MARÉCHALE, NOUS REVOILÀ
!
Ultime collaboration de Strauss et
d'Hoffmannsthal, "Arabella", en dépit d'indéniables
qualités musicales, n'a jamais atteint la popularité de son
illustre prégédécesseur "Le Chevalier à
la Rose", dont elle est, à bien des égards, une pâle
resucée (la rose argentée étant remplacée par
un prosaïque verre d'eau: la crise était passée par là).
La faute réside principalement
dans une conceptualisation trop élevée de l'héroïne
qui, à la scène, n'est plus que le faire-valoir des autres
protagonistes : un comble pour le rôle-titre ! (A noter que Richard
s'en était plaint auprès d'Hugo : il obtint un monologue
supplémentaire pour l'héroïne à la fin de l'acte
I Autre démonstration d'un manque total de professionnalisme, Hugo
eut le mauvais goût de mourir d'une attaque d'apoplexie 2 jours après
le suicide de son fils, alors que seul le premier acte avait été
remanié !)
Alors que nous avons plutôt l'habitude
d'interprétations aériennes et éthérées,
Renée Fleming fait un choix tout différent et tente de renforcer
la personnalité de l'héroïne en surjouant. Le résultat
est assez désastreux : là où on attendait Te Kanawa
dans le "Chevalier", on a Scotto dans "Suor Angelica" !!!
Les aigus sont systématiquement pris par en-dessous, sont d'une
justesse limitée (c'est fait exprès pour donner un caractère
vériste), les effets sont outrés, les consonnes résonnent
exagérèment... Bref, un rendez-vous manqué pour celle
qui reste une des meilleures divas du moment.
Son Mandryka est le baryton Hans-Joachim
Ketelsen (programmé initialement dans le rôle de "Beckmesser"
à l'occasion des "Maîtres" qui se donnent en alternance)
remplaçant Falk Struckmann, forfait pour la série. Vocalement
irréprochable, il incarne malheureusement plutôt un bon vieux
barbon qu'un séducteur sur le retour : le coup de foudre d'Arabella,
qu'on pourrait comprendre avec un Hampson grisonnant, n'en est que plus
inexplicable !
A l'inverse de Fleming, Sandra Moon
est une Zdenka / Zdenko pleine de naturel, vocalement et physiquement
parfaite ; son partenaire Raymond Very est à l'unisson.
Le vétéran Harry Dworchak
complète efficacement cette distribution. La production se caractérise
par une direction d'acteurs parfaite, dans des décors tout droit
sortis du défunt "Au théâtre ce soir". Pour ses débuts
au Met (où la venue de grands chefs reste plutôt exceptionnelle),
Christoph Eschenbach rate la marche du podium : sa direction est assez
pesante et l'orchestre très distrait (cuivres extravertis, quelques
couacs et décalages).
Placido Carerotti