C O N C E R T S
 
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LYON
12/12/2004

Danielle De Niese
Récital Danielle De Niese

Leclair : ouverture en la majeur
Leclair : sonate VII en la mineur
Leclair, Badinage
Rameau, Les Paladins : "L'amour peu sensible et volage"
Leclair : menuets I & II
Rameau, Les Paladins : Est-il beau comme le jour ?
Leclair : tambourins I & II
Rameau, Les Paladins : C'est trop soupirer
Haendel, Messiah : Rejoice greatly
Haendel, Messiah : I know that my redeemer liveth
Purcell : Prélude et chaconne
Purcell : Music for a while
Purcell : sonate à trois parties en ré mineur
Haendel, Giulio Cesare : Non disperar
Haendel, Giulio Cesare : Piangerò
Haendel, Giulio Cesare : Da tempeste

Danielle de Niese, soprano
Les Folies Françoises,
Patrick Cohen-Akenine

Lyon, Chapelle de la Trinité
dans le cadre du Festival de musique ancienne,
le 12/12/2004


Par ce dimanche brumeux, l'on consent à peine à sortir, trop occupé que l'on est à se prélasser dans la chaleur de son appartement. L'on ne se résout à s'extirper de cette douce torpeur que pour aller au récital Purcell/Charpentier/Rameau de Patricia Petibon. Billet en poche, l'on piétine quelques minutes devant l'entrée de la belle chapelle baroque du lycée Ampère... L'artiste est malade entend-on ! Qu'importe, elle chantera tout de même après une brève annonce. A peine entré sous le trompe-l'oeil élancé de la nef, la nouvelle tombe, cinglante : Patricia Petibon ne chantera pas... Danielle de Niese qui prépare à deux pas de là sa prochaine Poppée sous la houlette directive de William Christie arrive cependant à la rescousse. Danielle de Niese sauve le concert... Merci Danielle de Niese !

Passée cette première stupeur, l'on découvre le nouveau programme, concocté à la hâte, sur un coin de clavecin quelques heures auparavant. Chacun a voulu apporter un morceau connu de son répertoire. C'est tant mieux et c'est au moins, dans de telles conditions et faute d'une préparation soutenue, un certain gage de sécurité.

Les Folies Françoises jouent ici en petite formation, cinq parties à peine lorsque tout l'effectif est "déployé", et cela donne à chacun un statut de soliste. La sonorité chambriste est réjouissante, le son pourtant touffu, sans que la légèreté ne soit jamais prise en défaut. Sans parler d'un "Music for a while" ascétique, simplement soutenu par un continuo à la fois resserré et parfaitement éloquent, il faut reconnaître à cette option une clarté qui, dans les airs d'opéras surtout, permet d'une rare manière d'entendre (enfin) toutes les parties intermédiaires de l'orchestre. Chacun se jette à corps perdu dans ce combat déjà gagné par sympathie, et si l'oreille vétilleuse pourra relever ici et là des intonations douteuses au violon de Cohen-Akenine par exemple (le début de "Rejoice greatly" est pour le moins... grinçant), force est de reconnaître que la fébrilité de la mise en place du programme confère à chaque note une urgence, un dramatisme puissant, un feu qui réchauffe pour quelques instants l'assemblée engourdie.

Danielle de Niese pose d'autres problèmes. La préparation vocale est d'une technicité évidente, les difficiles vocalises de Messiah et de Giulio Cesare sont assurées avec un aplomb sidérant, détaillées, disséquées sans afféterie et sans le moindre savonnage surtout. Elle donne même à son troisième air de Nérine des Paladins un galbe magnifique, une courbure harmonique délicate, des effets sans ostentation qui sont du très grand art chez une chanteuse si jeune (elle n'a encore que 24 ans, rappelons-le). Danielle de Niese chante avec un naturel confondant, avec son coeur, sans tricher et son "Piangerò" noie l'auditoire d'une tristesse nimbée, dans un délicat état d'empathie que ne peut causer que la plus infinie justesse de ton. De la même manière, son second air de Messiah joue d'un sentiment de foi rayonnante, d'imprécation vécue que l'on n'a guère l'habitude d'entendre porté à un tel degré "dogmatique" sur scène. Cependant, la voix reste bien verte, ouverte, juvénile dirons les optimistes, adolescente dirons les autres ; l'aigu des cadences témoigne même d'une acidité certes assumée, mais qui dérange invariablement et la couleur générale de la voix, surtout, prive ses personnages (Cléopâtre surtout) d'un certain poids dramatique. Le recours aux tenues droites enflées vers une vibration très contrôlée sent la recette d'écolière studieuse, et le contrôle lui-même n'est pas toujours exempt de quelques fêlures. Le volume n'est pas en cause, ni surtout, on l'a dit, la sincérité de l'artiste, son investissement et sa compréhension des textes chantés (Cléopâtre aura rarement été aussi fine mouche et son "Da tempeste" vaut bien celui d'artistes de renommée internationale, fourvoyées dans ce répertoire). Mais l'on sent que ce diamant à peine sorti de sa gangue et que l'on devine de la plus belle eau, nécessite d'être encore longuement travaillé et poli au risque de devoir pâlir encore face à des verroteries mieux apprêtées.

Un concert attachant cependant, traversé d'une électricité palpable, où chacun joue le jeu d'un investissement au-delà de ses propres limites. Un concert aux lourds affects, une représentation très juste de l'âme humaine dans une musique d'exception, et le sentiment pénétrant qu'un grand talent est en train d'éclore.
 
 
 

Benoît BERGER
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