Certes la fusée a bien décollé,
nul doute que le satellite se soit placé correctement sur son orbite.
Cependant si l'envol s'est bien passé et la trajectoire s'est bien
tenue, on ne se réjouit pas totalement de cette soirée, où
personne n'appelle de véhéments reproches mais où
personne non plus ne nous conduit sincèrement aux louanges.
Le rythme du spectacle malheureusement
s'essouffle et on finit par s'ennuyer, les dernières scènes
de l'Opéra paraissant interminables ! C'est dommage finalement puisque
Günter Krämer règle un spectacle plutôt vif et agréable.
En bon metteur en scène allemand, il extrapole souvent le propos,
caricature parfois à outrance les personnages, mais cela sonne juste
et on se souvient de quelques bons moments de théâtre, il
a en tout cas le mérite de véritablement faire exister ses
personnages. Son esthétique également est à l'image
des productions germaniques, couleurs acides, parti pris du spectateur
(jeu de vidéo qui filme le public en direct, présence d'acteurs
dans la salle), dérision cinglanteÖ Simplement l'idée de
placer l'orchestre sur scène pendant le prologue, s'il se justifie
dramaturgiquement, parait bien peu adaptée aux dimensions d'un plateau
comme celui de Lyon. L'encombrement visuel est vraiment handicapant puisqu'au
parterre il est impossible de voir ce qui se passe plus au fond de la scène
! On notera également, comme à Salzbourg hier, l'idée
de jouer le prologue dans le théâtre même où
nous nous trouvons, à savoir les décors reprenant les portes
dorées et les coursives vermillon de la salle de Jean Nouvel.
Sur le plan vocal, la distribution
est d'une belle homogénéité, la belle grande voix
de Christine Brewer en Ariane fait plaisir à entendre, surtout qu'elle
ne se montre pas avare de nuances ni de délicates notes filées
! Le compositeur de Katharine Goeldner et le Maître de musique de
Robert Bork sont resplendissants, les voix solides et d'une parfaite complémentarité.
Laura Aikin campe une jolie Zerbinette, pas toujours très à
l'aise dans le suraigu, mais elle fait face aux difficultés du rôle
sans grand problème. Les Dryades, Echo, Arlequin, Laquais, Perruquier
et Scaramouche, confiés aux artistes en résidence à
l'Opéra de Lyon, montrent tout le sérieux de cette jeune
troupe qu'il convient de saluer, de même qu'il convient de souligner
la pertinence d'un telle entreprise !
La déception vient peut-être
du chef maison, Ivan Fischer , car si nous n'avons pas grand chose à
lui reprocher non plus, la direction est précise, il ne passionne
pas plus qu'il ne donne à entendre de merveilleux moments musicaux.
Sa première saison à la tête de ses nouvelles responsabilités
s'achevant, on se dit qu'il serait maintenant bien temps d'entendre de
sa part des constructions plus abouties quand on reprochait à Nagano
une trop grande froideur analytique.
En définitive, rien de bien
méchant ni de bien passionnant, un spectacle plutôt satisfaisant
qui laisse cependant perplexe quant aux destinées d'une maison au
passé si audacieux !
Loïc Lachenal