C O N C E R T S 
 
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LIEGE
21/02/03

(© Opéra Royal de Wallonie)
La Donna del Lago

Opéra en deux actes de Gioacchino Rossini

Créé au Théâtre San Carlo de Naples le 24 septembre 1819
Livret d'Andrea Leone Tottola
D'après Sir Walter Scott : The Lady of the lake
Version révisée par H. Colin Slim

Direction musicale :Alberto Zedda
Assisté de : Xavier Rivera
Mise en scène : Claire Servais
Assistée de : Marguerite Borie
Décors : Dominique Pichou
Costumes : Jean-Pierre Capeyron
Lumières : Jacques Châtelet

Elena : Iano Tamar
Malcolm : Agata Bienkowska
Uberto : Rockwell Blake
Rodrigo : Bruce Fowler
Douglas : Léonard Graus
Serano : Patrick Delcour
Albina : Emilienne Coquaz

Orchestre et Choeurs de l'Opéra Royal de Wallonie
Nouvelle production

Opéra de Liège le 21 février 2003


Saluons l'heureuse initiative de l'Opéra Royal de Wallonie qui peut s'enorgueillir avec cette nouvelle production de La Donna del Lago d'avoir assuré la création de l'ouvrage en Belgique.

Point ici de transposition hasardeuse, c'est bien dans les brumes d'Ecosse, au Moyen-âge, que se déroule l'action : les soldats arborent fièrement kilts et tartans, en particulier les partisans de Malcolm qui semblent tout droit sortis du film Braveheart, les bardes sont curieusement enrubannés de rouge et parmi les solistes, vêtus de couleurs sombres, se détachent les robes immaculées d'Elena.

Sans être d'une folle originalité, les décors de Dominique Pichou ont le mérite d'être efficaces : un immense escalier bleu emplit l'espace scénique, permettant de distinguer précisément les personnages parmi les nombreux choristes, en toile de fond un ciel nuageux évoque les horizons nordiques. Des éléments surgissant des cintres ou des côtés : arbres stylisés, rochers, épées... qui complètent astucieusement l'ensemble, nimbé de teintes aquatiques.

Hélas, Claire Servais n'a pas su tirer parti de cet ingénieux dispositif : sa mise en scène, par trop statique, manque singulièrement d'imagination : les chanteurs, qui semblent livrés à eux-mêmes, adoptent des poses stéréotypées, d'un autre temps. En outre, au second acte, les choses se gâtent : la vision "gore" d'un champ de bataille où gisent des corps décapités et un cheval éventré prête surtout à sourire !

Changement radical à vue pour le rondo final : la scène représente une salle de concert au 19ème siècle, les courtisans, au milieu desquels trône Uberto, sont les spectateurs face auxquels Elena chante son air dans la lumière d'un projecteur. Est-ce pour souligner qu'il s'agit d'un morceau de bravoure attendu? Le résultat crée une rupture dramatique qui laisse perplexe et que seule une interprétation époustouflante de l'aria eût pu justifier.

Sur le papier, la distribution, on ne peut plus alléchante, réunissait quelques uns des spécialistes de ce répertoire : le plus grand ténor rossinien de sa génération, une mezzo qui a triomphé en Malcolm à Montpellier et Salzbourg l'été dernier, un jeune lauréat du concours Opéralia à la carrière prometteuse, et un chef pour qui la musique du Cygne de Pesaro n'a pas de secrets.

Le résultat pourtant, n'est pas tout à fait à la hauteur de nos attentes.
Oublions l'Albina fade, à l'aigu aigrelet d'Emilienne Coquaz, et soulignons les qualités des membres de la troupe de l'Opéra Royal de Wallonie, notamment l'excellent Douglas de Léonard Graus, autoritaire et bien chantant. 

Daniella Barcellona souffrante ayant différé ses débuts attendus sur la scène liégeoise, c'est à la mezzo polonaise Agata Bienkowska qu'échoit la lourde tâche de la remplacer . N'accablons pas cette jeune cantatrice qui fait ses premiers pas ici dans des conditions difficiles et pour qui Malcolm est de surcroît une prise de rôle, mais il faut bien reconnaître que la justesse est approximative - elle a par moment tendance à chanter trop haut - et si l'aigu est clair et solide, le bas médium et le grave sont affligés de désagréables sonorités dans les joues. En outre, son jeu se limite à quelques poses convenues, faute d'une direction d'acteur inventive.

Bien connue des mélomanes depuis sa Sémiramis à Pesaro en 1992 qui a fait l'objet d'un enregistrement remarqué, Iano Tamar arbore un timbre sombre qui convient mieux à la reine de Babylone qu'à la douce Elena, mais sa prestation convainc tant sur le plan scénique que vocal, du moins jusqu'au rondo final qui n'est pas le feu d'artifice attendu et suggéré par la mise en scène : tempo ralenti, vocalises prudentes, tout est chanté mezzo forte comme si elle craignait d'aborder cette page brillante à pleine voix.

Tout oppose les deux prétendants malheureux de la belle : si l'Almaviva de Bruce Fowler à Bastille avait déçu, son Rodrigo est plus calamiteux encore ! La vocalisation est approximative et l'aigu conclusif de son air d'entrée lui reste dans la gorge. Fatigue passagère ? On ose l'espérer s'agissant d'un artiste dont le répertoire comporte des emplois belliniens aussi tendus qu'Ernesto du Pirate ou Arturo des Puritains qu'il compte aborder prochainement. Reste à son actif un timbre séduisant qui serait davantage mis en valeur dans des rôles moins périlleux que ceux qu'il chante, à l'évidence trop prématurément.

La beauté du timbre, en revanche, n'a jamais été la qualité première de Rockwell Blake, et force est de constater que le temps a fait son oeuvre sur une voix qui n'a plus tout à fait l'insolence d'autrefois. Néanmoins, l'aigu, même négocié avec précaution, est toujours là, et la technique reste magistrale : son air du deux "O fiamma soave" demeure un modèle d'interprétation, accueilli par l'immense ovation d'un public littéralement sous le charme. Ces acclamations d'où émergeait le cri d'enthousiasme d'un jeune fan énamouré ont-elles dopé le ténorissimo ? A partir du duo avec Elena et jusqu'à la fin de l'ouvrage, nous avons presque retrouvé le grand "Rocky" d'autrefois, salué au rideau final par une salle debout.

On ne dira jamais assez l'importance de la contribution d'Alberto Zedda à ce répertoire qu'il affectionne particulièrement. Cependant, il faut reconnaître que sa direction a quelque peu déçu : si l'on retrouve ici la précision et la dynamique auxquelles le maestro nous a habitués, on peut regretter qu'il ait surtout souligné l'aspect martial -pour ne pas dire tonitruant - de la partition au détriment des passages poétiques qui manquent cruellement de délicatesse et d'abandon. Quelques fausses notes dans les pupitres des vents, en particulier les cors, très sollicités dans cet ouvrage, s'estomperont sans doute au fil des représentations.

Les choeurs, enfin, ont vaillamment assuré leur partie si essentielle, les hommes en particulier, avec une belle homogénéité vocale.

Une soirée somme toute mitigée dont le grand triomphateur est encore et toujours le divin Rockwell.

Christian Peter
(Dominique Vincent)

Autres représentations : les 21, 23, 25, 27 février et le 1er mars à Liège.
Le 5 mars à Bruxelles à la Société philharmonique en version de concert.
Les 16 et 18 mars 2003 à l'Opéra d'Avignon avec Ewa Podless en Malcolm.
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