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STRASBOURG
03/03/2006
© Alain Kaiser
Wolfgang Amadeus MOZART
DON GIOVANNI
Dramma giocoso en 2 actes
Livret de Lorenzo Da Ponte
Direction musicale : Jane Glover
Mise en scène et décors : Achim Freyer
Costumes : Maria-Elena Amos
Lumières : Kurt Wogaztke
Don Giovanni : Laurent Naouri
Leporello : Renato Girolami
Donna Anna : Claire Rutter
Don Ottavio : Juan-José Lopéra
Donna Elvira : Alexandra Coku
Masetto : Nicolas Testé
Zerlina : Valentina Kutzarova
Le Commandeur : Friedemann Röhlig
Chœurs de l’Opéra National du Rhin
Direction des Chœurs : Michel Capperon
Orchestre Philharmonique de Strasbourg
Reprise de la production de l’Opéra National du Rhin
avec le festival de Schwetzingen (1998)
Strasbourg, le 3 mars 2006
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Dramma Giocosissimo !
Peut-on présenter Don Giovanni, « dramma giocoso » uniquement sous l’aspect giocoso ?
C’est la question que l’on ne peut manquer de se poser
à l’issue de cette production d’Achim Freyer.
Le metteur en scène a en effet choisi de présenter les
personnages en permanence masqués, sur un plateau rond,
coupé en son milieu par un rideau de 2 mètres de haut. La
gestique quant à elle fait clairement allusion à la commedia dell’Arte (surtout dans les récitatifs où les personnages prennent la pose).
Le parti pris surprend, séduit par moments, mais ne convainc pas totalement, car si la part comique est importante dans Don Giovanni, elle n’est pas tout. L’ouvrage commence par un meurtre et finit par la mort dans les flammes. Le Don Giovanni de Da Ponte et Mozart quant à lui est un looser
cerné de toutes parts et finalement pathétique si ce
n’est antipathique. Le présenter sous un jour uniquement
amusant nous prive d’une part essentielle de son personnage.
D’autres personnages sont aussi très réduits par
cette vision, notamment Donna Elvira qui en devient presque comique si
ce n’est burlesque, tandis que Donna Anna et Don Ottavio perdent
de leur sincérité.
© Alain Kaiser
Le geste, le gag, l’anecdotique, le grotesque, la farce prennent le pas sur la profondeur, c’est fort dommage.
Bien sûr, la mort est présente et la vision de Don
Giovanni lacéré, ses membres arrachés par
d’immenses tenailles est très réussie visuellement
(cependant, où sont les flammes ?), mais une immense main
surgit alors et tape du doigt, comme pour s’impatienter... et
rompt l’effet.
Vision très contestable donc qui, aussi réussie soit-elle
esthétiquement, ne convainc vraiment pas quant à son
adéquation avec le mythe de Don Juan. On rit beaucoup, trop sans
doute... Don Giovanni, n’est-ce qu’une histoire comique et légère qui se termine mal ?
Les chanteurs sont mis à rude épreuve car la direction
d’acteurs est très exigeante, et il faut les
féliciter d’avoir accepté cette discipline.
On connaît le Don Giovanni de Laurent Naouri (déjà
entendu à Metz) qui fait toujours preuve d’un grand
investissement. Le côté flambeur du personnage lui va
comme un gant, il sera moins à l’aise dans les passages
plus élégiaques, comme la Sérénade,
où il expose les défauts d’une diction un peu
pâteuse et d’une voix rugueuse. Pourtant, on est
séduit par le chanteur dont la sincérité emporte
tout.
Son Leporello, Renato Girolami, affiche une voix claire, un chant un
peu âpre qui rend son valet plutôt fruste. Cela convient
à ce que le personnage a de bouffon, moins à des moments
vocalement exigeants, comme le Catalogue.
C’est la Donna Anna de Claire Rutter qui séduit le plus
par son timbre, son aisance dans les vocalises, les grandes nuances
qu’elle apporte à son chant. Lors de ses airs, fort
réussis, elle impose une profondeur étrangère
à cette production. Le Don Ottavio de Juan-José
Lopéra (le joli nom !) malgré une voix idéale
pour ce répertoire, paraît encore bien fragile et il se
retrouve en difficulté dans le (certes terrifiant) Dalla sua
pace. Il en est de même pour l’Elvira d’Alexandra
Coku dont les duretés et les difficultés à
soutenir le rôle sont de plus en plus gênantes à
mesure qu’avance le spectacle. Nicolas Testé et Valentina
Kutzarova forment un joli couple Masetto/Zerlina, la seconde notamment
par un timbre d’une belle profondeur. Le Commandeur de Friedemann
Rölhig manque quelque peu d’impact. Il semble plus à
l’aise dans des rôles plus chantants (il fut ici même
un magnifique Gurnemanz) que dans ce personnage dont la présence
doit être écrasante.
© Alain Kaiser
L’Orchestre
Philharmonique de Strasbourg offre un soutien efficace et séduit
notamment par de très beaux bois mais la direction de Jane
Glover manque de contrastes. Comme en écho à la mise en
scène, elle semble trop univoque et monocorde. La chef se
rattrape en faisant preuve d’une belle inventivité au
clavecin pour les récitatifs.
Réalisée, comme toujours à l’Opéra du
Rhin, avec un professionnalisme exemplaire, cette production n’en
laisse pas moins le spectateur dubitatif devant un parti pris à
notre sens trop réducteur et
« léger » pour cet ouvrage.
Pierre-Emmanuel Lephay
Prochaines représentations :
A Strasbourg, les 7, 9, 11, 13 Mars
A Colmar, Théâtre Municipal : 7 avril 20 h, 9 avril 15 h
A Mulhouse, Théâtre de la Sinne, les 19, 21, 23, 25 Mars
Renseignements : Opéra National du Rhin
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