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ANVERS
01/06/03
(© Annemie Augustijns)
L'Amour des Trois Oranges
Serge Prokofiev
Opéra en quatre actes
Livret du compositeur d'après
l'adaptation de Meyerhold
de L'amore delle tre melarance
de Carlo Gozzi
Direction musicale : Balazs Kocsar
Mise en scène : Andreas Homoki
Décors : Frank Philipp Schlössmann
Costumes : Mechtild Seipel
Eclairage : Franck Elvin
Choeurs : Kurt Bikkembergs
Le Roi de trèfle : Kurt Geysen
Le Prince : Martial Defontaine
La Princesse Clarice : Sophie Marilley
Léandre : Romain Bischoff
Truffaldino : Sergeï Khomov
Pantalon : Marc Claesen
Le mage Tchélio : Chris de
Moor
Fata Morgana : Rolande Van der Paal
La Princesse Ninette : Marie-Noëlle
de Callataÿ
La Princesse Nicolette : Anja Van
Engeland
La Princesse Linette : Hendrickje
Van Kerckhove
La cuisinière : Piet Vansichen
Sméraldine : Madeleen Ijsselmuiden
Farfarello : Jan Carpentier
Le Héraut : Fabrice Deroo
Orchestre Symphonique et Choeurs du
Vlaamse Opera
Anvers, 1er Juin 2003
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L'Amour
des trois oranges est sans conteste l'opéra le plus connu de
Prokofiev. L'idée de l'écrire lui vint du célèbre
et révolutionnaire metteur en scène Vsevolod Meyerhold, qui
avait découvert la pièce de Gozzi (1761) grâce à
Apollinaire, et en avait fait le titre de sa revue d'avant-garde (titre
aussi de l'actuelle revue de l'Association Prokofiev). Juste avant son
départ pour l'Occident, Prokofiev en avait reçu un exemplaire,
et Meyerhold lui avait conseillé de s'en inspirer. Arrivé
aux Etats-Unis, le compositeur tenta d'imposer son Joueur, en vain.
Il décida alors de suivre l'avis de Meyerhold et termina L'Amour
des trois oranges en octobre 1919. Après quelques péripéties,
l'opéra fut créé le 31 décembre 1921 au Chicago
Opera, grâce au soutien de la nouvelle directrice, Mary Garden, la
créatrice de Mélisande et de Louise. Le succès
public fut grand, mais la critique acerbe, reprochait, comme toujours,
l'absence de mélodie. Aujourd'hui, l'on ne peut être que charmé
par l'invention étourdissante du musicien et l'habileté originale
du livret.
L'Opéra flamand avait décidé
de remonter l'oeuvre, dans le cadre du 50e anniversaire du décès
de Prokofiev, et dans la version de la création, c'est-à-dire
en français. Cette version nous était déjà
connue par l'excellente production lyonnaise de Kent Nagano, enregistrée
chez Virgin. Electrisés par la direction très précise
du chef hongrois Balazs Kocsar, l'orchestre et les choeurs ont offert une
fête musicale inouïe, déchaînant l'enthousiasme
d'un public très nombreux, qui leur a réservé une
"standing ovation" totalement méritée, à l'issue de
cette dernière d'une série de dix représentations.
L'orchestration pointue mais rutilante du compositeur porta les quelque
quinze solistes à livrer le meilleur d'eux-mêmes, tant vocalement
que scéniquement, aidés par une direction d'acteurs impeccable,
ne laissant aucun temps mort à une action finement enlevée.
(© Annemie Augustijns)
Le couple central formé par
le Prince et Truffaldino était particulièrement remarquable
par son entrain et sa vitalité (Martial Defontaine, Sergeï
Khomov), tout comme l'excellent Pantalon de Marc Claesen ou la belle actrice
suisse Sophie Marilley en princesse Clarice. A noter également le
toujours aussi grave Chris de Moor en mage Tchélio et l'adorable
Marie-Noëlle de Callataÿ en princesse Ninette. Manquant parfois
d'un rien de puissance, les rôles de Fata Morgana, de la Cuisinière,
du Roi de Trèfle et de Léandre étaient parfaitement
crédibles scéniquement. Rien à dire en ce qui concerne
Sméraldine, Farfarello ou les deux premières princesses.
Les décors étaient limités...
aux accessoires : coussin princier, épée, louche géante,
oranges évidemment, toute l'intrigue étant soutenue par les
étonnants éclairages de Franck Evin, dont les coups d'éclat
lumineux scandaient l'action (par deux fois, la salle même fut illuminée,
faisant du public un acteur gigantesque et instantané). Chapeau
aussi à l'accessoiriste, qui réussit une désopilante
métamorphose de la princesse Ninette en rat géant à
l'acte III. Il ne faut évidemment pas oublier les quatre groupes
de choristes commentant le "drame", promenant avec eux deux immenses livres
de "tragédies" et de "comédies". Particulièrement
les "Lyriques", si émus (à quel degré ?) lors du duo
d'amour. Tout joyeux, et follement applaudi, Balazs Kocsar reprit la célébrissime
marche durant les saluts au rideau. Voilà un spectacle parfait,
dont on sort réjoui et heureux.
Bruno Peeters
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