C O N C E R T S
 
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GENEVE
04/02/05

© DR
RÉCITAL

Alexia COUSIN, soprano 
Bertrand HALARY, piano

PROGRAMME

Johannes BRAHMS (1833-1897)
Meerfahrt
Es schauen die Blumen alle
Der Tod, das ist die kühle Nacht
Sommerabend
Es liebt sich

Hugo WOLF (1860-1903)
Heiss mich nicht reden
Nur wer die Sehnsucht kennt
So lasst mich scheinen
Singet nicht in Trauertönen
 Kennst du das Land

Richard WAGNER (1813-1883)
Wesendonck Lieder
Der Engel
Stehe still !
Im Teibhaus
 Schmerzen
Träume

Genève, BFM, Salle Théodore Turrettini
4 février 2005


DOMMAGE !

Chacun à Genève se souvient du Pelléas et Mélisande admirablement mis en scène par Moshe Leiser et Patrice Caurier et de l'enchantement de la Mélisande d'Alexia Cousin aux côtés d'un somptueux José van Dam en Golaud et d'un lumineux Simon Keenlyside en Pelléas. C'était en 1999. Deux saisons après ces débuts prometteurs, la soprano française revenait sur la scène du Grand-Théâtre de Genève pour camper une très belle Tatiana (Eugène Onéguine). Quelques récentes critiques sur le crépuscule de la voix d'Alexia Cousin avaient titillé la curiosité des fans de la soprano qui attendaient de ce récital avec piano un test de vérité.

Si d'aucuns auraient aimé que la jeune soprano offre un florilège de mélodies françaises, sa langue maternelle, elle lui a préféré une soirée entièrement dédiée à des lieder en langue allemande. Dès les premiers accents de son récital, on comprend les raisons éminemment théâtrales de ce choix. Etait-ce celui de la chanteuse ou celui d'un directeur désireux d'entendre la jeune femme dans un répertoire inhabituel ? Quand bien même ce serait le cas, un programme ne se décide pas sans l'approbation de l'artiste.

Rompant avec la tradition qui veut qu'un récital se déroule dans la pénombre pour permettre à chacun de suivre les poèmes interprétés sur le programme (qu'il a acheté !), la nuit la plus totale tombe sur les spectateurs du Bâtiment des Forces Motrices. Seul un halo descendant des cintres éclaire le piano. Vêtue d'une belle robe décolletée de satin brun orange, Alexia Cousin fait son entrée suivie de son accompagnateur. Révérences, saluts, chacun prend place. On s'attend alors à un accord de piano introduisant le premier air. Rien de tel. Alexia Cousin prend la parole. D'une voix dont la portée n'excède pas les vingt premières rangées du public, on comprend finalement qu'elle dit en français les poèmes qu'elle chantera en allemand. Ainsi, chaque lied se voit traité comme une entité unique au détriment d'une certaine continuité dans le cycle des mélodies. Est-ce une manière de reposer son instrument vocal entre chaque chant ? Reste que passé le malaise passager imposé par ce cérémonial insolite, l'auditeur retourne vite au chant, focalisé sur les protagonistes de scène.

Alors s'impose l'évidence. La voix d'Alexia Cousin n'a plus d'unité. Elle conserve une belle sonorité dans le registre médium, mais les aigus manquent singulièrement d'éclat et sont affublés d'un tremblement de la mâchoire symptomatique d'une usure précoce. Quant au registre grave, sa tendance à flotter est manifeste. La dissociation des trois registres, l'aigu, le médium et le grave, donne l'impression d'entendre trois voix qui semblent ne pas appartenir à la même personne. Le passage d'un registre à l'autre est constamment heurté, sans legato. Un chant "par paliers" qui casse la ligne mélodique. C'est l'amer constat d'une voix incontrôlée. Passant de forte à fortissimo et vice-versa avec brusquerie, le chant d'Alexia Cousin est plat, sans modulation. Quant aux pianissimi, ils sont étouffés, voire quasi inexistants.

En dépit de maints gestes théâtraux, les lieder de Brahms n'émergent pas du brouillard vocal dans lequel Alexia Cousin les enferme. Ceux d'Hugo Wolf auraient subi le même sort si quelques couleurs n'avaient habité un léger et attrayant "Lied de Philine", Ne chantez pas sur un ton funèbre, dans lequel la soprano, tout à coup retrouvée, fait habilement ressortir les personnages du poème de Goethe.

La deuxième partie (dont les Sieben frühe Lieder d'Alban Berg ont été retirés, sans explication) comporte l'oeuvre majeure du récital d'Alexia Cousin, à savoir les fameux Wesendonck-Lieder de Richard Wagner. Personne n'imaginait que les problèmes vocaux de la décevante première partie disparaîtraient comme par enchantement. Bien au contraire. Malgré toute l'application et la musicalité du piano de Bertrand Halary, la soprano n'a jamais pu exprimer la beauté de ces sublimes chants d'amour. Comme absente du romantisme de l'oeuvre, faisant état de la seule puissance de sa voix, Alexia Cousin se prend au piège de sa vocalité en désarroi. Une technique défaillante fait peu à peu chanceler l'énergie de la chanteuse. Fatiguée, elle ne peut donner l'entière mesure d'un répertoire qu'elle ne domine pas, sinon plus.

Dommage ! "Dommage" était d'ailleurs le mot qu'on entendait ici et là à l'issue de ce récital. Dommage qu'une si jeune et si prometteuse interprète n'ait été qu'un feu de paille dans le monde de l'art lyrique. Les problèmes vocaux d'Alexia Cousin ne datent pas d'hier. N'aurait-on pas dû renoncer à l'engager dès lors qu'on savait qu'elle ne pourrait artistiquement pas assumer sa prestation ? Il faudrait aussi poser la question à l'intéressée qui, alors qu'elle prépare son récital, se fait certainement auditionner par des amis ou des connaissances. Les critiques, les avis contrastés et divers ne sont-ils pas autant d'appréciations dont on peut tenir compte ? C'est un respect que l'on doit non seulement au public mais plus encore à soi-même.
 
 

Jacques SCHMITT 
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