Barbe Bleue a été
composé par Offenbach en 1866, entre la Belle Hélène
et la Vie Parisienne, c'est dire si l'oeuvre appartient à
une période faste du compositeur, elle a d'ailleurs obtenu un beau
succès lors de sa création, succès toutefois sans
lendemain. On sent la proximité de cet opéra bouffe peu connu
avec ceux composés pendant la même période, à
la musique aussi bien qu'à la maîtrise du livret : il ne s'agit
nullement d'une oeuvre mineure.
Elle est pourtant difficile
à écouter de nos jours, sauf à dénicher un
enregistrement à peu près introuvable de l'ORTF en 1967 avec
Henri Legay et Lina Dachary. Il semble qu'il existe également un
live avec Michel Sénéchal, encore plus rare. C'est pourquoi
nous ne pouvons que nous réjouir de cette résurrection.
Pour l'occasion, les auteurs
du projet ont dû adapter l'orchestration à leurs moyens, c'est
à dire réduire la partition pour douze instrumentistes, et
couper quelques passages estimés musicalement peu intéressants.
C'est très habilement fait, et si l'ouverture surprend de prime
abord par son effectif réduit, on s'y fait ensuite très vite.
Le directeur musical, Benjamin Lévy, est un assistant de Marc Minkowski,
cela se sent à ses tempi !
De la même façon,
il n'a pas été fait confiance au livret de Meilhac et Halévy,
jugé trop daté, et une grosse partie du texte parlé
a été soit réécrite, soit supprimée,
avec conservation de l'armature d'origine, voire quelquefois de phrases
entières.
Le décor en forme
de manège sur lequel on accroche bon nombre d'objets divers, qui
doit s'adapter à la quinzaine de scènes différentes
sur lesquelles ce spectacle sera repris un peu partout en France, est léger,
et permet des effets amusants, les costumes, débordants de paillettes,
sont drôles et déjantés. La mise en scène de
style un peu music hall est basée sur le gag et la loufoquerie,
on rit, au premier degré, sans arrière-pensées aucune.
Evoluent ainsi dans ce royaume
foutraque : un Barbe Bleue qui danse le cancan sous son nom clignotant
au néon, une paysanne nymphomane, un conseiller du roi pailleté
comme une drag queen, un alchimiste qui relève sa soutane pour danser,
un roi demeuré, une reine hystérique, un prince en kilt,
une princesse à l'accent méridional prononcé, un acrobate,
et pas de raton laveur, mais une vache qui opine de la tête... on
s'amuse beaucoup...
Afin de ne pas être
taxée de copinage illicite, je ne parlerai pas des mérites
individuels de chaque chanteur, mérites qui sont pourtant fort grands.
Il suffit de savoir que l'équipe est jeune, motivée, composée
de professionnels solides, à l'aise sur scène et possédant
des voix bien menées. A une exception près, leur diction
est vraiment très bonne et on saisit tout ce qui se passe sur scène.
Voici Offenbach bien défendu,
par de jeunes chanteurs qui sont peut-être les grands de demain.
Quel plaisir !
Catherine Scholler