C O N C E R T S 
 
...
[ Sommaire de la rubrique ] [ Index par genre ]
 
......
MONTE-CARLO
11/02/04
 

(Darina Takova)

(Laura Polverelli)
Wolfgang Amadeus MOZART

COSI FAN TUTTE

Direction musicale : Walter Weller
Mise en scène : John Cox
Décors et costumes : Robert Perdziola
Éclairages : Robert Bryan
Chef des Choeurs : Kristan Missikov

Fiordiligi : Darina Takova
Dorabella : Laura Polverelli
Despina : Nuccia Focile
Ferrando : Charles Castronovo
Guglielmo : Enrico Marruci
Don Alfonso : Alfonso Antoniozzi

Nouvelle production
en coproduction avec l'Opéra de Sans Francisco
Spectacle du 11 février 2004



Qui ne connaît le Così fan tutte de Mozart, cet immortel chef-d'oeuvre de noir marivaudage où, sous la frivolité et la légèreté, se cachent l'amour et ses débordements, la simple vie dans ses vertigineuses interrogations ? Opéra d'écervelés aussi, car les protagonistes, dans un Jeu de l'Amour et du Hasard d'une cruauté infinie, découvrent qu'en ces domaines rien n'est jamais acquis ni définitif et que les principes ne servent à rien.

Difficile aussi de trouver le ton de Così fan tutte : leçon de morale ? sensualité mélancolique de l'âme ? farce ? jansénisme exacerbé ? Peut-être un savant dosage de tout cela et un embarras insigne dans les équilibres à dessiner.
Dans la jolie salle du Canton au Théâtre de Fontvieille, le spectacle proposé par l'Opéra de Monte Carlo dans les décors et costumes luxueux et légers de Robert Perziola baigne dans le raffinement le plus extrême.

La mise en scène de John Cox oscille entre le grave et la farce en de délicats tons nuancés. Clin d'oeil à la Riviera, toute l'action se passe dans un luxueux palace d'une Belle Époque qui jette ses derniers feux avant l'embrasement final de la Guerre de 14. Ici, on se dispute comme dans une partie d'échecs, mais tous trouveront une victoire à la Pyrrhus ! On l'a dit : l'Histoire va encore une fois rattraper et séparer les protagonistes et laisser au spectateur comme un goût de cendre dans la bouche. Mise en abîme donc des sentiments dans un chassé-croisé moderne (on pense souvent à Pirandello ou à certaines comédies italiennes) sans lequel Così ne serait pas Così...

Élégance, grâce, sourire, esprit, aplomb vocal caractérisent la fort belle distribution internationale réunie pour l'occasion par le Directeur John Mordler.
Le trio masculin fait preuve d'un naturel confondant. Le ténor américain a du nerf, mais une voix qui peut laisser indifférent avec son italien cosmopolite. Tout comme son compatriote baryton Enrico Marrucci. Les deux artistes doivent laisser la place à la basse italienne Alfonso Antoniozzi, qui en croupier-tireur de cartes-philosophe blasé à ses heures, tire habilement à lui la couverture.

Chez les dames, Nuccia Focile ne force jamais le trait en soubrette Quatre Étoiles. Quelle personnalité, quel punch ! Élégance du phrasé chez la Fiordiligi de Darina Takova. Son Come Scoglio est abordé comme une page de grand belcanto et joue autant du sourire que de la mélancolie. La Dorabella de Laura Polverelli emporte l'adhésion la plus complète. Beauté et fraîcheur du timbre, probité musicale et vocale rares, tempérament exceptionnel, poésie profonde dans la conception de son personnage de péronnelle délurée.

Au pupitre, Walter Weller, à la tête de l'Orchestre Philarmonique et des Choeurs de Monte Carlo, fait l'effet d'une bombe. Du sang, du relief pour un Così animé, raffiné et théâtral. La partition la plus aérienne, la plus spirituelle du génie salzbourgeois pouvait dès lors retrouver ses lettres de noblesse.
 
 
 

Christian COLOMBEAU
[ Sommaire de la Revue ] [ haut de page ]