WORLD TRADE CHANTEUR
!
Luciano Pavarotti a souvent
été attaqué pour ce genre de spectacle: "ce n'est
pas de l'opéra", "c'est pour faire du fric", "ça n'a pas
d'intérêt artistique", "ça n'attire pas le public vers
l'opéra", etc, etc, etc.
Pour fixer le cadre de cette
critique, je ne reviendrai pas sur ce type de considérations qui
ont déjà donné lieu à des débats passionnés
mais hélas vains et redondants.
Je me contenterai d'analyser
ce concert comme ce qu'il prétend être: un spectacle "grand
public".
15.000 spectateurs avaient
donc cassé leur tirelire pour assister au retour à Paris,
à l'occasion de ses 40 années de carrière, du ténor
le plus célèbre du monde, voire le seul vraiment connu de
la boulangère du coin de la rue. Rappelons qu'aucun album lyrique
de Luciano n'a jamais dépassé les 100.000 exemplaires (alors
que les "3T" ont été vendus à plusieurs millions)
: il s'agit donc d'un phénomène, unique depuis Caruso, de
chanteur d'opéra authentiquement populaire.
Pour l'occasion, Luciano
était accompagnée de la jeune Carmella Remigio, découverte
il y a quelques années à l'occasion des "Don Giovanni " d'Abbado
à Aix.
Le spectacle bénéficie
d'une sonorisation correcte au niveau de l'orchestre et même excellente
en ce qui concerne les voix.
Le programme est consistant
et majoritairement orienté vers l'opéra: on sent, aux réactions
de la salle, que celle-ci aurait sans doute préféré
"Funiculi Funicula" aux "Duo des Cerises", mais dans l'ensemble l'accueil
est enthousiaste, Carmella Remigio bénéficiant à l'occasion
de véritables ovations (ce qui prouve que le public n'est pas sourd,
même s'il est venu pour Luciano).
Aidée par la sonorisation,
Carmella Remigio aborde "Trovatore" et "Traviata", mais son répertoire
d'élection se situe plutôt dans le Mozart des "Nozze" voire
le Puccini de la "Bohême": une petite Freni en quelque sorte ! La
voix est bien conduite, avec des vocalises correctes; les aigus plafonnent
au ré bémol et les trilles ne sont pas même esquissés:
il y a encore du travail à faire avant d'atteindre le niveau de
Mirella !!!
L'orchestre est discret,
et ça vaut mieux (l'ouverture des "Noces" est carrément vasouillarde):
le principal souci de Maggiera (pianiste habituel de Luciano en récital),
c'est d'accompagner le tenorissimo en se calquant sur son rythme.
Et Luciano ?
Certes, l'homme a vieilli:
le souffle est plus court (avec une tendance à précipiter
la phrase musicale en commençant un peu avant l'orchestre et en
finissant un peu avant!), les piani détimbrés ne passeraient
pas la rampe sans micro, on subit quelques graillons dans l'Arlésienne
et des transpositions un peu partout.
Mais, le charisme, les notes
sont là et le timbre reste un des plus beau qui soit (peut-être
même encore plus riche que par le passé, Luciano ayant gagné
en graves): il reste inapproché dans la "Bohême". Le Pavarotti
des "Fille du Régiment" avec Sutherland ou des "Bohême" Freni
/ Kleiber appartient maintenant au passé: sachons apprécier
ce qui nous reste de cette voix bénie des dieuxÝ
L'inévitable "brindisi"
de la "Traviata", repris en choeur par la salle, conclue la soirée
d'un public ravi : quand un travail quel qu'il soit atteint ce niveau de
qualité, pourquoi bouder notre plaisir ?
Placido Carrerotti