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STRASBOURG
20/03/05
© Opéra du Rhin
BEATRICE ET BENEDICT

Hector BERLIOZ

Opéra comique en deux actes
Création à Baden-Baden, le 9 août 1862

Cyril DIEDERICH (direction musicale)
Jean-Marie VILLEGIER / Jonathan DUVERGER (mise en scène)
Jean-Marie ABPLANALP (décors)
Patrice CAUCHETIER (costumes)
Bruno BOYER (lumières)
Jérôme VARNIER (Don Pedro)
Ivan LUDLOW (Claudio)
Gilles RAGON (Bénédict)
Alain TRETOUT (Leonato)
Monique ZANETTI (Héro)
Karine DESHAYES (Béatrice)
Elodie MECHAIN (Ursule)
Jean SEGANI (Somarone)

Orchestre symphonique de Mulhouse
Choeurs de l'Opéra national du Rhin 
Opéra de Strasbourg, 20 mars 2005

Premier volet d'une trilogie Berlioz annoncée par l'Opéra du Rhin, cette production de Béatrice et Bénédict a été créée à Lausanne en 2002, puis reprise avec le même succès à Bordeaux l'année suivante. Elle méritait bien ce détour par l'Alsace tant Jean-Marie Villégier y déploie des trésors d'intelligence et de goût, y compris lorsqu'il entreprend de toiletter les dialogues pour leur donner une nouvelle verdeur shakespearienne. La référence au dramaturge anglais s'impose indiscutablement pour évoquer ce travail minutieux, auquel il faut associer Jonathan Duverger, collaborateur attitré du metteur en scène, Jean-Marie Abplanalp, auteur de très beaux décors, sobres et astucieux, dont chaque élément est porteur de sens, Patrice Cauchetier, qui signe d'élégants costumes élisabéthains, et Natalie Van Parys, qui a réglé cette reprise avec un soin méticuleux.

L'expérience du théâtre parlé confère à la régie de Jean-Marie Villégier deux qualités primordiales à la réussite de ce type d'opéra-comique : la précision de la direction d'acteurs et la justesse rythmique. Les scènes de comédie et les pages plus mélancoliques s'enchaînent sans rupture dans ce spectacle qui prouve s'il en était besoin la valeur théâtrale d'un ouvrage que le metteur en scène conçoit comme "un ensemble cohérent, mais avec des couleurs et des formes multiples". Décors et costumes se réfèrent à la période shakespearienne, mais Jean-Marie Villégier sait aussi jouer de l'anachronisme, d'autant plus savoureux qu'il est soigneusement dosé. Le public, déjà conquis par le rythme et la drôlerie du propos, apprécie et applaudit l'apparition de la Cadillac rose au finale. Cette idée s'intègre parfaitement à un spectacle imaginatif (le tableau de la crucifixion sur "Ici l'on voit Bénédict, l'homme marié"), fidèle à l'esprit de l'oeuvre mais délicieusement irrévérencieux, pratiquant le trait d'humour jamais appuyé et le gag toujours spirituel. Chaque personnage est gaiement caractérisé dans cette production qui constitue un véritable modèle de mise en scène spirituelle et créative, et qui mériterait encore de nombreuses reprises à l'avenir.


© Opéra du Rhin

Un des impératifs pour un tel ouvrage est de disposer d'une distribution francophone afin de faire vivre les dialogues. C'est le cas ici, y compris avec le britannique Ivan Ludlow, et chacun des chanteurs ajoute à sa parfaite crédibilité physique un réel engagement. Le trio féminin est très satisfaisant, même si Monique Zanetti semble en retrait dans son air, avec un certain manque de projection et une diction légèrement confuse. Par la suite, elle apporte une contribution plus qu'honnête aux ensembles et campe une jolie Hero, nimbée de grâce mélancolique. Elodie Méchain offre à Ursule un timbre riche ainsi qu'une diction impeccable, participant à la réussite d'un duo nocturne d'une poésie infinie, puis d'un trio non moins réussi. Pour sa première Béatrice scénique, Karine Deshayes confirme son statut de grand espoir du chant français. C'est Didon déjà qu'on imagine à l'écoute de cette voix ronde et puissante qui livre son grand air avec autorité, dans la déploration comme dans la flamme. Elle ne possède pas la hauteur railleuse que Béatrice Uria-Monzon apportait au personnage, mais son persiflage bonhomme ne manque ni de charme, ni de sel.


© Opéra du Rhin

Les hommes ne sont pas en reste, à commencer par le Bénédict plein de verve de Gilles Ragon, qui réalise une époustouflante prestation scénique. Vocalement, la diction est précise, le style exemplaire et les moyens conséquents, même si l'on remarque que les choix de répertoire récents ont partiellement privé la voix de cette remarquable clarté d'émission héritée de longues années de fréquentation du répertoire baroque. Ivan Ludlow et Jérôme Varnier jouent les utilités avec grâce et humour, tandis que Jean Ségani campe un désopilant Somarone, cousin germain de Falstaff. Je n'oublierai pas de mentionner Alain Trétout, formidable comédien qui nous offre un Leonato d'une drôlerie irrésistible.

Grand défenseur du répertoire lyrique français, Cyril Diederich dirige l'ouvrage avec une précision d'orfèvre, maîtrisant parfaitement les difficultés rythmiques de la partition et trouvant le juste équilibre entre allant et poésie. Il mène à bon port une formation orchestrale parfois irrégulière, tandis que les choeurs, remarquablement préparés par Michel Capperon, confirment ici leur excellent niveau. Décidément, les fées se sont penchées cette saison sur la programmation de l'Opéra du Rhin, qui enchaîne les succès en maintenant un très haut niveau de qualité scénique. Prochain rendez-vous : Le Couronnement de Poppée.
 

Vincent DELOGE

 
 
 

Prochaines représentations :
22 & 29 mars, 01 & 05 avril (Strasbourg) 15 & 17 avril (Mulhouse)

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