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PARIS
10/02/2008
© DR www.concertspirituel.com/
Jean-Sébastien BACH (1685-1750)
Messe en si mineur
Judith Gauthier : soprano
Philippe Jaroussky : contre ténor
Richard Edgar-Wilson : ténor
João Fernandes : basse
Chœur et orchestre du Concert spirituel
Direction Hervé Niquet
Dimanche 10 février 2008, Salle Pleyel, Paris
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Cantor encore !
La messe en si mineur
fut achevée entre 1746 et 1749, au crépuscule de la vie
de Bach. C’est à la même époque qu’il
écrivit ses œuvres cycliques L’Art de la Fugue et L’Offrande musicale.
Savall n’hésita pas à qualifier cette trilogie de
« Testament musical » du grand Cantor, comme si
Bach avait voulu laissé une trace pour la
postérité. Cela expliquerait pourquoi ce luthérien
convaincu aurait composé une messe latine (à moins
qu’il n’ait voulu postuler auprès de la cour
catholique d’Auguste III de Pologne, auquel la partition du Kyrie
et du Gloria était dédiée).
Hervé Niquet
rend justice à cette œuvre fastueuse, qui fait parfois
appel à un double chœur, timbales et trompettes, ou encore
hautbois d’amour. Judith Gauthier
laisse admirer un phrasé ample et des aigus transparents qui
trahissent l’exquise mozartienne qu’elle est, sans pour
autant paraître déplacés ici. On regrettera
toutefois qu’elle couvre par sa puissance le sensible Philippe Jaroussky dans leur duo du Christe eleison.
Ce dernier, après un temps d’échauffement, charme
toujours par son souffle et la précision de ses ornements, en
dépit d’aigus de plus en plus pincés ; l’Agnus Dei
a été interprété avec poésie,
déroulant sa prière avec une touchante humilité.
Malheureusement pour lui, la basse stable, profonde et grainée
de João Fernandes s’est faite voler la vedette lors du Quoniam tu solus sanctus,
où l’admirable ductilité du corniste a
littéralement sidéré l’auditoire. En effet,
le soliste a entièrement joué la partie
déjà virtuose sans recourir à la technique des
sons bouchés, qui consiste à corriger l’intonation
par l’introduction de la main dans le pavillon, technique
découverte par Hempel dans les années 1760 seulement. Or,
Christophe Rousset avait déjà tenté cette
périlleuse expérience dans son Giulio Cesare et son Ariodante
au Théâtre des Champs-Elysées, et l’essai
s’était soldé par une débandade musicale
indescriptible. Bravo donc à Pierre-Yves Madeuf
dont la maîtrise du souffle et de la vibration des lèvres
nous a laissé pantois. Hélas, on ne saurait en dire
autant du ténor Richard Edgar-Wilson,
remplaçant Emiliano Gonzalez-Toro et visiblement peu à
l’aise. Son timbre aplati, mal assuré, doublé
d’un vibratello constant a rendu le Domine Deus bancal
(décidemment Judith Gauthier est une redoutable partenaire), et
le Benedictus bien terne. Il faut noter à sa décharge que
le baroque ne constitue pas son répertoire de
prédilection.
Le chœur du Concert
Spirituel demeure fidèle à sa tradition
d’excellence, rodée depuis des années à
force de célébrer des grands motets. En plus de
l’extrême cohésion des pupitres, de la
ponctualité des départs et d’une pompeuse ampleur,
le chœur a fait montre cet après-midi là
d’une douceur et d’un liant tout à fait bienvenus.
En outre, en introduisant de nombreux contre-ténors et une
unique alto, Hervé Niquet a décalé le spectre
sonore, conférant aux interventions des sopranos une
angélique clarté.
Enfin, l’orchestre, vif
et dansant, a révélé une palette très
homogène, avec des timbres très
différenciés et très colorés, en
particulier les flûtes et bois. La direction du chef, moins
directe qu’à l’accoutumée, a mis
l’accent sur le moelleux et le souffle lyrique, nimbant
l’œuvre dans un climat élégiaque et
nostalgique : plus Herreweghe qu’Harnoncourt pourrait-on
dire. L’archet lumineux d’Alice Piérot a cependant souffert de cordes désaccordées lors du Laudamus te.
Pour pinailler un peu, on déplorera aussi la
présence d’au moins une « trompette
baroque » dans l’orchestre, compromis
musicologiquement douteux qui facilite le jeu de la trompette naturelle
en perçant des trous dans le tube, ce qui nuit à la
sonorité rutilante de l’instrument et mécanise le
trille. Cela est d’autant plus surprenant qu’Hervé
Niquet est célèbre pour son intransigeance à ce
sujet, qu’il avait abordé dans un petit article joint aux
notes de programme de son enregistrement de la Water Music
chez Glossa. Mais ce n’est évidemment pas un ténor
décevant et de petits trous dans la trompette qui pourront nous
empêcher de réécouter ce généreux
concert si France Musique le diffuse.
Viet-Linh NGUYEN
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