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AVIGNON
25/02/05

Eva Jenis
© www.ia-ac.com
MADAMA BUTTERFLY

Drame lyrique en trois actes
Livret de Luigi Illica et Giuseppe Giacosa,
d'après John Luther Long et David Belasco

Musique de Giacomo PUCCINI
(Editions musicales Salabert-Ricordi)

Production de
l'Opéra-Théâtre d'Avignon et des Pays de Vaucluse

Direction musicale : Vincent BARTHE
Direction des chúurs : Stefano VISCONTI

Mise en scène : Mireille LARROCHE
Assistant à la mise en scène : Alain PATIÈS
Scénographie : Guy-Claude FRANÇOIS
Costumes : Danièle BARRAUD
Eclairages : Philippe GROSPERRIN

Cio-Cio-San : Eva JENIS
Suzuki : Christine LABADENS
Kate Pinkerton : Julie BOULIANNE
La Cugina : Ludivine GOMBERT
La Zia : Vanina MERINIS
La Madre : Isabelle GUILLAUME
Il Bambino (Il Dolore) : Léa HOURTANÉ

Pinkerton : Cesare CATANI
Sharpless : Olivier HEYTE
Goro : Rodolphe BRIAND
Il Bonzo : Nicolas TESTÉ
Il Commissario Imperiale : Thomas DOLIÉ
Il Principe Yamadori : Francis DUDZIAK
L'Ufficiale del Registro : Stéphane MARIANETTI
Yakuside : Alain CHARLES

 Orchestre Lyrique de Région d'Avignon-Provence
Choeur de l'Opéra Théâtre d'Avignon et des pays de Vaucluse

Vendredi 25 février 2005
Opéra d'Avignon et des Pays de Vaucluse

Vision fantasmée de la geisha succombant au charme occidental, Madame Butterfly est l'un des plus célèbres opéras de l'histoire. Cette histoire tragique d'amour et de trahison n'a pas cessé d'inspirer les compositeurs... jusqu'à Boublil et Schönberg.

Nagasaki... La toute jeune Cio-Cio-San, surnommée Madame Butterfly et mariée au lieutenant américain Pinkerton dont elle a eu un fils, attend fidèlement le retour de son époux, trois ans après son départ. Condamnée par sa famille pour s'être convertie au christianisme, elle vit dans la solitude... et l'illusion : Pinkerton n'a jamais rien vu d'autre dans cette union qu'un mariage de convenance. Quand enfin il revient au Japon, accompagné de son épouse américaine, le destin frappe à la porte de Butterfly... Ne se considérant "ni pute, ni soumise", la mort sera la seule issue, l'ultime délivrance pour notre malheureuse héroïne.

Dans un décor unique, traditionnel et fonctionnel, la mise en scène de Mireille Laroche a tout pour séduire : une lecture claire du livret, aucune transposition maladroite, une direction d'acteurs qui frise l'ascèse, une gestuelle simple et, par-dessus tout, cette image finale forte, presque insoutenable, qui voit Cio-Cio San se donner la mort, sa ceinture de kimono la reliant, tel un long cordon ombilical, à son enfant. Crise de larmes garantie sur fond de ciel sanguinolent ! Bref, une réalisation très aboutie, sans trop de "japoniaiseries" de carte postale, la nudité crue d'un drame tellement humain car simplement immoral.

La Slovaque Eva Jenis, habituée du rôle, dessine au fusain une Butterfly volontaire et, passée sa nuit d'amour, son interminable attente, ses emportements, ses rancoeurs, sa résignation ultime sont à jamais les nôtres.

Le rôle, elle le connaît et tient à nous le faire savoir. La jolie cantatrice ne force jamais ce frêle équilibre, voulu par Puccini, entre pudeur et mélancolie, entre langueur poétique et brusquerie réaliste. Une sympathique composition d'autant que la ligne de chant est très pure et les accents dramatiques dans les forte ou les demi-teintes fort justes.

Puccinien émérite, l'Italien Cesare Catani, à la jolie carrière internationale, campe un goujat de première classe. Physique avantageux, voix solaire, sensible, passionnée, un rien débraillée qui charrie la rage de l'amour et le cynisme d'un séducteur italo-américain avec une stupéfiante désinvolture.

Plaisir de retrouver le Nîmois Olivier Heyte en Sharpless. Le rôle n'est pas des plus faciles, certes, mais voilà un Ponce Pilate - aux pleurs bien tardifs - dramatiquement solide dont la voix de baryton fière et cuivrée sonne merveilleusement dans le théâtre avignonnais.

Toute aussi attachante se révèle la compassion de Suzuki (Christine Labadens) face au Goro maquereau/obséquieux de Rodolphe Briand, meilleur acteur que maître chanteur. C'est lui, ne l'oublions pas, qui relie en les caricaturant les deux cultures en présence.

Minime réserve d'autant que les brèves interventions de Nicolas Testé (Bonze) ou Francis Dudziak (Yamadori) sont fort bien mises en place.

Succès mérité pour Vincent Barthe. Jamais larmoyante sa direction équilibrée, incisive, sans orientalisme factice, sans pathos inutile, délivre un Puccini familier, d'une constante musicale et d'un souffle certain.
 
 

Christian COLOMBEAU
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