C O N C E R T S 
 
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NEW YORK
13/03/04

© DR
DON GIOVANNI

Opéra en 2 actes de Wolfgang Aamdeus Mozart
Livret de Lorenzo da Ponte

Production : Marthe Keller
Décors : Michael Yeargan
Costumes : Christine Rabot-Pinson
Lumières : Jean Kalman
Chorégraphie : Blanca Li

Don Giovanni : Thomas Hampson
Leporello : René Pape
Donna Anna: Anja Harteros
Donna Elvira : Christine Goerke
Don Ottavio : Gregory Turay
Zerlina : Hei-Kyung Hong
Masetto : Ildar Abdrazakov
Le Commandeur : Phillip Ens

Orchestre et Choeurs du
Metropolitan Opera de New-York
Direction : James Levine

New-York, Metropolitan Opera,
le 13 mars 2004 (matinée).


CHERCHEZ LA FEMME !

J'attendais a priori peu de ce nouveau Don Giovanni ; des interprètes de métiers, un chef souvent fatigué, un metteur en scène assez classique et quasiment débutant sur la scène lyrique, le tout dans un théâtre particulièrement traditionnel... sur le papier, la partie n'était pas gagnée.
Pourtant, cette nouvelle production se révèle d'un intérêt indéniable, preuve qu'un chef- d'oeuvre, même archi connu, reste une source inépuisable de surprises pour peu qu'il soit bien servi.
Principal artisan de cette réussite, Marthe Keller, dont la mise en scène riche en nuances et en subtilités est un petit miracle de vérité psychologique.

Sur le plan technique, le travail est déjà remarquable avec, en particulier, un réalisme quasiment cinématographique dans le jeu des acteurs ou dans la conduite des mouvements de foule. Qu'il s'agisse du serviteur encore ensommeillé qui suit maladroitement Don Ottavio volant au secours de Donna Anna, ou de Don Giovanni "alla finestra" dans un progressif abandon narcissique, il n'est pas un personnage (soliste, choriste ou figurant) dont les mouvements, les attitudes ou le comportement ne soient réglés à la perfection.

Mais le plus intéressant et le plus original, c'est que cette production nous fait enfin voir le séducteur à travers les yeux d'une femme.

Il ne s'agit plus du "stakhanoviste de l'Amour" si souvent campé par Raimondi, du jouisseur tel que Terfel l'interpréta si magnifiquement à Bastille, ou de tant d'autres interprétations "viriles ". Keller nous montre, au contraire, la Séduction elle-même, une épure et non une caricature.

Grâce au splendide et pourtant si simple décor de Michael Yeargan (des pans de murs de briques anciennes et des escaliers qui coulissent) et aux éclairages doux et chaleureux de Jean Kalman, Séville même est transformée en un personnage de l'action : une sorte de mère nourricière (c'est à la faveur de ses ruelles que le séducteur trouve de nouvelles proies) et protectrice (le secours de l'obscurité et du cimetière).

La rançon de cette vision très "féminine" (si on pardonne cette tournure un peu réductrice, mais qui a le mérite de la clarté), c'est son refus du spectaculaire : point de feu d'artifice final, de flammes infernales pour la damnation de Don Giovanni ; celui-ci reste collé par le froid à un gigantesque miroir qui l'emporte sous la scène (une sorte de variation sur le thème de Narcisse : aimez toutes les femmes, c'est n'en aimer aucune ; c'est n'aimer que soi-même).

Cette vision est idéalement servie par un Thomas Hampson toujours crédible physiquement, fin interprète même s'il n'est pas toujours exempt de cabotinage (juste ce qu'il faut pour le rendre un minimum antipathique). Vocalement, si l'on excepte les "défauts de fabrique" du chanteur (médium un peu sourd, aigus toujours un peu en dessous), cela reste du grand art dans la maîtrise du souffle et du phrasé.

La vraie surprise, c'est le Leporello de René Pape, que nous entendons enfin dans un rôle jeune et comique ! Un parfait naturel, un abattage dépourvu de vulgarité, une relative insolence vocale (relative, car contrôlée) : le public ne s'y trompe pas, qui lui réserve le triomphe de la soirée.

Gregory Turay est un cas complexe : bon acteur, beau physique, belle technique vocale, mais des moyens tout juste suffisants pour tenir la distance ; un récitatif investi, un premier couplet élégiaque et puis... on déchante : le timbre qui se ternit (surtout dans le passage, car les aigus restent clairs), le souffle qui devient un peu court ; rien de catastrophique, juste la frustration d'une promesse non tenue.

IIdar Abdrazakov n'a pas ce genre de problème : la voix est saine, jeune et robuste, mais l'acteur n'est pas à la hauteur du chanteur.

Dernier des "garçons", Phillip Ens pâtit de chanter son Commandeur du fond de la fosse tandis qu'un figurant l'incarne sur scène : une erreur technique (malheureusement récurrente) que ne supporte pas l'acoustique du Met.

Les choses se gâtent un peu chez les dames : Christine Goerke est une Elvira tonitruante, chantant assez mal, mais plutôt très fort, elle fait preuve d'un engagement indéniable, quoique sommaire, l'exact inverse du travail de ses collègues.

C'est un peu le contraire avec la Donna Anna d'Anja Harteros : cette fois, on attendrait davantage d'implication dramatique et une projection vocale plus consistante. Néanmoins, la caractérisation est au globale émouvante et l'artiste remplit son contrat.

J'avoue ma relative déception devant Hei-Kyung Hong, plus concernée dans d'autres rôles : cela reste très honnêtement chanté, mais la soprano est capable de faire infiniment mieux.

Pour la circonstance, James Levine s'est rétablit de la léthargie qui semblait le caractériser récemment : les tempi sont vifs, l'orchestre brillant, concluant avec brio l'ironique sextuor.
  


Placido Carrerotti
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