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MARSEILLE
16/03/2008
Marco di Felice © DR
Giuseppe Verdi (1813-1901)
Un Ballo in maschera
Opéra en trois actes (1859)
Livret d’Antonio Somma
Coproduction Opéra-Théâtre d’Avignon et des Pays de Vaucluse /
Théâtre de Caen, Opéra de Rennes
Mise en scène, Jean-Claude Auvray
Assistante et chorégraphe, Cookie Chiapalone
Décors, Alain Chambon
Costumes, Louis Désiré
Lumières, Philippe Grosperrin
Amelia : Micaela Carosi, soprano
Ulrica Arvidson : Eugénie Grünewald, mezzo-soprano
Oscar : Laura Hynes Smith, soprano
Gustave III / Ricardo : Giuseppe Gipali, ténor
Comte Anckarström / Renato : Marco di Felice, baryton
Comte Ribbing / Samuele : Jean Teitgen, basse
Comte Horn / Tom : Patrick Bolleire, basse
Christiano le marin / Silvano : Olivier Heyte, baryton
Un serviteur : Julien Dran, tenor
Le juge : Jean-Michel Muscat, basse
Orchestre et chœur de l’Opéra de Marseille
Chef du chœur : Pierre Iodice
Direction musicale : Nader Abassi
Marseille, ce 16 mars 2008
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Trio tragique en Suède
Plus de dix ans après son apparition, on retrouve cette production telle quelle. Entre les versions possibles pour Un ballo in maschera, la suédoise ou l’américaine, Jean-Claude Auvray
opte pour la première. Il répète ses motifs dans
le programme de scène : retrouver
« l’atmosphère d’une cour
européenne du XVIII°siècle », le
« faste et l’élégance française
si chers (aux goûts de Verdi) de la cour de Gustave
III ».
Le problème est qu’aujourd’hui comme hier le
décalage entre ces propos et la réalisation laisse
perplexe. Le palais royal a pour tout ameublement un fauteuil tendu de
rouge (que l’on retrouve chez Ulrica comme chez Amelia) ce qui
conduit à poser l’écritoire par terre ; quand
aux vêtements des courtisans, ils ont
l’austérité d’uniformes qui semblent faits
pour des Américains puritains. Le gibet du deuxième acte
est toujours représenté par un immense tronc
d’arbre torturé sans rapport avec la description
donnée par Ulrica. Quand aux armes blanches dont le port va de
pair avec le milieu aristocratique choisi, elles sont remplacées
par des pistolets plus fonctionnels ; faudra-t-il regretter de
comprendre la langue du livret ?
A ces hiatus près - la brutalité d’Oscar à
l’égard du juge semble bien excessive et si l’envol
spectaculaire du cabinet d’Ulrica, à l’acte II
relève de la coquetterie et non de la nécessité
dramatique - la mise en scène respecte globalement les
situations, un mérite devenu rare.
Vocalement, tout n’est pas parfait, mais les déceptions s’effacent devant les réussites. Certes le chœur initial manque d’homogénéité. Certes Eugénie Grünewald, qui nous avait séduit sans réserve dans Maria Golovine, cherche laborieusement les graves de son rôle et contrôle difficilement un vibrato excessif. Certes la voix de Laura Hynes
Smith est dépourvue de l’éclat provocant qui
constitue le personnage en exprimant l’irréflexion de la
jeunesse, mais elle se tire honorablement des agilités dont le
rôle est tissé. En revanche Olivier Heyte donne tout son relief à l’épisodique Silvano. Le duo des conspirateurs est irréprochable : Jean Teitgen et Patrick Bolleire ont la sonorité profonde que Verdi leur a dévolue.
Marco di Felice est
bien l’homme doublement meurtri dans ses engagements ; dans
sa grande scène de l’acte III il rend sensible
l’évolution qui amène Renato à renoncer
à tuer Amelia pour frapper son suborneur et trouve des accents
touchants sans sombrer dans le vérisme, un équilibre
difficile et réussi, pour exhaler son tourment.
Micaela Carosi, qui
débute à Marseille, prête à Amelia une voix
riche, homogène et veloutée, dont elle contrôle
très bien l’émission, dosant excellemment les piani.
A quelques consonnes un peu molles près (dans le
« Morro » du troisième acte)
l’articulation est claire et ferme. Un peu placide dans son air
d’entrée, l’interprète s’anime
rapidement et d’acte en acte gagne en émotion ;
manifestement ce rôle est adapté à ses moyens
vocaux et dramatiques. Brava !
Giuseppe Gipali est
le ténor solide que l’on connaît ; chanter
Riccardo ne lui pose aucun problème sur le plan de la tessiture.
La bonne surprise vient d’une tenue du rôle
supérieure à nos attentes ; certains chanteurs ont
plus de prestance, mais il s’impose complètement par la
justesse de ton du personnage et par son élégance
musicale, qui purifie son chant d’effets importuns et fait de
cette interprétation une leçon de style. On peut en dire
autant des duos entre Amelia et Riccardo, de grands moments.
Le mérite de ces chanteurs scrupuleux est soutenu tout du long par celui de Nader Abassi, celui-là même qui avait exalté la partition de Maria Golovin. Est-ce l’inquiétude quant à l’avenir de leur maison qui donnait aux musiciens de l’orchestre
cette concentration ? En tout cas le chef obtenait de la fosse une
exécution d’une qualité vraiment remarquable, pour
le rendu et la précision des pupitres comme pour
l’équilibre sonore entre la fosse et le plateau. Oui, ce
dimanche, à l’Opéra de Marseille, on a fait de la
musique, pour notre plus grande joie !
Maurice Salles
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