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VICENZA
07/06/2008
Giovanni Batista Rigon
© DR
XVII° édition des Semaines musicales
au Théâtre Olympique de Vicence
Gioachino Rossini
Il barbiere di Siviglia (1816)
Melodramma buffo en deux actes
Livret de Cesare Sterbini
Mise en scène, Roberto Recchia
Eléments scéniques, Fabricio Palla
Costumes, Romeo Liccardo
Lumières, Emiliano Pascucci
Le comte Almaviva : Dionigi d’Ostuni
Bartolo : Elia Fabbian
Rosina : Concetta d’Alessandro
Figaro : Cüneyt Ünsal
Basilio : Lorenzo Regazzo
Berta : Natalizia Carone
Fiorello : Yiannis Vassiliakis
Orchestre de Padoue et de la Vénétie
Chœur de la Scola San Rocco
Chef de chœur, Francesco Erle
Direction musicale, Giovanni Batista Rigon
Vicenza, le 7 juin 2008
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Résurrection à Vicenza
Au programme de ces XVIIe Semaines Musicales au Théâtre Olympique, une nouvelle édition du Barbier de Séville
attire l’attention. En 1825 l’œuvre avait
été créée au Teatro Eretenio de Vicence
dans la foulée de représentations données à
La Fenice voisine lors d’une
« tournée » de la famille impériale
autrichienne sur « ses » terres de la
Vénétie. Le matériel utilisé, partition et
livret, était celui imprimé par le Théâtre
San Moisè en 1817. N’ayant pu disposer des documents de
Venise – ceux de Vicence ayant disparu à une date
indéterminée, peut-être quand la ville fut
bombardée lors de la deuxième guerre mondiale - le chef
d’orchestre Giovanni Battista Rigon,
directeur artistique des Semaines Musicales, a retrouvé un
manuscrit utilisé à Padoue en 1817 qui, bien que
différent de celui de Venise sur certains points, est
probablement très proche des documents utilisés à
Vicence en 1825. C’est cette version qui est
représentée au Teatro Olimpico ; les éditions
Ricordi s’y sont intéressées et elle sera
intégrée à la nouvelle édition critique
signée par Alberto Zedda à paraître en octobre
prochain.
Par rapport à la version déjà établie par
ce dernier, les différences sont assez nombreuses, même si
la tonalité des airs est conservée, sauf pour
« Cessa di più resistere » qui passe
d’Almaviva à Rosine et du si bémol majeur au fa
majeur. Ainsi l’air de Bartolo « A un dottor della
mia sorte » disparaît, remplacé par
« Manca un foglio », paroles de Gaetano Gasbarri
et musique de Pietro Romani, utilisé depuis octobre 1816 avec
l’accord de Rossini, lorsque les difficultés
d’exécution de l’air original excédaient les
possibilités de l’interprète du rôle, ce qui
fut le cas à Padoue. L’air de Rosina « Contro
un cor che accende amore » du deuxième acte est
remplacé par une cavatine en si
bémol majeur « La mia pace, la mia calma »
et « Cara immagine ridente » est supprimé
aussi. En outre en regard des récitatifs la partition
précise que le chef peut couper comme bon lui semble.
Disons sans tarder que nous aurions aimé que cette
intéressante récupération fût
exécutée sur instruments anciens, pour que
l’entreprise acquière la cohérence maximale. Mais
ne boudons pas notre plaisir : dans la fosse découverte du
sublime Théâtre Olympique, Giovanni Battista Rigon imprime dès l’ouverture à l’orchestre de Padoue et de la Vénétie
une allure extrêmement personnelle. Loin de certaines
frénésies, le rythme qu’il donne et les
sonorités qu’il obtient ont quelque chose du lieu :
c’est la sensualité de la terre étale, c’est
la tonicité de l’air marin, c’est le bondissement de
la houle, c’est la joie de la vie épanouie. De
mémoire nous n’avons jamais ressenti une telle symbiose
immédiate entre un interprète et une œuvre ;
et ce bonheur sera constant jusqu’au finale, avec le merveilleux
intermède d’un orage à la fois ciselé et
sans maniérisme. Du très beau travail !
Les difficultés d’une mise en scène au Teatro
Olimpico tiennent au classement au patrimoine mondial de
l’humanité de tous les éléments du
décor de scène réalisé par le grand Andrea Palladio
(dont on célèbre cette année le cinq
centième anniversaire de la naissance) ce qui entraîne
l’impossibilité de les utiliser ou de les modifier de
quelque sorte que ce soit. Au metteur en scène de se
débrouiller comme il peut dans un espace comparable à
celui d’Orange, très large et peu profond. Force est de
reconnaître que Roberto Reccia
s’est démené pour surmonter l’obstacle ;
il y parvient en multipliant autant que possible les apparitions des
personnages dans les gradins, hors de l’espace scénique,
en exploitant le dessous de la scène et ses ouvertures sur le
plateau et grâce au dispositif de grilles conçu par Fabrizio Palla.
Tantôt repliées tantôt déployées par
les membres du chœur convertis en machinistes, elles sont
l’image des clôtures physiques ou mentales qui enferment
Rosina et Bartolo. Quelques excès dans les trouvailles, ou
plutôt dans leur traitement : le jeu de Figaro pendant sa
cavatine d’entrée finit par lasser, comme la scène
du cadenas que Rosina ne parvient pas à ouvrir au
deuxième acte. Mais ce sont des péchés
véniels, à côté par exemple de la
réussite dans la scène de l’acte II où
Basilio tarde à s’en aller quand tous les autres l’y
exhortent. Les costumes sont élégants et pertinents,
à l’exception peut-être de celui d’Almaviva
dans la première scène, un peu trop riche pour
quelqu’un désireux de rester incognito, ou de passer pour
un étudiant pauvre.
Le plateau réuni mélange confirmations, heureuses
surprises et perplexités. Dans les rôles secondaires de
Berta et de Fiorello, Natalizia Carone et Yannis Vassilakis tirent leur épingle du jeu avec aisance. Pas de surprise avec Lorenzo Regazzo :
son Basilio est l’intrigant de la tradition, mais moins
cauteleux, plus franchement filou, parce que d’un sans gêne
qui est probablement le fruit d’une longue impunité, et
jouant la candeur avec une effronterie réjouissante. Son air de
la calomnie s’écoute bouche ouverte, tant il est, comme on
dit en Italie, « da manuale », et la scène
du second acte où il tarde à s’en aller est
habilement interprétée. Délivré des
difficultés les plus ardues du rôle Elia Fabbian compose un Bartolo crédible par sa tenue scénique sans jamais en faire une caricature. En Almaviva Dionigi D’Ostuni est
pour nous une belle découverte : un timbre qui n’est
pas sans rappeler parfois celui de Juan Diego Florez, une
émission saine, de la résistance, une voix
homogène, des aigus clairs et faciles, de la souplesse
même si en gagner ne nuirait pas, et un physique agréable,
ce jeune ténor a bien des atouts. C’est aussi le cas de Concetta d’Alessandro,
qui remplaçait Laura Polverelli initialement
annoncée ; la voix est souple, ample,
l’agilité satisfaisante et le comportement scénique
très vivant. Toutefois le timbre est si clair qu’on finit
par se demander s’il s’agit bien d’un mezzo-soprano,
car le registre grave ne subjugue pas. Dans le rôle-titre Cüneyt Ünsal,
fortement applaudi mais dont l’engagement dramatique ne
supplée pas pour nous un timbre sans séduction
particulière et une virtuosité un peu en
deçà de nos attentes et qui semble en outre peiner
à la fin du premier acte probablement pour avoir trop
poussé auparavant. Enfin le chœur de la Schola San Rocco remplit parfaitement son rôle dans les finales des deux actes.
Le Théâtre Olympique affichait complet pour cette
représentation et n’a pu satisfaire toutes les
demandes. Les chanceux, parmi lesquels de nombreux étrangers,
ont salué par de longues ovations les artisans de cette
séduisante résurrection.
Maurice SALLES
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