
vingtaine de pays, dont la France (12 villes différentes), alors
que le prix moyen des billets y est plutôt plus cher
qu’à l’Opéra de Paris ? Une fois de
plus, on voit que les spectateurs venus à Bercy (comme au Stade
de France) ne sont pas ceux qui fréquentent
l’Opéra : donc, malgré tout, il s’agit
bien d’une possibilité offerte à un public non
initié d’assister à un spectacle lyrique, sinon
d’y prendre goût ?
Et pour ceux qui ne pourraient voir celui-ci, ils peuvent se procurer
la cassette vidéo enregistrée à Munich.
Peut-être auront-ils un lecteur suffisamment sophistiqué
pour leur permettre de la visionner correctement ?…
Jean-Marcel HUMBERT
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