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SIDNEY
15/10/2007
© DR
Jacques Offenbach (1819-1880)
Les Contes d'Hoffmann
Opéra fantastique en un prologue, trois actes et un épilogue (1881)
Livret de Jules Barbier d’après le drame de Jules Barbier et Michel Carré
Mise en scène, Stuart Maunder
Décors, Roger Kirk
Lumières, Nigel Levings
Chorégraphies, Elisabeth Hill
Olympia, Giulietta, Antonia et Stella : Emma Matthews
Hoffmann : Rosario La Spina
Lindorf, Coppélius, Dappertutto et Docteur Miracle : John Wegner
Luther, Spalanzani, Crespel : John Pringle
Nathanael, Colchenille, Pittichinaccio, Frantz : Kanen Breen
La Muse, Nicklausse : Pamela Helen Stephen
La Mère d’Antonia: Milijana Nikolic
Australian Opera and Ballet Orchestra
Direction musicale, Richard Hickox
Opera Australia Chorus
Chef de Choeur, Michael Black
Opera Theatre, Sydney Opera House le 15 octobre 2007
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Hoffmann aux antipodes
Monter un opéra français à l’autre bout du
monde, avec une distribution en grande partie locale et non
francophone, une gageure…
Pourtant ce spectacle démontre que ce genre de pari n’est pas perdu d’avance !
Les impressions premières n’étaient pourtant pas
très encourageantes... Pas de distribution disponible au guichet
de vente, aucun problème pour obtenir des places pour le
spectacle le soir même, et ce quelle que soit la catégorie
demandée… Confirmation lorsque l’on
pénètre dans la belle salle toute revêtue de bois
sombre… elle est un bon quart vide ! Cette faible affluence
s’explique-t-elle par le fait qu’il s’agissait de la
dernière représentation de la série ou qu’il
s’agissait d’un opéra chanté en
français ?
Chanté en français, c’est d’ailleurs vite
dit ! Non pas que la prononciation des chanteurs soit
particulièrement défectueuse… non, non, le
français chanté ce soir, bien que parfois un peu
exotique, est dans l’ensemble bien intelligible,
démontrant une très bonne préparation de
l’ensemble de l’équipe (1).
Non, la principale surprise arrive dès les premiers mots de la
muse, « I am the muse »… Si le chant
est bien en VO, tous les dialogues sont eux en anglais !
Compréhensible pour un public anglophone (2), ce procédé ne manque pas d’être perturbant pour un auditeur francophone.
La version des Contes
présentée est une version
« traditionnelle », avec coupures habituelles,
mais qui replace l’acte de Venise entre Olympia et Antonia.
Les décors sont simples et traditionnels (3),
mais esthétiques grâce notamment à une
lumière soignée, chaque tableau ayant sa couleur
dominante. La mise en scène de Stuart Maunder
oscille elle entre le réussi et le moins abouti. Dans le camp
des bonnes idées, on citera le fait d’avoir traité
tous les personnages dans l’acte d’Olympia comme des
êtres créés par Spalanzani, sortes de
créatures de Frankenstein composant un ballet grotesque autour
de la poupée. On ne pourra cependant s’empêcher de
remarquer que le traitement de la chanson de Kleinzach ressemble de
façon troublante à la mise en scène de Carsen
à l’Opéra de Paris…
Richard Hickox est
certainement un des artisans principaux de la réussite de cette
soirée. Sa direction musicale élégante et son
attention constante aux chanteurs enchantent.
Et le chant me direz-vous ? Que vaut cette
distribution composée en majorité de chanteurs
« maison » ?
Le Hoffmann de Rosario La Spina
étonne par une émission assez peu homogène :
la voix semble un peu forcée sur toute la tessiture, à
l’exception des aigus puissants et libérés. Le
chanteur est cependant capable de nuances, et campe au final un
Hoffmann très solide mais qui sait émouvoir.
Peu de chanteuses osent incarner toutes les femmes d’Hoffmann. Le pari d’Emma Matthews
est donc courageux. Cette soprano inconnue en Europe a pour le moment
consacré sa carrière à sa seule Australie natale.
La voix est d’essence légère (c’est une
Lakmé, une Sophie…), ce qui rend son incarnation de
Giulietta peu convaincante : la tessiture plus grave la gêne
visiblement et elle est souvent couverte par l’orchestre. Dans
ces conditions, la barcarolle passe ainsi presque inaperçue. La
chanteuse est heureusement plus à son aise dans les autres
actes. On a déjà vu des Olympia plus
débridées vocalement (4),
mais la poupée n’en est pas moins pleinement convaincante,
lorgnant là encore vers une vision nymphomane « alla
Carsen ». C’est cependant en Antonia qu’elle a
semblé la plus libérée, délivrant un trio
final avec sa mère et le Docteur Miracle très
émouvant.
Seul chanteur non australien, l’allemand John Wegner
est également l’élément le moins convaincant
du spectacle. Rien d’indigne ici encore, mais des aigus
tirés, des graves légèrement charbonneux. Mais on
regrette surtout une incarnation du méchant un peu sommaire, le
chanteur se contentant du recours à l’aboiement comme
seule caractérisation.
La muse/Nicklausse de Pamela Helen Stephen est charmant mais on sent la chanteuse un peu bridée par une tessiture un rien trop grave pour elle.
Enfin terminons par un grand coup de cœur ! Un
français absolument impeccable, une grande aisance
scénique, une capacité impressionnante à
contrefaire sa voix… Bref Kanen Breen
est la découverte du spectacle. Il arrive même à
faire exister le pâle Pittichinaccio dans l’acte de
Giulietta. Il va sans dire que la chanson de Frantz est hilarante dans
ces conditions et accueillie par une ovation.
Hoffmann
n’aura donc pas trop souffert du décalage horaire et
l’on est heureux de constater que la France ne brille pas
seulement à l’étranger par ses marques de luxe ou
sa cuisine : l’opéra français lui aussi
s’exporte très bien !
Antoine BRUNETTO
Notes
(1) Une certaine « Marie-Claire » est créditée dans le programme…
(2) Les dialogues s’éloignent d’ailleurs de la version française, étant davantage explicatifs.
(3) Un voile rouge, une gondole et un grand miroir central suffisent pour camper le décor de l’Acte de Giulietta.
(4) Pas de suraigus stratosphériques notamment que certaines titulaires du rôle aiment à rajout
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