ATTENTION, UNE BOHEME PEUT EN GÂCHER
UNE AUTRE !
Reprise décevante et routinière
à l'Opéra Bastille :
Vincenzo La Scola est un Rodolfo médiocre
: acteur limité, timbre sans beaucoup de couleurs (du moins depuis
le second balcon) et tout à fait insuffisant en terme de volume
(pour donner une idée, il est couvert par Tézier qui lui-même
chantait moins fort qu'Alagna, ce dernier n'étant pas Loritz Melchior).
Elena Kelessidi n'est guère plus puissante, mais compense par un
engagement irrégulier (un coup elle en fait trop, un coup elle ne
fait rien) et le timbre est insipide. Ludovic Tézier et Stéphane
Degout sont tout aussi irréprochables qu'avec la première
distribution. Nathan Berg est en revanche un Colline un peu engorgé,
inférieur à Erwin Schrott. Seule surprise, Inva Mula remplace
au pied levée Elena Evseeva qui avait annulé dans l'après-midi
: certes le timbre n'est pas non plus exceptionnel, mais on entend enfin
une vraie voix, capable de franchir la fosse, sans parler d'un abattage
certain.
Stéphane Denève, très
occupé à remettre de l'ordre dans son abondante chevelure,
dirige un peu bruyamment ce spectacle de Noël ("Étoi-leu Dénè-veu
!"), avec des tempi corrects et classiques, mais n'évite
pas certains problèmes techniques, en particulier des décalages
assez nombreux.
Visiblement, ce spectacle n'a pas dû
coûter bien cher à la direction de l'opéra : de fait,
le public est pas mal composé de comités d'entreprise, et
de scolaires (en dehors des touristes seuls capables de payer 690 F pour
une telle m...). Peut-on faire aimer l'opéra à ceux qui n'y
vont presque jamais en leur proposant des spectacles aussi inintéressants
? Je ne le pense pas : ce sont plutôt les spectacles d'exception
qui "donnent le virus" !
Malgré cela, l'accueil du public
reste chaleureux au rideau final, quoique plus sélectif au cours
de la soirée (la Scola et Kesselidi se prennent un bide total, l'un
après "Che gelida manina" et l'autre après "Addio senza rancor
").
Un public qu'on aurait donc tort de
prendre à la légère...
Placido Carrerotti