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PARIS
02/02/2006
Wolfgang Amadé MOZART (1756-1791)
Il dissoluto punito ossia
Il Don Giovanni
Dramma Giocoso en deux actes (1787)
Livret de Lorenzo Da Ponte
En langue italienne
Mise en scène : Michael Haneke
Décors : Christoph Kanter
Costumes : Annette Beaufays
Éclairages : André Diot
Don Giovanni : Peter Mattei
Il Commendatore : Robert Lloyd
Donna Anna : Christine Schäfer
Don Ottavio : Shawn Mathey
Donna Elvira : Mireille Delunsch
Leporello : Luca Pisaroni
Masetto : David Bizic
Zerlina : Aleksandra Zamojska
Orchestre et Choeurs de l’Opéra national de Paris
Direction musicale Sylvain Cambreling
Paris, Opéra Garnier,
le 2 février 2006, 19h30
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Le débauché puni, le spectateur aussi
Il faut rendre à César ce qui appartient à
César, reconnaître à Gérard Mortier que son
mandat à la tête de l’Opéra de Paris aura
été, en dépit des nombreux reproches qu’on
peut lui adresser (en vrac : augmentation des tarifs,
programmation dictatoriale, mépris d’un certain
répertoire, recherche systématique de la provocation,
etc.), riche d’enseignements. Ainsi, cette nouvelle production de
Don Giovanni
permet de découvrir, chose incroyable après de nombreuses
années d’expériences lyriques, qu’il est
possible de s’ennuyer lors d’une représentation du
chef d’oeuvre de Mozart.
La faute n’en revient pas seulement à Michael Haneke. On a
beaucoup glosé sur l’actualisation de l’intrigue, la
transformation de son cadre, la Séville du XVIIème
siècle devenue une entreprise moderne donc inhumaine, le Don
promu cadre supérieur, Il Commendatore manager et Zerlina,
technicienne de surface. Pourquoi pas ? Mozart en a vu
d’autres et la transposition durant la première parte
fonctionne à peu près servie par un réel effort
sur la gestuelle et le décor unique de Christoph Kanter (beau
mouvement ovale d’une grande baie vitrée ouverte sur une
forêt de tours : la Défense, New York ?). Le
plus difficile n’est pas d’avoir une idée originale
mais de savoir la porter d’un bout à l’autre de la
pièce. Le système s’effondre lamentablement
après l’entracte. Le cadavre du commandeur se
promène sur un fauteuil à roulettes, Don Giovanni
s’asperge de vin avant de mourir poignardé par Elvira. En
refusant l’intrusion du surnaturel dans l’oeuvre, le
metteur en scène occulte définitivement sa dimension
métaphysique et la vide de sa substance. Elle apparaît
alors comme un simple fait divers dont la fin n’a plus de
signification.
A ce fâcheux contresens, s’ajoute un problème
d’éclairage ; la scène est constamment
plongée dans la pénombre, exception faite du lieto fine.
Cette obscurité permanente justifie certainement les quiproquos
indiqués par le livret mais, en empêchant de voir le
visage des chanteurs, les prive malheureusement d’expression et
ajoute encore au désagrément.
La frustration est d’autant plus grande que la mise en
scène s’appuie sur le physique des interprètes,
leur crédibilité avec, en première ligne, le Don
Giovanni de Petter Mattei d’une violente sensualité,
flanqué du Leporello tout aussi séduisant de Luca
Pisaroni, plus frère que valet d’ailleurs. Vocalement,
leur duo se place en haut de la distribution, à une bonne
encablure des autres rôles masculins, le commandeur un peu fruste
de Robert Lloyd et l’élégant mais pâle
Ottavio de Shawn Mathey.
Encore plus loin derrière, suivent les trois voix
féminines, Mireille Delunsch, Aleksandra Zamojska et Christine
Schäfer qui, malgré un indéniable engagement,
exposent chacune à leur manière ce que leur timbre a
d’ingrat. Dureté chez l’une, verdeur chez
l’autre, l’oreille est habituée à plus
d’hédonisme dans ces rôles qui furent autrefois
défendus par Margaret Price, Teresa Stich-Randall, Teresa
Berganza, etc. Quant à Sylvain Cambreling, il évite de
venir saluer seul une fois le rideau tombé. « Chat
échaudé craint l’eau froide » affirme
l’adage, est-il nécessaire de développer ?
La date de la première de ce Don Giovanni
n’a pas été laissée au hasard : 27
janvier jour de naissance de Wolfgang Amadé (encore une
découverte à porter au crédit de
l’ONP : la désinence latine d’Amadeus est de
toute évidence démodée). Certaines femmes,
à partir d’un certain âge, refusent qu’on
célèbre leur anniversaire. Mozart, à Paris, aurait
mieux fait de jouer les coquettes.
Christophe Rizoud
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