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MONTREAL

23/10/02


(Ruxandra Donose, mezzo soprano, Marguerite)
La Damnation de Faust opus 24

Hector BERLIOZ

Légende dramatique en 4 parties et un épilogue

Livret : Hector Berlioz, Almire Gandonnière
D'après la traduction du Faust de Goethe réalisée par Gérard de Nerval
Avec 

Ruxandra Donose : Marguerite
Michael Schade : Faust 
John Relyea : Méphistophélès
Andrew Wentzel : Brander

Choeur de l'OSM
Iwan Edwards, chef de choeur
Les Petits Chanteurs de Laval
Gregory Charles, chef de choeur

Orchestre Symphonique de Montréal
Direction : Michel Plasson

Représentation du mercredi 23 octobre 2002



Si le départ fracassant de Charles Dutoit, le printemps dernier, semble avoir provoqué par ricochet quelques discrets changements dans la programmation artistique de l'Orchestre Symphonique de Montréal, ce n'est pas le cas de Michel Plasson qui a assuré, comme prévu, les 22 et 23 octobre la direction de la "légende dramatique" de Berlioz, La Damnation de Faust. Ces deux représentations à la salle Wilfrid-Pelletier de Montréal devaient servir de prélude à une représentation au Carnegie Hall le 26 octobre, avec la même distribution.

A qui la faute ? A la version de concert ? A l'absence d'entractes ? Toujours est-il que la représentation du 23 octobre se joue devant une salle pleine seulement aux deux tiers et devant un public, qui, à la mezzanine du moins, semble plus prompt à bâiller et à applaudir les "tubes" (ah, ma bonne dame, la marche Rákóczy c'est quelque chose...) qu'à s'émouvoir des amours malheureuses de Faust et de Marguerite. Grande injustice assurément, car la musique de Berlioz, outre le fait qu'elle compte parmi les plus belles pages de l'histoire de la musique française, était honnêtement interprétée ce soir là.

Le héros, ou plutôt les héros de la soirée, sont incontestablement les choeurs de l'Orchestre Symphonique de Montréal. Qu'ils chantent en français, en latin ou en langue infernale, ils assurent, sous la direction d'Iwan Edwards, une présence vocale et dramatique soutenue qui ne se relâchera jamais pendant les quelque deux heures que dure le spectacle. A l'épilogue, un choeur d'enfants se joindra aux musiciens pour interpréter les esprits célestes qui accueillent l'âme de Marguerite au paradis, un ajout qui, malheureusement, s'avère superflu, le pupitre féminin des choeurs de l'OSM couvrant totalement les voix d'enfants ... Dommage !

Giuseppe Sabbatini, initialement prévu (et dont on se rappelle qu'il interprétait le rôle à Bastille il y a deux ans sous la baguette de Seiji Ozawa) était avantageusement remplacé par Michael Schade. Malgré des débuts quelque peu engorgés, sa voix acquiert au cours de la soirée une belle rondeur et une consistance certaine dans la projection. Malgré cette bonne impression d'ensemble, avec ce ténor, on a parfois l'impression d'être dans Faust chez les nouveaux beaufs : lorsqu'il dit  "Viens, viens" à Marguerite, on croirait plus l'entendre s'adresser à son chien qu'à sa dulcinée ! De même, la manière dont il s'affale sur sa chaise, toutes jambes écartées, quand il ne chante pas, n'est pas des plus distinguées... La diction française est correcte, mais laisse entrevoir, à l'occasion, quelques petites approximations regrettables : "éteindre" au lieu de "étendre", "traîner à mes pieds sa louange" au lieu de "traîner à ses pieds ma louange"... Mais au moins le ténor germano-canadien nous laisse-t-il l'occasion de déceler ces quelques défauts... Car on aurait du mal à pratiquer le même genre d'exercice avec la mezzo-soprano Ruxandra Donose dont je passerai toute la soirée à me demander si ce n'est pas la version roumaine du texte qu'elle est en train de chanter ! Certes, la voix est soyeuse et belle (l'artiste aussi !), mais cette diction catastrophique conjuguée au manque d'engagement dramatique dans la romance du roi de Thulé ne sauraient emporter vraiment l'adhésion... Surtout quand, sur le plateau, on trouve le jeune baryton-basse canadien John Relyea qui, en plus de chanter dans un français impeccable, se révèle être un Méphistophélès absolument stupéfiant : tour à tour beau parleur grandiloquent, persifleur fier et plein d'esprit, démon roublard et sans scrupules à la voix noire et pénétrante, son identification au personnage est parfaite. Une carrière à surveiller donc...

Quant à Michel Plasson, il fait du Michel Plasson : objectivement, rien de scandaleux - tout est en place, l'orchestre ne couvre pas les chanteurs (même si les trompettes se rappellent parfois à notre souvenir de manière un peu trop sonore dans les parties chorales), mais la lecture est parfois un peu trop académique et manque de tension dans l'avant-dernière scène : on est loin de la direction échevelée, urgente d'Ozawa il y a deux ans.

En conclusion, une représentation honnête d'une oeuvre majeure du répertoire dont on espère qu'elle rencontrera davantage son public au Carnegie Hall qu'à la salle Wilfrid-Pelletier...
  


Rémi Bourdot
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