C O N C E R T S 
 
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ROME
27/07/05

Sylvie Valayre
© DR
AÏDA

Opéra de Giuseppe VERDI

Direction : Plàcido Domingo
Chef de choeur : Andrea Giorgi
Metteur en scène : Paolo Miccichè
Décors : Alberto Mastromattei
Costumes : Alberto Spiazzi
Chorégraphie : Juan De Torres
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Aida : Sylvie Valayre
Il Re : Luciano Montanaro
Amneris : Mariana Pentcheva
Radames : Mario Malagnini 

ORCHESTRA, CORO E CORPO DI BALLO DEL TEATRO DELL'OPERA
ALLESTIMENTO DEL TEATRO DELL'OPERA

Nouvelle coproduction avec Washington Opera

Rome, Thermes de Caracalla
27 juillet 2005 Bastille

Cinquante ans après les représentations mythiques d'Aida dans les thermes de Caracalla avec la jeune Anita Cerquetti dans le rôle titre, le Théâtre de l'opéra de Rome a de nouveau inscrit (1) le chef d'oeuvre créé au Caire le soir de la Noël 1871, au programme de sa saison estivale pour neuf soirées, avec une nouvelle production construite en collaboration avec l'Opéra de Washington. Ceci expliquant sans doute cela, Placidò Domingo, qui dirige très régulièrement, depuis 1975, cette oeuvre dans laquelle il s'est illustré vocalement près de 80 fois, a tenu la baguette les deux premières soirées, Giovanni Reggioli, qui travaille avec lui à Washington, prenant le relais pour les sept autres répliques. L'orchestre a paru parfaitement en place, même si la sonorisation, particulièrement peu discrète, nuit à la qualité de la pâte sonore, à tel point que les rares interventions de musiciens hors champ des micros apparaît comme un bain de jouvence.

Dès avant les premières mesures du prélude, le public est invité à se mettre dans l'ambiance : des projections visuelles sur les murs des Thermes le plongent dans un monde de hiéroglyphes, en noir et blanc, qui, avec la tombée du jour, font un effet boeuf (comme dirait le Dieu Apis...). L'équipe chargée de la production, composée d'Alberto Mastromattei et Patrick Watkinson, sous la direction de Paolo Miccichè, a mélangé, au fil des quatre actes, les images colorées issues, par exemple de peintures ornant les tombeaux de la Vallée des Rois, les photos des colonnes du temple de Louxor ou même...des éléments bien romains : le début de l'acte II voit Amnéris prendre son bain, nue, devant un décor reprenant certains motifs de mosaïques des Thermes de Caracalla. Précisons pour les pudiques qu'une figurante a été, peu discrètement, substituée à la mezzo soprano incarnant, à tous les sens du terme, la fille du roi. L'effet est amusant, mais peu crédible compte tenu de la corpulence respective des deux jeunes femmes qui se succèdent sur scène... Au total, la production, classique pour le reste, est d'excellente facture et ne sombre jamais dans la banalité ou l'ennui.

Un mot sur les ballets. Les farceurs étaient à l'affût : ils savaient que les ballets de Montecarlo avaient été contraints, au début du mois de juillet, d'interrompre leur Roméo et Juliette à cause de l'humidité ambiante qui faisait chuter les danseurs. Mais rien de tel pour Aïda : les danseurs du corps de ballet de l'opéra ont bravé les risques avec une chorégraphie faisant largement appel aux petits serpentins fluorescents qui font fureur les soirs d'été sur les bords de plage.

Sylvie Valayre, annoncée souffrante quelques jours avant le spectacle, a tout de même assumé le rôle titre, en alternance avec Isabelle Kabatu et Virginia Todisco. A la satisfaction de voir confirmée sa participation, au dernier moment, succède, dès son entrée en scène, une déception certaine. La voix est tendue, notamment dans l'aigu, qui fait craindre le pire, le vibrato appuyé et l'ensemble manque singulièrement de rondeur. C'est dommage car la musicalité est belle et le souci des nuances constant. Sur scène, l'actrice est crédible, isolée dans un monde qui n'est pas le sien. Elle reprendra le rôle de l'esclave éthiopienne fille de roi en mars prochain à Vienne.

Le "condottiere supremo" égyptien, son amant, est Mario Malagnini, que sa longue carrière (il fut lauréat du concours Tito Gobbi il y a 22 ans !) a finalement moins éprouvé qu'on ne pouvait s'y attendre. Certes, il chante souvent bas, ne néglige aucun portamento à la limite de la vulgarité... mais il reste du bon côté de cette limite. La vaillance et le brillant de son timbre suffisent, au moins pour la sonorisation des Thermes.

La mezzo bulgare Mariana Pentcheva incarne Amnéris, avec conviction et engagement même si la prestation n'atteint jamais l'intensité de sa regrettée (au moins par certains) compatriote Ghena Dimitrova. Le reste de la distribution est complétée par le roi sonore de Luciano Montanaro et par le Ramfis d'Alfredo Zanazzo. Ce dernier confesse sur son site internet une passion pour l'astrophotographie, la peinture à l'huile et la musique jazz. Voilà de quoi l'occuper s'il décide de se reconvertir, ce que l'on ne peut que lui recommander de faire au vu de sa prestation.

En fait, et on pouvait s'y attendre depuis son Conte de Luna, l'an dernier au même endroit, et son Posa au Teatro Costanzi, le plus convaincant, et de loin, est l'Amonasro de Giovanni Meoni : habitué du rôle qu'il a notamment chanté à Munich, en mars 2003, aux arènes de Vérone en août 2002 et déjà à Rome au Teatro Argentina en janvier 2003, il se promène littéralement dans une partition au demeurant brève. La voix, longue, avec des aigus ténorisants, est magnifique et parfaitement projetée, la caractérisation convaincante.

Un dernier mot sur l'ambiance. Certes, c'est l'été romain, les avions jouent aux "balletti" entre Ciampino et Fiumicino, la sono laisse penser qu'on est en playback... mais quand même : l'accueil est totalement indifférent, ce qui doit être le pire pour un chanteur professionnel. Il devient carrément grossier lorsque le public quitte, en masse, les travées alors que le duo final "O fatal pietra" vient à peine de commencer. Sans doute l'heure tardive et la rareté des taxis romains l'expliquent en partie. Mais à la dernière mesure, c'est l'exode, si bien que les chanteurs, à peine applaudis, finissent de saluer devant des travées vides. Décidément le public romain, quand il vient (le Teatro Costanzi est la plupart du temps bien vide), n'a qu'une hâte : rentrer chez lui. Bons ou mauvais, les chanteurs ne méritent pas cela.
 
 

Jean-Philippe THIELLAY
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Notes

1. Les Thermes de Caracalla ont accueilli Aïda en 1938 et 1939, le 12 juillet 1945 pour la première saison estivale de l'après-guerre et presque chaque année ensuite jusqu'à la dernière de 1993. Cet été-là, Piero Cappuccilli, disparu récemment, incarnait Amonasro.

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