C O N C E R T S
 
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PARIS
15/12/2004

© DR
RÉCITAL

Barbara BONNEY, soprano
Angelika KIRCHSCHLAGER, mezzo-soprano
Malcom MARTINEAU, piano

PROGRAMME

Felix MENDELSSOHN (1803 - 1847)
Sechs Duette op. 63 (1836 - 1844)
Ich wollt, meine Lieb'ergösse sich - Abschiedlied der Zugvögel - Gruss - Herbstlied - Volsklied - Maiglöckchen und die Blümelein

Robert SCHUMANN (1810 - 1856)
Trois duos extraits du Spanisches Liederspiel, op.74 (1849)
Erste Begegnug - Liebesgram - Botschaft

Camille SAINT-SAENS (1835 - 1921)
Pastorale (1855)

Ernest CHAUSSON (1855 - 1899)
La Nuit (1883) extrait de Trois Duos, op. 11

Jules MASSENET (1842- 1912)
Oh, ne finis jamais

Gabriel FAURÉ (1845 - 1924)
Puisqu'ici-bas toute âme, - Pleurs d'or - Tarentelle 

Gioacchino ROSSINI (1792 - 1868)
Serate musicali (1830 - 1835)
La regata veneziania - La pesca - La serenata

Antonin DVORAK (1841 - 1904)
Moravské Dvojzpévy, op 12 (Duos moraves, 1876, adaptés en allemand)
Ich schwimm dir davon.. - Fliege Vöglein - Wenn die Sense scharf geschliffen wäre.. - Freundlich lass uns scheiden... - Die kleine Acker - Die Taube auf dem Ahorn - Wasser und Weinen - Die Bescheidene - Der Ring - Grune Du Gras ! - Die Gefangene - Der Trost - Wilde Rose

Paris, Théâtre du Châtelet,
15 Décembre 2004


DEUX "DROLES DE DAMES"...
 

Elles arrivent, l'une blonde, l'autre brune, revêtues de robes noires quasiment identiques et elles évoquent irrésistiblement Catherine Deneuve et Françoise Dorléac dans Les Demoiselles de Rochefort. Comme elles, elles sont ravissantes et pleines de charme, et possèdent de surcroît des voix mélodieuses ainsi qu'une belle musicalité...

D'où vient alors que l'ennui s'installe très rapidement pour culminer, à la fin du récital, avec les Duos Moraves de Dvorak les plus insipides qu'il soit donné d'entendre ?

Tout d'abord du fait que le récital composé uniquement de duos est un exercice difficile, voire périlleux - deux grandes spécialistes du genre, Felicity Lott et Ann Murray, avaient, il y a quelques années, dans le même théâtre et deux fois au disque (*), contourné l'obstacle avec maestria en panachant la soirée d'airs chantés en solo...

Ensuite, il est clair que Bonney et Kirchschlager ont opté dés le départ pour un style qu'elles conserveront toute la soirée : le parti pris du "beau son" à tout prix et du charme "glamour" parfois un peu mièvre, bien entendu au détriment du sens.

En résumé, elles chantent tout plus ou moins de la même façon, comme deux jolies femmes interprétant joliment de la jolie musique.

Le problème est que les oeuvres, elles, sont, du moins sur le papier, de genres assez variés, de compositeurs nettement différents et qui habillent des textes allemands, français et italiens...

Avec les lieder de Mendelssohn, cela commence plutôt bien : la fraîcheur un peu niaise, bien que langoureuse, de ces charmantes dames s'accommodant assez de ces duos populaires et champêtres.

Cela se gâte un peu avec Schumann dont elles livrent une lecture trop acidulée pour en traduire la gravité intrinsèque ; passe encore pour Saint-Saëns et sa Pastorale, mais on en arrive à un véritable contresens avec Chausson, musicien délicat et nostalgique dont elles ne savent pas rendre la finesse. Par contre, Gounod, Massenet et Fauré, chantés par elles, s'en sortent mieux, parce qu'apparentés - peut-être à tort - à la musique dite "de salon" tant prisée par les "jeunes filles en fleurs" dont Proust s'entichait. On eut cependant préféré une Tarentelle plus piquante et endiablée.

Le pire est à venir après l'entracte avec ces Serate musicali carrément hors sujet. Il est clair que l'humour, l'abattage et l'esprit frondeur chers à Rossini ne sont pas dans leurs cordes. On n'y retrouve ni la diction populaire et un peu traînante, sans toutefois être vulgaire, du dialecte vénitien, ni l'énergie ravageuse et jubilatoire du maître de Pesaro.

Le contresens s'amplifie avec les célébrissimes Duos moraves dont on a encore dans l'oreille l'extraordinaire version de Schwarzkopf et Seefried. Là, pour le coup, les deux jolies dames n'ont rien "compris au film", et, il faut bien le dire, leur accompagnateur, Malcom Martineau, d'habitude si talentueux, non plus. 

Envolé le caractère si particulier de ces "petits bijoux moraves", passionnés et nostalgiques, agrémentés d'une pointe d'humour et empreints de ce fatalisme si caractéristique de la culture d'Europe Centrale. L'univers de Dvorak n'y est pas, pas plus que l'âme slave et le piano, aussi peu inspiré qu'elles, ne les aide guère.

Elles offriront deux bis, plutôt meilleurs que le reste : Die Schwester de Brahms et D'un coeur qui t'aime de Gounod.

On peut être tenté de supposer que ce concert avait pour objectif principal d'assurer la promotion de leur dernier disque, "First Encounter", où figurent des oeuvres au programme ce soir. Mais ce qui est éventuellement agréable à écouter au disque peut se révéler fastidieux dans un récital live où il est indispensable d'attirer l'attention du public, de le captiver, même... Cette lecture très "premier degré", lisse, aseptisée, voire monochrome, où la variété et le contraste font souvent cruellement défaut, engendre un ennui poli et de bon ton, joli comme les deux interprètes, mais un ennui tout de même...

Leurs voix, au demeurant, se complètent bien, quoique celle de Bonney, plus sonore et colorée, extravertie et capiteuse, comme sa personne, ait tendance à dominer celle de Kirchschlager. Cette dernière, malgré son frais minois et son look d'éternelle adolescente, paraît plus renfermée et manque singulièrement de charisme. Quelques oeillades un peu coquines et autres minauderies ne peuvent compenser des insuffisances d'interprétation notoires. Il manque vraiment à tout cela passion, ferveur, réelle intelligence et sens profond du texte...

En conclusion, une soirée qui, sans être foncièrement désagréable, ne laissera pas un souvenir inoubliable.
 
 
 
 

Juliette BUCH


(*) Chez EMI : "Sweet Power of Song" en 1990 et "On wings of Song" en 1992 : un "must" ! 
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