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TOULOUSE
13/03/2008
Diana Damrau
© DR
Diana Damrau
soprano
Le Cercle de l’Harmonie
Direction musicale
Jérémie Rohrer
Wolfgang Amadeus MOZART (1756-1791)
Symphonie n°26 en mi bémol majeur - KV 184
Antonio SALIERI (1750-1825)
Cublai, gran Khan dei Tartari
Air d’Alzima “D’un insultante orgoglio”
Wolfgang Amadeus MOZART
Thamos, König in Ägypten - KV345 n°2
Die Zauberflöte
Air de Pamina “Ach ich fühl’s”
Thamos, König in Ägypten – KV 345 n°2
Antonio SALIERI
Cublai, gran Khan dei Tartari
Air d’Alzima “Fra i barbari sospetti”
Henri Joseph RIGEL (1741-1799)
Symphonie opus 21 N°2
Antonio SALIERI
Semiramide
Air de Semiramide « Sento l’amica speme »
Christoph Willibad GLUCK (1714-1787)
Orphée et Eurydice
Ballet des Ombres Heureuses
Wolfgang Amadeus MOZART
Le Nozze di Figaro
Air de Susana “Giunse alfil…Deh vieni”
Christoph Willibad GLUCK
Orphée et Eurydice
Chaconne
Wolfgang Amadeus MOZART
Lucio Silla
Air de Giunia “In un istante…Parto, m’affretto”
Toulouse, 13 mars 2008
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Accord parfait
Diana est venue, elle a vu un Capitole moyennement rempli – on
parlait de transports urbains perturbés par une panne du
métro - et elle a vaincu. Son partenaire pour ce concert est Le Cercle de l’Harmonie, ensemble de musiciens autogérés dont le premier violon est Julien Chauvin et le chef Jérémie Rohrer.
Elle et eux subissent depuis l’an dernier la pression de la
surexposition liée à leur enregistrement intitulé Arie di bravura,
qui est couvert de lauriers. Leur prestation toulousaine prouve sans le
moindre doute qu’ils résistent bien : la
qualité offerte en direct n’est en rien inférieure
au produit fini en studio.
En ouverture, une courte symphonie de Mozart installe
d’emblée un équilibre qui ne se démentira
pas un instant jusqu’à la fin du concert ; style
incisif, souplesse, fermeté, les rythmes et les accents sont
marqués et rendus sans brutalité ni acidité. La
direction de Jérémie Rohrer est d’une
sobriété réconfortante ; faire de la musique
semble ici aux antipodes du narcissisme. On savoure le velours des
cordes dans l’andante et le mouvement enlevé du finale,
dansant et mélodieux.
Dans une robe d’un rouge brillant dont le souple tissu permet de deviner les prises de respiration Diana Damrau
apparaît comme une jeune femme séduisante et
spontanée, à cent lieues des poses d’une diva.
Tiré du disque cité et de l’opéra Cublai, gran Khan dei Tartari,
œuvre de Salieri restée inconnue jusqu’à il y
a peu, l’air d’Alzima exhale l’amour-propre
mortifié d’une dame qui ne se voit pas
révérée autant qu’elle pense le valoir.
L’expressivité qui rend aussitôt et très
finement le climat, la franchise des attaques, la souplesse et
l’exécution des agilités, l’éclat et
le poli des aigus, la fermeté des graves, démontrent que
les qualités vantées sont bien réelles. Elles se
déploient sur un tapis sonore qui épouse la moindre des
inflexions vocales, orné par la douceur volubile d’un
hautbois justement présent.
Entre deux extraits de la musique de Thamos roi d’Egypte, où cors, trompettes et bassons installent une atmosphère qui préfigure La Flûte,
où la battue précise mais souple semble la pulsation
même de l’orchestre, où les équilibres
sonores sont impeccables et la théâtralité
quasiment palpable, un air de Pamina pour celle qui vient de renoncer
à chanter la Reine de la Nuit. L’interprétation de
ce lamento est d’une
sobriété poignante, avec des piani de
rêve…mais quelques infimes écarts de justesse.
En clôture de la première partie, retour à Salieri et à son Cublai, gran Khan dei Tartari ;
le même personnage que dans le premier air aspire à la
paix et à l’espoir, toujours en se donnant le beau
rôle. La voix se déploie avec une fermeté, une
sûreté et une précision qui entraînent
l’admiration sans réserve, et depuis le début avec
la même clarté d’énonciation, grâce
à des consonnes presque surlignées.
Après l’entracte une symphonie de l’Allemand Rigel,
qui vécut à Paris de 1767 à 1799 et composa
maintes œuvres pour Le Concert Spirituel, dont celle-ci. Le
premier mouvement, qui enchaîne des formules sans invention
marquante, met en valeur cors et bassons ; l’adagio
déroule une pavane charmeuse où le chant des cordes se
fait d’une grande suavité avant de
s’éteindre ; le presto
final sollicite d’elles de vigoureux accents et le soutien des
vents dans une coda tourbillonnante. Ces jeunes musiciens obtiennent un
équilibre sonore qu’envieraient bien de leurs
aînés.
Qualités que confirmeront les deux extraits de l’Orphée
de Gluck, le Ballet des Ombres Heureuses et la Chaconne. Dans le
premier les flûtes sont à la fête et nous aussi
à l’écoute de la mélancolique
sérénité que les deux instrumentistes distillent
avec une douceur lunaire. Le second recrée les prestiges de la
tragédie lyrique, rythme majestueux et marqué
impeccablement.
Encore du Salieri, puisque aussi bien ce concert fait partie de la
stratégie commerciale liée au disque
précité, avec un extrait d’un autre opéra, Semiramide.
Encore une femme malheureuse, mais elle trouve des raisons
d’espérer et s’exhorte à affronter en
philosophe les incertitudes de l’avenir. Pour s’encourager
elle déploie toute sa virtuosité vocale, que soutiennent
basson, flûte et hautbois ; des graves poitrinés
somptueux aux aigus brillants ; on est à nouveau
frappé par l’impression d’être en
présence d’une voix remarquablement homogène. La
virtuosité des agilités sans être exceptionnelle
est très bonne, et la musicalité s’épanouit
dans le finale où la voix se mêle délicieusement
aux vents solistes.
L’air de Susanna, où la netteté de
l’articulation saisit encore, est littéralement
ciselé : c’est toute la sensualité
frémissante de la jeune femme qui s’épanche dans la
nuit propice. La voix sonne juste y compris dans sa rondeur qui ne
laisse rien à désirer. Dans Lucio Silla,
Giunia éprouve les affres de l’amante dont
l’aimé est peut-être mort. Surmontant sa peur, elle
décide d’aller s’informer, malgré le danger
qu’elle encourra, car s’il est mort elle ne veut pas
d’autre sort. Plus facile à dire qu’à
faire : comment ne pas trembler à l’idée de
mourir ? Ces broderies sur le thème fournissent
l’occasion d’un récitatif et d’un air
où l’héroïne épanche son tourment par
les procédés de la virtuosité vocale. Le tour de
force de Diana Damrau est qu’elle exprime avec tant
d’intensité et de justesse l’irrésolution et
l’agitation qu’elle fait passer sa performance technique en
arrière-plan, au service de l’expressivité musicale.
Progressivement conquis, le public devenu très chaleureux a
été remercié par deux bis ; d’abord,
toujours tiré du fameux disque, un air de Salieri extrait de La
finta scemma intitulé « Se spiegar potessi a
pieno » riche d’acrobaties vocales de nature à
provoquer de nouvelles requêtes, et ensuite la reprise de
« Fra i barbari sospetti » donné à
la fin de la première partie. Après, le temps
était compté : il y avait une séance de
dédicaces organisée par les sponsors. Ne mordons pas la
queue du serpent et renouvelons nos bravos aux artistes !
Maurice Salles
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