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MONTE-CARLO
23/11/2003

Ruggerro Raimondi
(© opéra de Monte Carlo 1997)
Gaetano DONIZETTI

Don Pasquale
Drama buffo en trois actes
Livret de Michele Accursi (Giovanni Ruffini)

Direction musicale : Nello Santi
Chef de choeur : Kristan Missirkov

Mise en scène : Grischa Asagaroff
Décors et costumes : Luigi Perego
Éclairages conçus par : Jürgen Hoffmann
réalisés par : Hans Rudolf Kunz

Choeur de l'Opéra de Monte-Carlo
Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo

Don Pasquale : Ruggero Raimondi
Le docteur Malatesta : Dario Solari
Ernesto : Luigi Petroni
Norina : Isabel Rey
Un notaire : Luciano Medici

Opéra de Monte-Carlo
Forum Grimaldi - Salle des Princes
Dimanche 23 Novembre 2003

 


OUVERTURE DE SAISON A MONACO

UN PÉTILLANT DON PASQUALE MALGRÉ TOUT
 

Importé de Zurich, le Don Pasquale de Donizetti a ouvert avec succès et dans un fantastique éclat de rire la saison lyrique monégasque. Dans cet ouvrage, il est facile pour un metteur en scène digne de ce nom de laisser libre cours à son imagination, d'accumuler gags ou idées les plus délurées sous prétexte que le livret s'y prête. Il l'est beaucoup moins de bâtir un spectacle intelligent, dicté avant tout par la partition, capable aussi de restituer à ces mécaniques de génie, au-delà de leurs sourires et de leur insouciance, leur tendresse, leur poésie, voire leur cruauté. Et par-dessus tout, leur rythme qui est leur raison d'être.

Dans de jolis et luxueux costumes et de somptueux décors tournants de Luigi Perego, la régie de Grischa Asagaroff, avec ses mouvements vifs et colorés, brille comme la meilleure des opérettes à succès, telle une porte ouverte sur le rêve : le héros infantilisé jouant avec ses ours en peluche, la bataille rangée autour de sa perruque, le poster imposé d'Ernesto, des gags digne du plus savoureux théâtre de boulevard... Le tout fait pétiller avec humour, bon goût et talent, sans une once de vulgarité, cet opéra bouffe... comme du champagne !

Asagaroff n'a pas oublié que Don Pasquale est un peu Le Barbier revisité après vingt-cinq ans de réflexion musicale et dramatique, juste le temps pour Donizetti de découvrir l'opéra romantique. Car la cruauté dans cette course poursuite au mariage et à la dot est toujours sous-jacente. Au rideau final, la belle Norina - sait-elle ce qu'elle veut cette pécore ? - ne tendra-t-elle pas la main, encore dans les bras de son amoureux, au si sexy Docteur Malatesta ! Qui trompe qui ? Qui joue à quoi ? Qui veut quoi et qui ?
 
Comme pour Le Trouvère, il faut réunir les quatre meilleurs artistes du moment et laisser aller la musique...
Certes, dans cet opéra d'ensembles, de premier ordre, d'excellents chanteurs/acteurs doivent s'imposer individuellement, mais être aussi capables de se plier à l'interminable série de duos, trios, quatuors qui surabondent.

Le très jeune Dario Solari (Malatesta), depuis ses débuts romains fracassants voici deux ans, pourrait bien s'imposer comme le baryton de sa génération. Maîtrise du son, de la note, du mot, sens comique et dramatique parfait.

Isabel Rey (en troupe à Zurich et donc bien connue des mélomanes suisses) en vraie maîtresse-femme ne fait qu'une bouchée de Norina (ici vamp de cinéma érotisée à l'extrême). Son soprano corsé, agile, à l'aigu brillant, facile, séduit et fascine.

Un bémol à tout cela avec le sympathique Ernesto de Luigi Petroni. Pas toujours dans la portée en première partie de spectacle... à son actif un Com'è gentil raffiné et d'une préciosité bienvenue. On attendait, il est vrai, Bruce Ford.

L'immense, le tellurique Ruggero Raimondi entre en scène et le malaise s'installe. Dès les premières notes. En fin de soirée, la gêne et la migraine auront leur dernier mot. Pour quelques beaux aigus bien placés et sonores, une vis comica irrésistible, une connaissance du rôle et une présence indéniables, la star "marque" souvent plus qu'elle ne chante. En totale inadéquation avec ce répertoire, malgré de louables efforts et effets, que de négligences vocales, de parlando outrancier ou inaudible (ce grand artiste pourra se vanter d'avoir inventé le sprechgesang donizettien !), de notes savonnées, d'approximations musicales même, ne faudra-t-il pas subir, le rire dans la gorge, la compréhension amicale ou le respect venant à la rescousse.

Par bonheur, Nello Santi était dans la fosse. Aux petits oignons, en premier pour la star monégasque. On peut bien l'imaginer. Ce vétéran de la baguette, toujours bon pied bon oeil, concocte des tempi irrésistibles, déroulant pour son ami Ruggiero - et le reste du plateau bien sûr - un tapis sonore à l'ébriété rythmique revigorante et qui nous vaut un spectacle délectable. Le coeur encore une fois a ses raisons... que la raison ne connaît pas.
 
 

Christian COLOMBEAU
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