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PARIS
05/04/2007
© DR
Les Grandes Voix
Joyce DiDonato
mezzo-soprano
Georges Bizet (1838 – 1875)
Mélodies
Ouvre ton Cœur
Douce mer
Pastorale
Chanson d'avril
Adieux de l'hôtesse arabe
Gioacchino Rossini (1792 – 1868)
Cantate
Giovanna d'Arco
Entracte
Enrique Granados (1867 – 1916)
Tonadillas
Elegia Eterna
La Maja Dolorosa n°1
La Maja Dolorosa n°2
La Maja Dolorosa n°3
Canciones Amatorias
No lloréis ojuelos
Manuel De Falla (1876 – 1946)
Siete Canciones Espagnol
El Pano Moruno
Seguillla Murciana
Asturiana
Jota
Nana
Cancion
Polo
Xavier Montsalvatge (1912 – 2002)
Cinco Canciones Negras
Cuba dentro de un piano
Punto de Habanera
Canto Negro
Bis
Gioacchino Rossini (1792 – 1868)
canzonetta spagnuola
« Una voce poco fa »
(Il barbiere di Seviglia)
Xavier Montsalvatge (1912 – 2002)
Cancion de cuna para dormir a un negrito
(Cinco Canciones Negras)
Julius Drake, piano
Salle Gaveau, Paris, le 5 avril 2006, 20 heures
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Elle a tout d'une grande
En ces premiers soirs de printemps, le
mélomane parisien devient papillon de nuit qui, ébloui
par la lumière des grandes voix, voltige d'une salle de concert
à l'autre : la semaine passée, Jessye Norman à Pleyel, celle d'avant Anna Netrebko et Rolando Villazon
au Théâtre des Champs-Elysées... Il est dangeureux
de papillonner ; à battre ainsi des ailes et des mains, notre
lépidoptère risque d'être passé à
côté du meilleur récital de la saison, celui de
Joyce DiDonato, offert jeudi dernier dans une Salle Gaveau hélas
à moitié vide. Dommage...
Dommage en effet car avec un programme qui reprend en partie celui de ¡Pasión !,
son disque de chansons espagnoles enregistré l'année
dernière, la cantatrice américaine n'en finit pas de
subjuguer ; par la technique avec laquelle, des mélodies de
Bizet à celle de Montsalvatge, elle sculpte la note et
déjoue les pièges tendus, notamment les croche-pieds de
l'écriture rossinienne - Giovanna d'Arco
et encore plus "Una Voce poco fa", offert en bis et chanté avec
une évidence confondante et un art de l'ornementation qui
rappelle, par son intelligence, celui de Maria Callas (rien de moins
!) ; par la manière spectaculaire dont elle négocie
les écarts de tessiture, des Siete Canciones Espagnol par
exemple, cette façon qu'elle a de passer en un sourire d'un
grave sonore et sauvage à un aigu posé piano sur le
souffle ou alors lancé crânement comme un défi.
Mais la technique n'est rien si elle n'est pas portée par la
force de l'interprétation. Là aussi, Joyce DiDonato
réalise des merveilles en glissant d'une mélodie à
l'autre comme le plus habile des mannequins d'une robe à un
tailleur. Elle donne à "Ouvre ton coeur" des accents qui ne sont
pas sans évoquer Carmen, emplit de larmes parfumées les
"Adieux de l'hôtesse arabe", de jubilation sensuelle les saluts
de Giovanna d'Arco à son roi. Dans le répertoire
espagnol, elle écaille d'une inflexion, d'une oeillade, le
vernis qui glaçait son enregistrement de l'année
passée. Le chant renoue alors avec ses origines, se
débarrasse des clichés pour retrouver son ardeur
première, non plus la saveur un peu fade du produit industriel
mais le goût authentique de Seville, Madrid ou Barcelone.
A trop analyser cependant, on en oublie l'essentiel : la beauté
intrinsèque de la voix, sa longueur prodigieuse, l'arc-en-ciel
des couleurs qu'elle trace dans le ciel sonore, la rondeur et le
velours...
Pour couronner le portrait, il émane de la femme une
séduction naturelle, une sympathie qu'engendrent l'attitude,
simple sans être affectée, et la franchise du ton.
L'humour aussi qu'elle manifeste quand, à la fin du concert,
interrompue par une sonnerie de téléphone portable alors
qu'elle explique le lien qui l'unit à Rossini, elle
s'étonne "est-ce lui qui appelle ?".
Fasciné par la cantatrice, on en oublierait preque son
partenaire. A tort car Julius Drake déploie la même
science et la même imagination pour finalement porter la
soirée au firmament, celui de ces concerts d'exceptions dont on
dit plus tard avec fierté : "j'y étais" !
Christophe RIZOUD
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