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BRUXELLES

10/12/02


( crédit photo La Monnaie/ De Munt )
La Bohème

Giacomo PUCCINI

Opéra en quatre actes
Livret de Giacosa et Illica

Direction musicale : Antonio Pappano
Mise en scène : Christof Loy
Décors et costumes : Herbert Murauer
Eclairages : Reinhard Traub
Chef des choeurs : Renato Balsadonna
Chef des choeurs d'enfants : Denis Menier

Mimi : Olga Guryakova
Musette : Giselle Allen
Rodolphe : Marco Berti
Marcel : Peter Mattei
Schaunard : Stéphane Degout
Colline : Erwin Schrott
Parpignol : Marc Coulon
Benoît : Bernard Villiers
Alcindoro : Chris De Moor
 

Orchestre symphonique,
Choeurs et choeurs d'enfants de la Monnaie

Nouvelle production

Bruxelles, La Monnaie,
le 10 décembre 2002 (première)


Il est rare de pouvoir s'extasier aussi totalement. Je suis d'autant plus content de pouvoir vous transmettre mon grand enthousiasme pour cette nouvelle production de La Bohème de Puccini. Elle a du être précédée d'une préparation extrêmement poussée car tout, absolument tout, était réglé à la perfection, tant musicalement que scéniquement. Et cette perfection technique, discrète mais nette, laissait le champ libre à l'essentiel : l'émotion.

Le metteur en scène, Christoph Loy, pénètre la partition et l'éclaire en tous ses aspects, bien plus nombreux que l'on ne pourrait le croire. Il insiste, par exemple, sur la verve comique de Puccini, trop rarement évoquée. Et pourtant, la scène du sacristain dans Tosca, celle du mariage dans Madame Butterfly ou, bien sûr, Gianni Schicchi sont là pour nous le rappeler. Les premières parties des actes I et IV, ainsi que l'acte II tout entier, sont enlevés de manière époustouflante. Oui, les quatre compères ont froid et faim, mais ils s'amusent ! Prodigieuse direction d'acteur avec un poétique Rodolphe, un virevoltant Marcel, un bondissant Schaunard et un Colline vigoureux au physique de Bryn Terfel. La mansarde, par deux fois, prend seulement la moitié de l'espace scénique, ce qui rend très bien le confinement de l'univers de nos artistes. Tout s'éclaire chez Momus, plus resto que bistro, avec serveurs stylés et nombreuse clientèle. Musette y valsera sur le piano de Schaunard, et l'acte se termine sur l'accord brusque d'Alcindoro découvrant... l'addition. Cette impeccable adéquation entre scène et musique se retrouvera à l'acte III, au fabuleux décor hivernal, qui portera les protagonistes à des élans plus que simplement beaux : vraiment vécus. L'irruption de Musette au milieu des festivités à l'acte IV a rarement été mieux rendue : toute la salle frissonnait. Et l'émotion grandit jusqu'au fatal " Mimi ! " final.

Je n'arrêterai pas de parler de cette mise en scène, car elle respectait parfaitement la dramaturgie de la partition, enchaînant les épisodes enjoués avec les moments de tension de manière très naturelle. Du grand art ! Oui, je sais, on reproche souvent aux critiques d'opéra de consacrer plus de lignes à la mise en scène qu'à la musique. Désolé, pour une fois, je tenais à la saluer spécialement. Et féliciter Christof Loy pour sa totale réussite.

J'ai parlé de nos quatre garçons : ils ont été parfaits, tous, et, en voyant et écoutant Stéphane Degout, j'ai regretté que Puccini n'ai pas écrit d'air pour Schaunard. La palme revint sans doute au Marcel de Peter Mattei, tant aimé du public de La Monnaie. Mais le Rodolphe de Marco Berti, très clair, a soulevé un bel enthousiasme, à juste titre. Mention particulière pour Chris De Moor, percutant Alcindoro. La Musette de Giselle Allen conquit la salle, dans sa valse au II évidemment, mais aussi au dernier acte. Quant à Olga Guryakova, jolie Mimi brunette, elle éclaira l'opéra petit à petit par un timbre et un jeu fragile et émouvant.

Si j'ajoute que l'orchestre de La Monnaie brilla de ses mille feux (ah ! le prélude du troisième acte !) sous la direction du grand Antonio Pappano, je ne puis que vous confirmer que cette soirée fut en tous points exceptionnelle. Nous avons vu, regardé, écouté et aimé une Bohème absolument parfaite. C'est rare. Et c'est beau.
  


Bruno Peeters
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