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SAN FRANCISCO
29/06/05

Paul Groves (Ferrando), Katherine Rohrer (Dorabella),
Richard Stilwell (Don Alfonso), Alexandra Deshorties (Fiordiligi),
and Nathan Gunn (Guglielmo) © DR San Francisco Opera
COSI FAN TUTTE
La scuola degli amanti

Opéra bouffe en deux actes
Wolfgang Amadeus Mozart
Livret Lorenzo Da Ponte
Création 1790

Co-production Opéra Monte Carlo
et San Francisco Opera
Novembre 2004

Direction musicale : Anne Manson
Production : John Cox
Mise en scène : Jose Maria Condemi
Décors et costumes : Robert Perdziola

Don Alfonso : Richard Stilwell
Ferrando : Paul Groves
Guglielmo : Nathan Gunn
Fiordiligi : Alexandra Deshorties
Dorabella : Katherine Rohrer (24, 29 juin), Claudia Mahnke
Despina : Frederica Von Stade

29 juin 2005
War memorial opera House

"Les intermittences du coeur"

Le bâtiment qui abrite depuis 1932 le San Francisco Opera est massif, austère, majestueux. Mais l'accueil est chaleureux, la circulation fluide, l'organisation efficace. Depuis 1956, Così fan tutte a été dix-neuf fois programmé dans cette salle confortable et spacieuse. En 1960 et 1962, Schwarzkopf était Fiordiligi ; en 1970, Berganza était Dorabella sous la baguette de Pritchard dans une mise en scène de Ponnelle... Des noms dont on aime humer les traces.

Relevant le défi lancé par un homme d'expérience, deux jeunes amoureux prennent le risque de mettre la fidélité de leurs fiancées à l'épreuve. Ils feignent de partir à la guerre. Revenus sous un déguisement, chacun tente de séduire la fiancée de l'autre. Sous son aspect léger, cet opéra bouffe s'avère une mécanique complexe aussi bien sur le plan dramaturgique que musical. Considérée à sa création comme "frivole, immorale et invraisemblable", la comédie impertinente qui se joue ici en une seule journée nous apparaît aujourd'hui comme une démonstration implacable mais indulgente. Au-delà de l'inconstance, ne traite-t-elle pas en fin de compte des illusions des amants, bien souvent dupes avant tout d'eux-mêmes ?


Alexandra Deshorties (Fiordiligi), Nathan Gunn (Guglielmo),
Richard Stilwell (Don Alfonso), Paul Groves (Ferrando),
and Katherine Rohrer (Dorabella) © DR San Francisco Opera

Une fois la délicieuse ouverture exécutée un peu platement par l'orchestre, le rideau se lève sur un décor d'opérette : un grand hôtel au bord de la Méditerranée.

Le charme, très "années Proust", de la villégiature balnéaire nous entraîne dans un Così enjoué, léger, tout en finesse... Tapis verts de casino, femmes de chambres accortes en bonnets tuyautés et tabliers blancs, armada de grooms prêts à bondir au moindre signe, parasols, maillots de bains à rayures, chaises longues, bateaux à voile qui tanguent en douceur dans le lointain : "Soave sia il vento" ! Nostalgie de la séparation, balancement de la navigation, badinage, sensualité... À la fois fluide et précise, la mise en scène de Condemi laisse les chanteurs évoluer en souplesse. La Première guerre mondiale est évoquée en arrière-plan de manière ludique. Fiordiligi et Dorabella sont à croquer en infirmières de la Croix-Rouge. Quelques gags ajoutés (sans excès) dans les récitatifs font beaucoup rire. En particulier un électrochoc administré par Despina aux deux fiancés travestis en malades. Au deuxième acte, Guglielmo et Ferrando en grand uniforme, avec toques et brandebourgs, deviennent de séduisants soldats albanais auxquels nulle femme ne saurait résister.

La connivence entre les deux soeurs, la complicité malicieuse entre Alfonso et Despina, la franche et joyeuse camaraderie entre les jeunes gens, la montée irrépressible du désir entre les nouveaux couples transparaissent sans aucune surcharge gestuelle inutile. Airs, duos, trios, quatuor, sextuors s'imbriquent tout naturellement avec l'action, laissant s'exprimer toute la beauté du chant.


Katherine Rohrer (Dorabella), Frederica von Stade (Despina),
and Alexandra Deshorties (Fiordiligi)
© DR San Francisco Opera

Avec ses aigus brillants et ses graves bien assis à l'extrême de sa tessiture, la soprano Alexandra Deshorties est une excellente Fiordiligi. Déjà appréciée dans ce rôle notamment à Aix et à Paris au TCE il y a quelques années, la chanteuse est attachante. Dans "Come scoglio immoto resta", son air de femme intouchable (la chute n'en sera que plus délicieuse...), elle fait preuve d'un beau tempérament, d'autant plus qu'elle parvient aussi à faire passer un humour au second degré, aussi bien dans les mots que dans la parodie de pathos musical, de toute évidence voulue par Mozart.

Avec beaucoup d'aisance et de souplesse vocale, la mezzo-soprano Katherine Roher campe une Dorabella frivole et sexy. Après un début quelque peu retenu, le ténor Paul Groves nous donne "Un aura amorosa" élégiaque à souhait. Le reste de la distribution est très équilibré. Nathan Gun est un Guglielmo de charme particulièrement excellent dans son air "Donne mie la fate a tanti ". Bien que peu chantant, Richard Stilwell, dont la voix ne porte guère, déploie néanmoins l'autorité qui sied à un Alfonso aux cheveux blancs. Il forme avec la populaire mezzo Frederica Von Stade une paire efficace pour tirer les ficelles et mener l'action tambour battant. Celle-ci (une habituée de longue date du SFO affectueusement surnommée Flicka) est une Despina d'âge mûr. Ce qui ne l'empêche pas de se montrer malicieuse, drôle, et piquante comme il se doit...

En dépit d'une direction d'orchestre assez molle et peu précise, toute la grâce mozartienne est au rendez-vous.
 
 

Brigitte CORMIER
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