Présentation officielle à
Colmar du spectacle de fin de session pour la promotion 2001/2002 des "Jeunes
voix du Rhin", centre de formation lyrique de l'Opéra National
du Rhin.
Pour l'occasion a été
choisi un opéra rarement joué de nos jours : "La Cecchina"
de Niccolo PICCINI, musique italienne prémozartienne, au sujet proche
de "La Finta Giardiniera". Dans cette oeuvre à la fois drôle,
touchante et amusante, chaque chanteur pouvait y interpréter un
rôle quasi "sur-mesure" en fonction de sa tessiture et de ses possibilités.
Cinq jeunes femmes sur le plateau :
le rôle-titre est interprété par Natalia ATAMANTSCHUK,
soprano lumineuse qui a démontré par sa prestation d'excellentes
qualités vocales, autant dans les scènes élégiaques
que celles d'amour ou de tristesse. Cette voix alliée à un
physique et un jeu scénique agréables pourraient promettre
un fort bel avenir.
Les mezzos Patricia ROACH et Katri
PAUKKUNEN ont trouvé un matériau d'excellence dans les rôles
des deux servantes cabotines et médisantes.
Quelques difficultés pour la
soprano Carole LOUIS dans le rôle travesti du Chevalier Armindoro
: aigus difficiles, vocalises savonnées mais belle présence
malgré de nombreuses tensions corporelles visibles durant la représentation.
Enfin, en incarnant son amante, la
soprano Julia Vera KAMENIK a pu briller : autant dans son air de
colère du premier acte, que dans ceux plus intérieurs qui
suivront, la jeune femme a fait part d'une interprétation vocale
sans failles. D'origine Viennoise, peut-être pourra-t-elle dans le
futur intégrer la fameuse troupe de cette ville?
Du côté masculin, Daniel
OHLMANN campait le marquis amoureux de la cecchina. Beau ténorino
au joli timbre mais n'ayant sans doute pas encore atteint sa pleine maturité,
ce qui s'est surtout ressenti dans des aigus et des vocalises trop fragiles.
Voix plus mures et déjà
bien affirmées pour le baryton Gerardo GARCIACANO et la basse Pawel
LAWRESZUK, même s'ils sont restés un peu trop sages durant
cette soirée.
Ce bel effectif vocal était
accompagné par les musiciens de l'orchestre du conservatoire
national de région de Strasbourg : trop souvent un manque d'ensemble
ou de justesse s'est fait entendre dans la fosse, mais le jeune chef Leslie
DALA a bien su donner vie à l'oeuvre, surtout grâce un claveciniste
compétent et virtuose qui compensait les défaillances des
cuivres et des ensembles de cordes.
Excellente mise en scène de
Matthew JOCELYN, l'actuel directeur de l'atelier du Rhin (Art dramatique),
à qui l'on doit notamment cette saison une remarquable "Annonce
faite à Marie " de Paul CLAUDEL. Il a su faire évoluer
intelligemment les personnages, dévoiler leur facettes et faire
affronter maîtres et valets ici mêlés sur un terrain
d'égalité.
Il est épaulé par le
sobre et lumineux décor d'Alain LAGARDE : quelques marches, interrompues
par des boîtes en bois d'où surgissent les chaises d'intérieur
du palais et les interprètes, agrémenté de simples
photos végétales sur des panneaux translucides représentant
selon leur position le jardin, un bois ou la vue des fenêtres du
château.
Joli clin d'oeil au librettiste Carlo
GOLDONI par la présence de deux clowns issus de la "Commedia
dell'arte" entre les actes mais qui ont pu surprendre au sein
du drame amoureux de l'opéra.
C'est la deuxième fois cette
saison que l'Opéra National du Rhin fait appel à un homme
de théâtre, après l'extraordinaire Elektra de Stéphane
BRAUNSCHWEIG. Ils semblent réaliser des productions sérieuses
et abouties et travailler avec une équipe gagnante où sont
associés les interprètes : un exemple à suivre pour
d'autres grandes maisons d'opéra ?
Voilà donc une belle soirée,
équilibrée à tous points de vue comme l'Opéra
National du Rhin en a l'habitude depuis quelques années. Espérons
que le départ annoncé de l'actuel directeur Rudolf BERGER
la saison prochaine n'entamera pas une certaine qualité et solidité
enfin atteintes.
Jean-Bernard Havé