C O N C E R T S 
 
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PARIS

09/12/02

 
(Joyce Di Donato)
(Juan Diego Florez)
La Cenerentola

ossia La Bontà in trionfo

Melodramma giocoso en deux actes
Musique de Gioacchino Rossini
Livret Jacopo Ferretti

Don Ramiro : Juan Diego Flórez
Dandini : Alessandro Corbelli
Don Magnifico : Simone Alaimo
Clorinda : Jeannette Fischer
Tisbe : Anna Steiger
Angelina : Joyce Di Donato
Alidoro : Lorenzo Regazzo

Orchestre et Choeurs de l'Opéra National de Paris
Direction musicale : Carlo Rizzi

Mise en scène : Jérôme Savary
Décors et costumes : Ezio Toffolutti
Eclairages : Alain Poisson
Chorégraphie : Alexandre Stepkine
Chef des choeurs : Peter Burian

Palais Garnier, lundi 9 décembre 2002


Pour ces fêtes de fin d'année, l'Opéra National de Paris propose une reprise de sa production de La Cenerentola dans la mise en scène de Jérôme Savary : les dilettanti apprécieront diversement.
Il s'agissait lundi soir de la 20ème représentation dans cette mise en scène, et les gags de Savary font toujours leur petit effet sur un public somme toute assez facile : le fauteuil piégé du baron, les turpitudes des deux soeurs, les chutes à répétition... Pas de doute, nous assistons bien à un opéra buffa (La Cenerentola est considéré comme l'adieu de Rossini au genre).
Le clin d'oeil à Théophile Gautier, qui se désolait naïvement que l'on substitue un "stupide bracelet" à la pantoufle, quand Angelina, vite rappelée à l'ordre par Alidoro, présente son pied au Prince, ou encore la présence d'une superbe citrouille, allusion à cette Cendrillon malgré tout dominante dans notre imaginaire collectif, celle de Perrault, font toujours mouche. Intéressant également, le traitement scénique de l'air d'Alidoro : le philosophe s'élève, éclairé à la poursuite, à la manière d'une Reine de la Nuit wilsonienne ; la magie peut alors opérer et transformer Cendrillon pour le bal à la Cour.
En revanche, la chute de Don Magnifico et de son lit, au beau milieu du Miei rampolli femminini, ainsi interrompu par des bruitages enregistrés aussi désagréables qu'inutiles, est d'un effet plus qu'irritant !
Passons sur les ballets, en particulier celui de l'orage au II, dont la chorégraphie est d'une nullité atterrante.
Jérôme Savary, venu saluer au rideau final, essuiera quelques huées.

Dans la fosse, Carlo Rizzi dirige plutôt bien un orchestre aux belles sonorités (très beaux cuivres), malgré quelques tempi un peu aléatoires, et une fâcheuse tendance à parfois couvrir les voix.
Du côté des choeurs, hormis un final correct, c'est la débandade. L'air de Ramiro au deuxième acte y a d'ailleurs beaucoup perdu : sans le décalage insupportable des choeurs, la perfection était proche, nous y reviendrons. Quel dommage, les choeurs de l'ONP nous avaient habitués à tellement mieux. Le départ de David Lévi n'est sans doute pas étranger à ce revirement.

Quant aux solistes, c'est un ravissement avec les principaux protagonistes, en particulier le Don Ramiro de Juan Diego Flórez. Le jeune péruvien, 30 ans en janvier, au faîte de sa carrière, est aujourd'hui unanimement reconnu comme le meilleur ténor belcantiste du circuit. Rossinien émérite, il a captivé son auditoire en exécutant un Si, ritrovarla io giuro somptueux. Tout y est : la projection, la longueur du souffle, la précision des vocalises, l'aigu percutant, une musicalité exemplaire, et des nuances à faire fondre les plus rétifs dans la deuxième section de l'air... Le bonheur !
Il trouve en Joyce Di Donato une Angelina digne des meilleures scènes. Ceux qui ont entendu sa Rosina la saison dernière à Bastille n'ont pas oublié son nom. Le mezzo-soprano aux tendances "sopranisantes" de l'américaine est chaud et sensuel. Voix ample au médium riche, sans poitrinage excessif des graves, et aux aigus assurés, elle aborde crânement les difficultés du rôle. On remarquera un duo très réussi avec Flórez au 1er acte, et un rondo final, page ô combien périlleuse, très honorable. Quelques bravi hystériques ont même fusé, mais enfin, n'exagérons rien : quand notre oreille s'est habituée aux Bartoli ou Valentini-Terrani, on devient difficile...
Le reste de la distribution n'a pas démérité, à commencer par l'Alidoro de Lorenzo Regazzo. Basse puissante, il apporte du relief à son personnage tout au long de la représentation. Malgré quelques vocalises pas toujours très nettes, son air a été copieusement applaudi. Simone Alaimo et Alessandro Corbelli pratiquent depuis bien longtemps les rôles rossiniens et convainquent par leur drôlerie et leur finesse, sinon par la perfection de leurs chants. Quant aux deux soeurs chipies d'Anna Steiger et Jeannette Fischer, elles s'épanouissent totalement dans la mise en scène de Savary, et font rire la salle de bon coeur, l'irrésistible Madame Fischer nous gratifiant comme toujours de ses incroyables grands écarts et de ses percutantes vocalises dans les ensembles.

Soirée plutôt réussie donc, grâce à un plateau vocal de grande qualité, que l'on aimerait maintenant retrouver dans une nouvelle production.
  


Guillaume Rouvery
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