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LAUSANNE
05/12/04

Karine Deshayes
(www.karinedeshayes.com)
Récital Karine DESHAYES

Karine Deshayes (mezzo-soprano)
Hélène Lucas (piano)

Opéra de Lausanne,
5 décembre 2004



Un piano qui chante

Karine Deshayes, lauréate du Concours des Voix Nouvelles 2002 (qui, rappelons-le, avait déjà révélé des personnalités telles que Natalie Dessay et Alexia Cousin) n'avait pas participé au concert final à l'Opéra de Lausanne, retenue qu'elle était par des engagements précédemment pris. Il était donc intéressant d'entendre celle qui remporta la compétition. Après deux ans de carrière, l'intérêt de ce concert ne pouvait qu'en être renforcé.

Un récital musicalement intéressant, même s'il comportait des oeuvres d'une importance relativement mineure par rapport à l'immense catalogue de la mélodie. A commencer par les poèmes de Stéphane Mallarmé (Soupir et Placet futile), mis en musique aussi bien par Ravel que par Debussy. Dans les interprétations offertes par la mezzo française, les versions de Debussy semblaient mieux s'adapter à la prosodie de Mallarmé. Comme si Debussy avait, mieux que Ravel, compris le sens, le son des mots. Mais si la prononciation française de Karine Deshayes est irréprochable, on reste néanmoins un peu sur sa faim, probablement à cause de l'herméticité des poèmes de Mallarmé. Ces premiers chants révèlent une voix bien timbrée et admirablement conduite, mais qui pourtant accuse souvent quelques duretés.
 
Dans les lieder de Brahms, l'attention au chant est peu à peu détournée par l'accompagnement du piano. Auf dem Kirchhofe révèle soudain la formidable présence de la pianiste Hélène Lucas qui prend le pas sur la chanteuse. Non pas qu'elle couvre le chant de Karine Deshayes, mais son jeu accentue soudain les respirations du poème de Detlev von Liliencron. Une présence musicale qui libère, mieux que le texte chanté, le potentiel dramatique du poème. L'auditeur, captivé par tant d'inspiration, éprouve l'étrange impression d'assister à un récital de piano accompagné par le chant ! Luttant contre cette bizarrerie, il laisse le chant reprendre le dessus dans un très beau Immer leiser wird mein Schlummer que la mezzo française chante avec une grande décontraction. Elle semble avoir enfin trouvé le calme nécessaire au phrasé qu'elle soigne tout particulièrement. A deux lieder de l'entracte, c'est malheureusement un peu tard !

La seconde partie du récital est dédiée à La Chanson d'Eve op. 95 de Gabriel Fauré. A nouveau, Karine Deshayes prête une impeccable diction aux dix poèmes de Charles van Lerberghe. Mais, comme au début de son récital, la voix n'accroche pas. L'artiste semble rester en deçà de l'interprétation. Bien vite, la fascination se déplace sur l'accompagnement charismatique d'Hélène Lucas. Soulignant le rythme des strophes, elle fait vivre les textes par sa seule musique. Le toucher est sensible, admiratif, inspiré. C'est le piano qui chante.

Comme on eut aimé que la mezzo française s'exprime dans son récital avec la verve qu'elle déploie dans la zarzuela donnée en bis ! Libérée, elle s'emporte avec d'impressionnantes variations qui permettent d'apprécier une remarquable technique vocale et une très belle manière d'envoyer ces brillantes strophes à un public quelque peu refroidi par le récital proprement dit.
 
 

Jacques SCHMITT
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