C'est
une production très festive du Barbier de Séville
que le Festival d'Aix-en-Provence a choisi de présenter au Monastère
du Grand Saint-Jean cette année. On a fait appel pour cela à
l'orchestre du Teatro Communale de Bologne, des spécialistes du
genre qui, sous la direction de Daniele Gatti, réussissent dès
l'ouverture à rendre le côté inventif, surprenant et
résolument moderne de la partition. Tout en légèreté
et en nuances, l'orchestre sera d'ailleurs tout au long de la représentation
le complice attentif des intentions du metteur en scène, les soulignant
avec beaucoup d'humour, si ce n'est toujours avec virtuosité.
© Elizabeth Carecchio
Insistant sur le côté
bouffe de l'oeuvre bien plus que sur la satire sociale du texte de Beaumarchais
- mais n'est-ce pas précisément le sens que Rossini lui-même
a donné au livret ? - David Radok insuffle à toute la représentation
une énergie considérable, sans aucun temps mort, rebondissant
à tout propos, avec souplesse et humour ; on ne s'ennuie pas une
seconde, on rit beaucoup et de fort bon coeur, de nombreux détails
scéniques - six danseurs viennent se mêler au choeur - donnent
sans cesse quelque chose à voir. Chaque personnage est sommairement
défini dès l'ouverture ; de cette caractérisation
naîtront bien vite des caricatures, ne laissant guère de place
à l'ambiguïté ni à la réflexion, mais
remarquablement efficace sur le plan scénique. La conception scénique
relève de l'esthétique de la bande dessinée autant
que de celle de la comédie italienne : costumes colorés,
mimiques, décors simplifiés contribuent à définir
les personnages et les situations de façon univoque. La mise en
scène colle au texte autant que faire se peut, parfois même
avec redondance, chaque idée, presque chaque mot est souligné
par un geste, sans anticipation.
© Elizabeth Carecchio
La distribution est très largement
dominée par la superbe prestation de Peter Mattei (on l'avait découvert
à Aix en Don Giovanni en 1998 puis en Onéguine en 2002) qui,
du haut de ses presque deux mètres, campe un Figaro plus souverain
que valet, juvénile, joyeux, farceur, très sûr de lui,
un peu en dehors de la conception traditionnelle du rôle, remarquable
de présence, occupant toute la scène et captant tous les
regards. Sa prestation vocale est remarquable d'aisance, sauf peut-être
dans les redoutables vocalises rossiniennes qui ne sont manifestement pas
son fort et qu'il esquive avec un clin d'oeil au public : la voix est superbe
et puissante, elle en impose à tous. À ses côtés,
Camilla Tilling donne au personnage de Rosine beaucoup de relief et de
présence : la voix est fluide et belle, la technique très
sûre et elle se montre une musicienne aussi accomplie que bonne comédienne.
On ne peut en dire autant, hélas, du ténor Luigi Petroni,
le Comte Almaviva, dont la voix trop tendue, manquant d'homogénéité,
d'aisance dans le registre aigu et de caractère dans le grave, ne
nous a pas séduit. Sa prestation scénique souffre de la comparaison
avec celle de Mattei, c'est peu dire, la majesté, une part de la
crédibilité du personnage en pâtissent. Autre personnalité
très forte, accumulant les effets comiques, le Bartolo de John Del
Carlo, terriblement cocasse et parfaitement distribué contribue
pour beaucoup à la cohérence du spectacle. Accordons encore
une mention spéciale à Giovanna Donadini en Berta, qui donne
à ce petit rôle beaucoup de caractère et de verve.
Alex Esposito est un Basile assez juste mais un peu limité vocalement,
surtout pour une prestation de plein air.
Le choeur Accentus, qu'on connaissait
plutôt jusqu'ici dans l'oratorio, la musique ancienne ou dans le
répertoire contemporain, semble s'amuser beaucoup et prend manifestement
grand plaisir à se faire l'interprète des facéties
du metteur en scène, tout en livrant, au plan musical, une prestation
parfaite.
Claude JOTTRAND
Jusqu'au 28 juillet 2005 au Théâtre
du Grand Saint Jean.