LES CHARGEURS
RÉUNIS ...
Vous trouvez Denyce Graves
vulgaire ?
Vous pensez que Berganza
en fait "un peu trop" ?
Vous vous demandez, avec
un soupir d'aise, ce que Bartoli donnerait dans le rôle ?
Fuyez ! Cette "Carmen" n'est
pas pour vous : tout au contraire, Victoria Livengood, c'est une tradition
"hollywoodienne" du rôle.
Et "tradition" est bien le
mot : dans la lignée des Ponselle, Resnik ou Stevens, Livengood
incarne une Carmen sauvage, outrancière, séductrice vulgaire
et caractère de cochon, chantant tout en fumant, dansant comme une
possédée, d'un vérisme à donner le frisson
dans la scène finale (c'est tellement ENORME qu'on marche à
fond : moins d'engagement et l'on pourrait en rire).
Une Carmen capable aussi
de nuance : comment oublier ses "Remparts de Séville" chantés
avec volupté et désir, la cantatrice étendue sur un
banc de bois, la tête renversée, les jambes en hauteur posées
sur un mur de vieilles pierres ?
Bref ! Une réussite
théâtrale, qui fait oublier certains petits défauts
(une justesse parfois ... un peu juste, un timbre un peu dur mais qui va
si bien à cette garce !).
Face à elle, Richard
Leech est un Don José dont on ne présente plus les qualités
ou les défauts ; disons qu'il était particulièrement
en forme ce soir là : vaillance, absence de vibrato, et la contagion
d'une partenaire survoltée (on est prié de garder les sonotones
au vestiaires).
Très en retrait en
revanche, est la Micaëla de Wendy Nielsen : sa sincérité
ne nous fait pas oublier des performances vocales très en deçà
de ce que le rôle exige, avec des aigus tendus et une absence totale
de pianissimi.
Pour ses débuts au
Met, Ludovic Tézier marque le pas : c'est bien chanté, mais
la voix manque de projection (surtout par comparaison avec les 2 titans
mentionnés) et le personnage est abordé avec trop de retenue
pour passer la rampe.
Les seconds rôles sont,
comme à l'habitude bien tenus.
Yves Abel dirige avec métier,
mais sans véritable génie, confondant souvent "urgence" et
"précipitation".
La production est ... dramatique
: défilées permanents (chevaux, picadors, chevaux, enfants,
chevaux, soldats, chevaux...), masse chorale figées, changements
de décors " "à l'épate"...
Et ne parlons même
pas des libertés prises avec la partition : Zeffirelli va jusqu'à
inverser le prologue du IV et le numéro qui le suit pour insérer
un ballet totalement incongru !
Compliments donc à
Peter McClintock qui a su plaquer une dramaturgie efficace sur cette paella
frelatée et compliments aux deux principaux protagonistes à
qui nous devons cette " "Carmen" un peu hors du temps.
Placido Carrerotti