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NANCY
02/09/2007
José Cura
© A. Marchi
Concert lyrique final
des master classes de José Cura
Prélude, ouverture, airs et duos d’opéras de :
Gaetano Donizetti (1797-1848)
Giuseppe Verdi (1813-1901)
Camille Saint-Saëns 1835-1921
Jules Massenet 1842-1912
Ruggero Leoncavallo (1857-1919)
Giacomo Puccini (1858-1924)
José Cura, ténor, Artistes lyriques
Orchestre symphonique et lyrique de Nancy
Directions musicales : José Cura ; Mario De Rose
Nancy, Opéra national de Nancy et de Lorraine,
Dimanche 2 septembre 2007
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Splendeurs à la Cour des Ducs de Lorraine
La tradition lyrique de la Cité des Ducs de Lorraine est
installée depuis des lustres et bien des Nancéiens se
souviennent encore - et en conservent précieusement les
programmes - de fabuleuses saisons lyriques des années 50,
où un spectacle nouveau était monté chaque
semaine ! Il n’était pas rare d’assiter alors,
pour ne citer que deux titres, aussi bien au Postillon de Longjumeau d’Adolphe Adam, qu’à La Poupée
d’Edmond Audran. Les années passant, la Ville n’a pu
conserver un tel renouvellement dans la magie d’opéra
qu’elle réservait à son public mais elle continua
à le régaler de spectacles de grande qualité,
servis par des artistes de renommée nationale et internationale.
Il était en effet monnaie courante d’entendre ceux pour
lesquels on ajoutait alors, après leur nom, « de
l’Opéra », signifiant qu’ils
étaient les glorieux pensionnaires de l’Opéra de
Paris, comme Mado Robin, Jacqueline Brumaire, Régine Crespin,
Guy Chauvet, Henri Legay, Michel Dens, Gabriel Baquier, Alain
Vanzo… L’Opéra de Nancy s’ouvrit
également aux grands noms internationaux et l’on
retrouvait régulièrement Piero Cappuccilli, Rolando
Panerai, Nicola Rossi Lemeni, Sesto Bruscantini, Paolo Montarsolo,
Ruggero Raimondi, Fedora Barbieri, côtoyant des artistes venus
d’Europe et même d’Asie. Quelques grands parmi les
grands passèrent parfois à Nancy, comme Lucia Valentini
Terrani et, pour dérouler un tapis rouge à José Cura,
grand Interprète d‘aujourd’hui, ses illustres
devanciers-ténors : Giacomo Lauri Volpi, Luis Mariano et
Carlo Bergonzi.
Il était temps que le public encourageât son Opéra
et vers la fin des années 60, naissait la première
association promouvant conférences et brochures destinées
à présenter les ouvrages à l’affiche de la
saison lyrique, ainsi que de sympathiques réceptions des
artistes, approchés par tous. Aujourd’hui, la Ville en
compte quatre (!) et l’une d’elle, Nancy Opéra Passion,
a réservé au public cette surprise renouant avec les
fastes d’un passé pas si lointain. Il faut dire que son
Président Jacques Delfosse
a de qui tenir comme l’on dit, puisque son père, si je ne
me trompe, appartint longuement à la Direction de
l’Opéra de Nancy avant d’en prendre tout à
fait les rênes puis de présider le Cercle nancéien d’Art lyrique.
On voit ce que peut faire la « passion » contenue
dans l’intitulé de l’association : amener un
Artiste de la trempe de José Cura à revenir en France
après six années d’absence et permettre, fabuleuse
aubaine, de « toucher de près cet immense
artiste », selon l’expression vraiment adéquate
du Président.
La Ville, quant à elle, ne fait pas que prêter
l’Opéra mais participe à un grand projet de
formation de jeunes talents, « créé à
titre expérimental et à vocation nationale pour une
durée de 5 ans, en lien avec le Conservatoire national de
Région de Nancy et l’Institut de Musicologie au sein de
l’université », explique Laurent Hénart, Président de l’Opéra national de Lorraine.
Il est temps de s’écrier, tel Tonio de I Pagliacci
venant devant le rideau exposer le génial Prologue conçu
par Leoncavallo : « Andiam,
incominciate ! » (Allons, commencez !).
C’est précisément le Prélude de I Pagliacci
qu’attaque l’Orchestre symphonique et lyrique, largement
déployé sur la scène et de manière
impressionnante pour le public, qui le connaît
« coincé » dans son « Golfo
mistico », pour reprendre la jolie expression italienne
désignant la fosse d’orchestre. Curieusement, ce
n’est pas José Cura qui dirige… on connaît
pourtant le double talent de cet artiste, devenu chef d’orchestre
afin d’être plus encore, si l’on peut dire, à
l’écoute des chanteurs…
On remarque l’énergie et la chaleur avec laquelle Mario De Rose
(collaborateur de José Cura) attaque et conduit la musique
tourmentée de Leoncavallo… mais que vont-ils faire au
moment où le prélude s’interrompt pour laisser
chanter le baryton paraissant devant le rideau ?… On a
l’explication et la surprise : c’est rien moins que
José Cura qui, de grand ténor qu’il est, chante la
partie du baryton ! renouant ainsi avec l’habitude de
ténors hors du commun, tel l’ineffable Mario Del Monaco, dont l’étendue de registre leur permet cette performance.
On découvre d’un coup la mesure de l’Artiste :
la pâte exceptionnelle et la qualité d’un timbre,
alliées à une maîtrise parfaite de
l’émission vocale et à la vibration chaleureusement
latine de l’interprète, qui évidemment
« vit » ce qu’il chante. Il n’en
fallait pas plus pour conquérir un public curieux, même
s’il était déjà acquis d’avance, et
qui n’était pas au bout de ses surprises…
José Cura face au public
© A. Marchi
Avec
une étonnante désinvolture, José Cura
s’adresse au public, plaisante avec lui et fait entrer la
première artiste, Stéphanie Vernerin, venue de France pour chanter de son joli timbre fruité la valse de Musetta dans La Bohème
(G. Puccini). On est à peine remis de la qualité de
timbre et de chant de ce jeune soprano, ayant débuté en
2004, que José Cura souligne la particularité de la basse
qu’il introduit. Jan St’Ava,
venu de la République tchèque, se produit
déjà depuis plusieurs années et n’a que
dix-neuf ans… et une voix pourtant aux graves caverneux,
rehaussée d’un médium lumineux et faisant vivre la
triste « Vecchia zimarra » (Adieu, ô vieux manteau), célèbre autant que bref mais intense air du philosophe Colline de La Bohème.
C’est toujours Puccini que l’on entend ensuite et Marie Karall
(France) ayant débuté seulement l’année
dernière, étonne par une grande voix, pleine à
tous les registres et redonnant la grâce et la chaleur de
« O Mio babbino caro », (O mon cher petit papa), de Gianni Schicchi.
Le public qui n’a pas assisté aux master classes de la
veille, ne peut soupçonner le prodige opéré par le
« Maestro », précisément. Le
soprano était arrivé avec une voix
étriquée, mal placée et mal conduite…
José Cura, pour tenter de remédier à cette
catastrophe, lui dit : « Imagine que tu chantes
Tosca !! » et l’artiste, sortant enfin
d’elle-même et libérant sa voix, parvint au
splendide résultat constaté.
Le ténor Avi Klemberg
(France) se produit depuis quatre ans… mais ? ce
n’est pas lui qui chante ?… C’est José
Cura, qui non seulement dirige l’orchestre avec amour mais assure
les répliques du baryton (!), intervenant au début de
l’air. Il s’agit du bref mais chaleureux « Addio
fiorito asil », toujours de l’enjôleur Puccini (Madama Butterfly),
que A. Klemberg interprète en beau ténor lyrique à
l’aigu léger, clair, mais sûr et affirmé.
Maria Bisso, bien
qu’espagnole, est compatriote de José Cura
puisqu’elle est née à Buenos Aires. Elle a suivi
une formation au célèbre « Teatro
Colòn » de cette ville, véritable bastion de
l’opéra italien préféré de
l’Amérique latine, et a remporté en 2001 le
Concours international Maria Callas de São Paulo du
Brésil. Elle nous chante à présent rien moins que
« Regnava nel silenzio », aria d’entrée du soprano dans la Lucia di Lammermoor de
Donizetti. L’expression rien moins que s’explique par la
difficulté particulière de cet air sorti tout droit de
l’Esprit romantique italien : un chant rêveur et
délicat mais à la fois passionné et prisonnier,
pour ainsi dire, de vocalises et de suraigus participant, à
l’époque, à l’expressivité de la
musique. On est précisément étonné que
cette voix consistante, ferme, presque dure, soit capable de vocalises
bien conduites et d‘aigus aussi assurés et
« épais ». Le contraste est vraiment
saisissant avec l’artiste suivante puisqu’il s’agit
d’un mezzo-soprano français d’origine italienne, Alexia Ercolani, ayant débuté en 2003. L’air « Mon cœur s’ouvre à ta voix » de Samson et Dalila (C. Saint-Saëns) met en valeur l’étendue de son grave vraiment très grave et doté d’un vibrato
impressionnant qui s’estompe dans un aigu bien
affirmé… et quel Samson lui donne la
réplique ! Le chef d’orchestre José Cura, se
permettant même la facétie de remplacer l’amoureuse
réplique finale « Dalila ! je
t’aime ! », par un extatique mais toujours bien
équilibré en tout : « Alexia ! je
t’aime ! ».
Venu de Corée du Sud, le baryton Changhan Lim
travaille en France depuis 2003 avec des artistes renommés comme
Elisabeth Vidal, André Cognet et Michèle Command et a
déjà chanté sur scène le rôle titre de Don Giovanni, La Bohème, Carmen et Cavalleria rusticana.
Un beau grave et un médium somptueux de sonorité et de
souplesse, faisant précisément la valeur d’un
baryton, sont ici mis au service de l’air « Vision
fugitive » de l’Hérodiade de Massenet et nous laissent présager une belle carrière.
Un duo rarement choisi pour des concerts terminait la première partie de celui-ci. Tiré de I Pagliacci, le duo Nedda-Silvio nous permettait de réentendre le soprano Maria Bisso, impeccable dans la colorature attardée de Nedda, et de découvrir un jeune baryton local, puisque Benjamin Colin
est né à Nancy. Elève lui-aussi de Michèle
Command, il a débuté dans l’opéra mais
également l’opérette ; on sent dans sa
prestation le travail courageux, l’effort et la concentration,
malgré les petites difficultés de prononciation de
l’italien, défaut curieusement sensible chez les chanteurs
français notamment, à la langue maternelle pourtant
« cousine ». Il fait maintenant partie –
juste consécration - des Chœurs de l’Opéra
national de Nancy et de Lorraine.
José Cura
© A. Marchi
Après
un entracte où la fraîcheur - bien nancéienne pour
un été ! - venue de la célèbre Place
Stanislas inondait avec bonheur le somptueux foyer, une belle surprise
attendait le public car José Cura annonçait une ouverture
d’opéra favorite des concerts : I Vespri Siciliani (ou plutôt Les Vêpres siciliennes, puisque l’on redonne de plus en plus couramment la version originale française) de Giuseppe Verdi.
On avait pu, jusqu’ici, apprécier l’art de la
direction de José Cura, non pas asservi aux chanteurs, comme on
a pu le reprocher à certains chefs, mais servant le chanteur
comme le compositeur. Avec cette magistrale ouverture, on avait la
mesure du chef-d’orchestre d’opéra, renouant avec
une tradition de plus en plus lointaine, tant la mode est
aujourd’hui de diriger vite, croyant que précipiter
« fait » dramatique. On aboutit souvent à
une interprétation sèche, cassante, vide de poésie
et brûlant les ailes à la Musique. José Cura, pour
sa part, laisse « respirer » l’orchestre
(et Dieu sait combien Verdi a besoin de respirer : on parle bien,
pour l’accompagnement de ses airs, de halètement verdien).
Bien sûr, le poignant motif du duo père-fils joué
ici par les violoncelles est déjà lyrique par excellence,
encore faut-il savoir le laisser chanter. Quant au crescendo martial,
souvent carré ou tonitruant, on l’entendait
étonnamment posé, à la manière d’un
Franco Capuana, souple et chaleureux à la Gianandrea Gavazzeni.
Bref, tel Fernando Previtali, José Cura faisait vibrer
l’ouverture tout entière, avec un sens
théâtral dont Francesco Molinari Pradelli avait le secret.
A l’issue des la salve d’applaudissements amplement
mérités, il fut touchant d‘entendre José
Cura comme se parlant à lui-même, rêveur et encore
sous le charme (pourtant procuré par lui !),
murmurer : « (Quel Orchestre, mon
Dieu !…) », puis, au public, mais encore un peu
songeur et sur un ton confidentiel, aux premiers rangs :
« C’est à vous !… il faut le
protéger ! ».
Pourquoi ne se retourne-t-il pas complètement afin de recevoir
les applaudissements ?… C’est qu’un plus beau
tableau nous attendait encore : il finit par descendre de son
pupitre, rejoint les premiers instrumentistes et fait face alors au
public, uni à l’orchestre.
La seconde partie du concert s’ouvrait avec Verdi, le grand air du baryton Don Rodrigo di Posa dans Don Carlo.
Le morceau est habituellement nommé « Mort de
Posa » car le personnage reçoit un coup de feu
à ce moment du drame, aussi, l’on pouvait croire à
une plaisanterie de José Cura qui l’introduisit
ainsi : « Morte di Rodrigo, ma senza la
morte ! : mort de Rodrigo mais sans la
mort ! ». Telle était peut-être son
intention mais cela pouvait aussi signifier que le baryton
n’allait chanter que le premier des deux airs, constituant en
fait ce que l’on nomme une « Aria » double.
Andrej Benes, venu
de la République tchèque, eut la chance de rencontrer en
2004 (année également de ses débuts) l’un
des plus grands baryton du XXe siècle avec lequel il travailla
depuis : Giuseppe Taddei. On était frappé de
découvrir un timbre
« épuré » à la D. Fischer
Dieskau, avec cette clarté d’émission
particulière au grand interprète allemand, et en
même temps, une assurance étonnante dans les aigus. Quant
aux répliques prévues par Verdi pour Don Carlo,
présent à ce moment de l’opéra, on les
entendait d’une autre bouche et, une fois revenu de
l’étonnant effet qu’elles produisaient, semblant
venir de nulle part, on se disait : « mais bien
sûr ! José Cura fait Don Carlo – et quel Don
Carlo ! ».
Le captivant Verdi était toujours à l’honneur avec le morceau suivant, l’éblouissant Finale du premier acte de La Traviata. Aude Priya Engel (France) sortie du Conservatoire de Toulouse en 2002 a déjà chanté dans cette oeuvre, ainsi que dans La Bohème et dans Don Giovanni de
Mozart. Son timbre de flamme « part » dans les
aigus de manière surprenante mais la maîtrise,
étonnante elle-aussi, est là. Elle assume
également les difficultés de la brillante cabalette
finale « Sempre libera… », dont il faut
absolument souligner le tempo
tranquillement espiègle (d‘une autre époque !)
que José Cura imprime à son orchestre. On sait que dans
ce morceau intervient Alfredo, hors scène car sous les
fenêtres de Violetta et ce détail fait souvent sourire les
passionnés, selon que les théâtres relèguent
le pauvre ténor plus ou moins loin, parfois presque à la
cave comme on dit plaisamment. Eh bien cette fois on sursaute
carrément et d‘autant plus qu’Alfredo est
présent sur scène, un Alfredo éclatant, à
l’aigu flamboyant, (José Cura) mettant bien en pratique
les paroles qu’il chante : « Amore è
palpito… » (l’amour est palpitation), tandis
que de son côté, sa Violetta, d’autant plus
stimulée, dirait-on, enflamme les vocalises.
C’est du reste la première partie de l’Aria
d’Alfredo (« De’ miei bollenti
spiriti »), que nous chante l’artiste suivant, le
ténor Thomas Blondelle
venu de Belgique. Jeune diplômé du Conservatoire de
Bruges, il reçoit de nombreux prix, avant de se produire en
2006. Son timbre est clair mais doté d’une belle assurance
et l’on est étonné de la force avec laquelle il
« vit » son chant et, ce qui n’est pas
toujours le cas dans cet air, vibre littéralement avec les
paroles qu’il chante : « De’ miei bollenti
spiriti / Il giovanil ardore : De mon esprit bouillant, / La
juvénile ardeur ».
Très digne, un jeune soprano s’avance gracieusement mais sans affectation et José Cura nous explique que Gabrijela Ubavic,
venant de Serbie, est souffrante mais, qu’à défaut
de vraiment se produire, elle a tenu à participer. Elle ne
chantera que la moitié de l’air « Addio del
passato » (La Traviata), ce qui signifie qu’elle avait l’intension louable d’interpréter également le da capo
(ou reprise) très souvent coupé. J. Cura demande par
conséquent pour elle, l’indulgence du public. Gabrijela
Ubavic a débuté en 2002, à l’Opéra
national de Belgrade et se produit depuis en Europe. On est
immédiatement frappé par la consistance de son timbre,
somptueusement cuivré, pour ainsi dire, riche et plein mais
très docile et étonnamment réductible, sans
effort. On apprend du reste avec stupeur, par le programme,
qu’elle chante aussi des rôles requerrant une
agilité impérieuse, comme Gilda (Rigoletto) ou Norina (Don Pasquale).
Face à une telle qualité de timbre et de chant, on pense
avec saisissement à ce que doit représenter
l’interprétation de la cantatrice, lorsqu’elle se
trouve au sommet de sa forme.
Enfin, Julija Samsonova venait
de Lituanie pour nous chanter le dernier morceau des participants aux
master classes. Sortie du Conservatoire Rossini de Pesaro, elle
débute en 2005 dans le rôle de Corinna de Il Viaggio a Reims
de Rossini, au prestigieux Rossini Opera Festival que la ville a
dédié à son compositeur. Elle nous
interprétait ici l’air de Desdemona dans l’Otello
de Verdi, étrange « Air du Saule »
semblant (dès son prélude), par ses sonorités
particulières, quitter le XIXe pour chevaucher les
siècles jursqu’à un âge reculé…
peut-être celui des personnages du livret. J. Samsonova y
déploie un timbre de velours aux coloris chatoyants, avec de
beaux graves sonores mais toujours mélodieux, des piani superbes
de maîtrise de la tonalité. Un legato
exemplaire rend les « passages » imperceptibles
et laisse l’auditeur sans souffle. Il faut dire aussi que
l’orchestre faisait corps avec cette interprétation
d’exception, José Cura ciselant à merveille les
subtilités du « vieux » Verdi, comme ces
traits de violons dans leurs notes les plus aiguës concluant
l’Ave Maria.
José Cura, tellement investi et ému de ce qu’il
entend que les larmes lui sont venues aux yeux, se demande tout haut
comment il va faire pour chanter à son tour, là,
maintenant, en conclusion du concert !
José Cura
© A. Marchi
Il
se concentre et oublie fatigue et chaleur alors que le Maestro De Rose
fait son entrée. Le morceau est rien moins que le Finale
d’Otello, dans lequel le héros contemple sa Desdemona
qu’il vient d’étrangler par une jalousie non
justifiée, avant de se tuer lui-même. L’Otello de
José Cura rugit d’abord, d’une force chaleureuse
mais toujours prodigieusement harmonieuse, emplissant toute la salle de
l’Opéra qui se tient coite et continue de retenir son
souffle… Presqu’autant que le grand ténor, dont
l’émission en mezza-voce
étonnante de sonorité captive l’auditoire. Il
continue l’air, toujours équilibré entre belle
délicatesse et douloureuse intensité vécue
jusqu’au bout des ongles… Puis lorsque Verdi salue son
public - c’est son dernier drame- d’une grande
envolée de l’orchestre, typique de son style,
Otello-José Cura clame encore : « Un
bacio… un bacio ancora… ah !… un altro
bacio… (un baiser encore, un autre baiser) », puis il
s’éteint doucement, et l’orchestre avec lui.
Sous le charme, le public de l’Opéra de Nancy laisse un
instant plâner l’impalpable magie de l’opéra
avant d’éclater en applaudissements et en ovations…
auxquelles José Cura invite tous les Artistes qui le rejoignent
joyeusement sur la scène. Peu après, le
« Maestro » arrête les ovations de ses bras
levés et le public s’attend à l’annonce
d’un bis, peut-êre le fameux Brindisi de La Traviata,
souvent choisi comme conclusion de concert… ou au moins de
salutations, de vœux… mais non, José Cura
déclare simplement avec la désinvolture un peu
« directe » qui le caractérise :
« Maintenant, on va tous manger ! ». Ils
quittent en effet la scène, laissant le public une fois de plus
étonné (cette fois de les avoir trop peu
fêtés à son goût), mais profondément
ravi.
Yonel BULDRINI
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