C O N C E R T S 
 
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PARIS
21/11/03
(@Eric Mahoudeau)
Richard STRAUSS (1864-1949)

ARIADNE AUF NAXOS

opéra en un prologue et un acte 
Version de 1916
Livret de Hugo von Hofmannsthal
 

Direction musicale : Pinchas STEINBERG
Mise en scène et costumes : Laurent PELLY
Décors : Chantal THOMAS
Lumières : Joël ADAM

Majordome : Waldemar KMENTT
Maître de Musique : David WILSON-JOHNSO
Compositeur : Sophie KOCH
Ténor (Bacchus) : Jon VILLARS
Officier : Mihajlo ARSENSKI
Maître de Danse : Graham CLARK
Perruquier : Sergei STILMACHENKO
Laquais : Yuri KISSIN
Zerbinette : Natalie DESSAY
Primadonna (Ariadne) : Katarina DALAYMAN
Naïade : Henriette BONDE-HANSEN
Dryade : Svetlana LIFAR
Echo : Sine BUNDGAARD
Arlequin : Stéphane DEGOUT
Scaramouche : Daniel NORMAN
Truffaldin : Alexander VINOGRADOV
Brighella : Norbert ERNST

Orchestre de l'Opéra National de Paris

Nouvelle production

Paris, Palais Garnier
21 Novembre 2003


 

Une copie à revoir
 

Cette nouvelle production d'Ariane à Naxos au palais Garnier était très attendue. Parce que le joyau straussien n'y avait plus été représenté depuis 1986 (Montserrat Caballé chantait alors le rôle titre), parce que Natalie Dessay effectuait aussi à cette occasion son grand retour à l'Opéra de Paris, parce que, enfin, la mise en scène en avait été confiée à Laurent Pelly, qui nous avait enthousiasmé avec ses lectures d'Offenbach. Les attentes étaient-elles trop fortes ? Toujours est-il que nous avons assisté à un spectacle qui ravira sans doute les inconditionnels du metteur en scène et de la soprano, mais ne m'a pas du tout convaincu, malgré les qualités indéniables de la distribution.

Le prologue se déroule dans un vaste espace que n'occupent que deux escaliers et autant de divans. Il y a là un certain kitch revendiqué, ce que nous confirme l'apparition d'une limousine dont s'extrait la troupe italienne, en tenues post-soixante-huitardes, qui s'engage dans une bataille de boules de neige. Allons-nous assister à une lecture irrévérencieuse ? Pas du tout, car le metteur en scène s'efface totalement dans ce prologue, incapable de lui conférer une animation malgré le nombre et la diversité des personnages impliqués, sommairement caractérisés ici. Et, comme dans le même temps, Pinchas Steinberg ne propose dans la fosse qu'une lecture très prosaïque, privée de transparence, la monotonie s'installe et l'on cherche en vain la magie de l'ouvrage. Pour nous arracher à l'ennui, il faut l'abattage et la vivacité de Sophie Koch, compositeur très convaincant malgré quelques aigus escamotés (il est vrai que cette tessiture hybride a mis à mal plus d'un mezzo). La grande tradition straussienne se manifeste au travers du majordome de Waldemar Kmentt, fort d'un demi-siècle de bons et loyaux services dans la troupe de l'Opéra de Vienne, un ancien Bacchus qui apporte à ce rôle parlé un saisissant talent de diseur. Les autres tiennent dignement leur place, à l'image du solide maître de musique de David Wilson-Johnson, même si les moyens de cet épatant ténor de caractère qu'est Graham Clark donne de sérieux signes de fatigue.

Les choses se gâtent lorsque Laurent Pelly entreprend d'appliquer à l'ouvrage les recettes qui ont fait sa réputation dans Offenbach. C'est bien vite oublier tout ce qui sépare l'univers mélancolique et raffiné d'Hofmannstahl des franches parodies de Meilhac et Halévy. Le texte n'a pourtant pas besoin d'être souligné à gros traits et le public a ri pendant le prologue des interventions du majordome, sans qu'il ait été nécessaire d'en rajouter. Il suffit de faire confiance à la grâce du texte et au génie des situations. Pas de grotte pour Ariane ici, mais la plateforme d'un immeuble en construction sur un rivage méditerranéen. Les artistes italiens débarquent en chemise à fleurs d'un minibus rouge et blanc. Pourquoi pas ? Mais l'arrivée des nymphes attifées en ménagères de moins de 50 ans est tristement dépoétisée. Le toujours impeccable Stéphane Degout fait heureusement une apparition remarquable dans Arlequin. Natalie Dessay, chevelure carotte, en bikini et paréo colorés et fleuris, laisse libre court à sa fantaisie dans une mise en scène qui semble alors balancer entre apathie et agitation inutile. Mais pourquoi transformer son air en un pastiche trivial et racoleur de celui d'Olympia (avec référence explicite à la mise en scène de Robert Carsen) ? La Zerbinette straussienne est-elle cette créature hystérique ? Non, bien sûr. Le public de Garnier, tout à la joie de retrouver une chanteuse des plus attachantes, délire, mais cette grosse farce n'a rien à voir avec une oeuvre infiniment subtile et délicate. On peut admettre que Laurent Pelly ait volontairement renoncé aux codes de la commedia dell'arte, mais pas qu'il nous impose un spectacle digne d'une exhibition de Benny Hill. Où est la poésie, où est l'alchimie straussienne ? Natalie Dessay parvient à imposer son abattage, mais on remarque que le suraigu semble moins facile dans cette voix en mutation, qui laissera bientôt sans doute Zerbinette derrière elle.

Katarina Dalayman, habituée du rôle titre, possède des moyens respectables et de belles manières, et elle nous offre de jolis piani, mais l'aigu est parfois tiré et la diction très insuffisante. La meilleure prestation vocale de la soirée vient du Bacchus de Jon Villars. Pas une note ne trahit l'effort dans cette voix solide et puissante, mais surtout menée à une rare musicalité. Il me semble que le ténor américain est aujourd'hui sans rival dans ce rôle. Et, aspect non négligeable, il reste crédible scéniquement en divinité antique. Grâce à lui et à Dalayman, on retrouve enfin le souffle et l'esprit straussiens dans le final et le bilan s'équilibre dans cette production si frustrante sur le plan visuel. Laurent Pelly est un metteur en scène doué ; il ne paraît tout simplement pas dans son élément avec la comédie straussienne où le rire se teinte toujours de mélancolie dans une sorte de clair-obscur permanent. L'objectivité me commande de préciser qu'une grande partie du public a passé une excellente soirée, mais nous étions quelques uns à nous demander ce qu'il était advenu d'une oeuvre que nous chérissons.
 
 

Vincent DELOGE
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