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PARIS
12/12/2007
Max-Emanuel Cencic
© DR
"LES DERNIERS CASTRATS"
Wolfgang Amadeus Mozart et Gioacchino Rossini
Max Emanuel Cencic contre-ténor
Megumi Otsuka piano
Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
Ombra Felice
Air de concert K 255
Air d’Ascanio : Cara, lontano ancor
Ascanio in Alba K 11 – Prima parte, scène 2
Rondo pour piano K 485
Air d’Ascanio : Ah, di si nobil alma
Ascanio in Alba K 11 – Prima parte, scène 4
Entracte
Gioacchino Rossini (1792-1868)
Air de Malcom : Mura Felici
La donna del lago – Atto 1
Stefano Donaudy (1879-1925)
Mélodies transcrites pour piano seul
(arrangements de Megumi Otsaka)
O del mio amato ben
Freschi lughi, frauti arenti
Vagissima sembianza
Amorosi miei giorni
Gioacchino Rossini (1792-1868)
Air de Tancredi : O patria
Tancredi – Atto 1
Air de Malcom : A si pera
La donna del lago – Atto 1
Bis
Gioacchino Rossini (1792-1868)
Dolci Silvestri...
Aureliano In Palmira
Johann Strauss (1825-1899)
Air du Prince Orlowski
La Chauve-Souris
Les Concerts Parisiens (Philippe Maillard Productions SARL)
Paris, Salle Gaveau, le 12 décembre 2007 à 20h30
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Pour ou contre-ténor
C’est Rossini plus que Mozart qui rassemblait à Paris le public de la Salle Gaveau autour de Max-Emanuel Cencic.
A raison. Les airs du compositeur salzbourgeois proposés en
première partie de programme constituaient plutôt une
sorte de mise en voix, un prétexte aussi au titre un rien
racoleur du récital : « Les derniers castrats ».
« Ombra felice » fut en effet composé pour
Francesco Fortini, le rôle d’Ascagne pour Giovanni
Manzuoli, l’un et l’autre dignes représentants
d’une catégorie de chanteurs qui, en cette fin de
18e siècle, touchaient à leur crépuscule et
dont Rossini chercha à ranimer l’impossible souvenir en
gratifiant d’une voix de contralto féminin les
héros de ses opere serie : Tancrède, Malcom, Arsace, Falliero… En enregistrant certains d’entre eux pour Virgin Classics, le contre-ténor Max-Emanuel Cencic a su jouer brillamment de cette confusion des sexes et des tessitures.
Echauffement donc que ces trois airs de Mozart qui
n’impressionnent ni par leur inspiration, ni par leur
virtuosité mais permettent au chanteur de prendre
l’ampleur de sa voix et celle de la salle en balayant
opportunément une large gamme d’affects, de l’espoir
au désespoir, de l’exaltation à l’abattement.
Ils mettent déjà en valeur la technique et la
maîtrise du style mais ils trahissent aussi le désaccord
qui existe entre le son mat du piano, surligné par le jeu
mécanique de Megumi Otsuka,
et le timbre tout en rondeur du contre-ténor. Ainsi
interprétés chacun de leur côté, les trois
morceaux glissent sur l’oreille sans accrocher, si vite que le
public se laisse surprendre par les lumières à la fin de
la première partie. Quoi déjà ? On sent dans
la salle comme un flottement déçu.
Puis survient après l’entracte « Mura
Felici » et dès le récitatif, le ton change.
L’inquiétude de l’interprète face au
défi vocal qu’il doit relever rejoint celle du
héros arrêté par les murailles heureuses qui le
séparent de sa bien-aimée. Un personnage émerge de
ce curieux mélange sonore de velours et de laque dans lequel on
s’était tout à l’heure un peu assoupi. Le
piano retrouve ses marques dans un accompagnement qui se veut avant
tout rythmique. Malcom apparaît, avec moins de superbe et de
couleurs qu’à l’habitude, mais avec autant de
vérité et de vélocité. La soirée
peut enfin décoller après que les quatre mélodies
de Stefano Donaudy ont montré Megumi Otsuka sous un meilleur
jour (mais que diable vient faire un compositeur mort en 1925 chez les derniers castrats ?).
Elle atteint rapidement son point culminant avec un « Di
tanti palpiti » d’anthologie, digne des plus grandes,
qui voit se dessiner d’un trait délicat un Tancrède
fragile et expressif, amoureux éperdu (Ah ! La
manière dont Cencic exhale « anima mia »
à l’issue du récitatif), promis au destin de
Ferrare plus qu’à celui de Venise.
Tout s’enchaine ensuite rapidement sans erreur de parcours mais
sans atteindre au même génie. Rapidement, trop rapidement.
On reste sur sa faim. Le second air de Malcom n’a pas la
même ampleur que le premier, les extraits d’Aureliano In Palmira et de La Chauve-Souris, offerts en bis,
durent à eux deux une dizaine de minutes. Il subsiste à
la fin un sentiment diffus, une impression étrange dans laquelle
coexistent l’étonnement – la technique est
surprenante – le plaisir mais aussi une certaine
perplexité devant ce qui demeure, à la scène comme
au disque, un exercice de style.
Christophe Rizoud
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