C O N C E R T S 
 
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VIENNE
22/10/04
Giuseppe VERDI

DON CARLOS

grand opéra en 5 actes
sur un texte de Méry et Du Locle

Direction musicale : Bertrand de Billy
Mise en scène : Peter Konwitschny

Mise en scène autodafé et vidéo : Vera Nemirova
Décors et costumes : Johannes Leiacker
Lumières : Hans Toelstede

Philippe II : Alastair Miles
Don Carlos : Ramón Vargas
Rodrigue : Bo Skovhus
Le Grand Inquisiteur : Simon Yang
Un Moine : Dan Paul Dumitrescu
Elisabeth de Valois : Iano Tamar
Princesse Eboli : Nadja Michael
Thibault : Cornelia Salje
Le comte de Lerme, un héraut : Benedikt Kobel
Une voix d'en haut : Inna Los

Choeur et orchestre du Staatsoper,
Wien, 22 octobre 2004

Autres représentations le 25, 28, 31 octobre,
4, 7 novembre 2004
2, 5, 8, 12, 15 juin 2005



UN DON CARLOS COMPLET, SCANDALE INCLUS

Cette production de Hambourg aura fait couler beaucoup d'encre avant même d'arriver à Vienne. Simultanément, elle est d'ailleurs reprise à partir du 24 octobre à Hambourg. Les billets se sont arrachés au point qu'une liste d'attente a été créée pour ceux qui n'ont pu avoir de places.

La mise en scène de Peter Konwitschny commence sans grande surprise : scène vide, fond noir pour la rencontre de l'infant et d'Elisabeth. A l'acte suivant, le fond devient blanc, la demeure scène vide et les costumes síornent de fraises d'époque. Rodrigue est juste affublé de lunettes qu'il perd de temps en temps, ce qui l'oblige à une démarche de bigleux. Rien de bien choquant.

Sur le devant de la scène, une jeune pousse d'arbre restera pendant toute la représentation le symbole de la fragilité. La surprise de taille est le "rêve d'Eboli" pendant le ballet, car la musique du ballet est donnée... sans danseurs. En revanche les chanteurs sont fortement sollicités dans un rôle muet.

Nous voilà transporté dans un intérieur contemporain, Eboli est enceinte, elle attend que son Carlos de mari revienne du travail. Ils attendent Philippe et Elisabeth ce soir-là, couple bourgeois comme eux. Entre autres gags, Eboli oublie d'éteindre le four et le poulet brûle, ce qui oblige Carlos à appeler Telepizza. On s'amuse comme des fous en attendant la naissance du bébé.

Le clou de la soirée est la mise en scène de l'autodafé. Le public peut rester dans la salle, mais est invité à se tenir aussi dans le foyer ou le grand escalier. Une charmante speakerine, micro en mains, nous promet, dans quelques minutes, en direct, un autodafé. Une armée de photographes est sur le pied de guerre ; un caméraman permet la retransmission de l'événement sur différents écrans. Le public massé autour du grand escalier entend donc la musique qui vient de la salle tout en regardant de malheureuses victimes de l'autodafé se faire brutaliser. Arrivent Philippe II, la reine, le marquis de Posa, les gardes du corps; crépitement de flashs, ils passent à travers le public et entrent dans la salle. Sur scène, les choristes sablent le champagne en costumes díaujourdíhui. Le public rentre dans la salle, les artistes retrouvent la scène. Carlos et les flamands font irruption dans la fête, Carlos distribuant des tracts. Au dessus de la scène passent des gros plans filmés par le cameraman sur scène ou des images de déportations, de guerres, les archives de la violence humaine.

Une minorité des spectateurs hurle bravo, une autre minorité hue et le reste applaudit, réjoui de trouver de l'ambiance à l'opéra. Pour l'acte IV et V, la mise en scène redevient sage, si ce n'est que les chanteurs revêtent indifféremment des costumes d'époque ou contemporains, selon les scènes.

Et la musique dans tout cela ? Elle est donnée dans son intégralité, la représentation commençant à 17 heures. La direction de Bertrand de Billy soigne les couleurs orchestrales, adopte des tempi sages, se montre attentive aux chanteurs en évitant de les couvrir. On peut aimer cependant une direction plus fougueuse.

Alastair Miles chante avec correction, mais la voix manque quelque peu de projection. Le même reproche peut être adressé à Ramón Vargas ; ses meilleurs moments ne sont pas les passages de tension dramatique, mais ceux où il déploie morbidezza et demi-teintes. Il a de loin la meilleure diction de toute la distribution. Bo Skovhus chante avec un style irréprochable et fait preuve díun bel investissement. Simon Yang a la voix du grand inquisiteur, mais on ne saisit guère son texte. La pauvreté de l'articulation se retrouve chez les femmes. Iano Tamar chante une Elisabeth honnête, mais la voix manque díampleur et le timbre pâlit au souvenir díElisabeth autrement mémorables. Nadja Michael est une Eboli crédible scéniquement, jeune et svelte. En outre, la voix a du mordant. Notons juste la brève intervention d'Inna Los, non pas en coulisse, mais sur scène, en perruque blonde platine et robe à paillettes : une voix du ciel plutôt charnelle !

Cette mise en scène sera difficile à reprendre sans un sérieux travail pour des chanteurs qui viendront au gré des saisons se substituer à ceux de la création.
 
 

Valéry FLEURQUIN
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