......
|
GENEVE
30/05/2007
© DR
Gaetano DONIZETTI (1797-1848)
DON PASQUALE
Opéra en un acte
Livret d’après Oscar Wilde traduit par Hedwig Lachmann
Opera buffa en trois actes
Livret de Giovanni Ruffini et Gaetano Donizetti
Coproduction avec le Théâtre de Caen
Mise en scène, Daniel Slater
Décors et costumes, Francis O’Connor
Lumières, Bruno Poet
Chorégraphie, Nicole Tongue
Don Pasquale, Simone Alaimo
Docteur Malatesta, Marzio Giossi
Ernesto, Norman Shankle
Norina, Patrizia Ciofi
Le notaire, Romaric Braun
Orchestre de la Suisse Romande
Chœur du Grand Théâtre
Direction du Chœur, Ching-Lien Wu
Direction musicale, Evelino Pido
Genève, le 30 mai 2007
1/2
|
Tel est pris…
Don Pasquale, en bon opera buffa,
rassemble des personnages proches de la caricature dans une intrigue
inspirée de la commedia dell’arte. Un vieil
égoïste qui joue les tyrans domestiques et se laisse abuser
par une jolie femme, un médecin intrigant probablement parent de
Scapin, un jeune amoureux idéaliste mais dépourvu de
moyens, et une jeune femme aux antipodes de la passivité
traditionnelle, cousine de la Rosine rossinienne.
Les ressorts de l’action sont la volonté de puissance et
l’irascibilité, réunis en la personne de Don
Pasquale. Ce riche vieillard qui se définit comme
« propriétaire » a arrangé le
mariage de son neveu et futur héritier, un mariage
d’argent évidemment. Mais voilà que le jeune homme
refuse et prétend épouser celle qu’il aime, une
jeune veuve sans fortune! Irrité au plus au point, le
géronte décide de se marier lui-même et
d’engendrer des héritiers. Dans la foulée, il
chasse son neveu et le déshérite. Cet acte
d’autorité accompli, il s’en remet, pour trouver
l’épouse adéquate, à son confident. Ami du
neveu, ce dernier imagine un plan pour dégoûter le barbon
du mariage et permettre ainsi l’union des jeunes gens. La ruse
réussira. Le finale rappelle la morale de
l’histoire : épouser une femme jeune si l’on
est vieux, c’est courir au devant du malheur.
Déjà conventionnelle du temps de Donizetti, cette trame
résiste pourtant avec une belle vigueur quand elle est
traitée efficacement, comme le démontrera plus tard La
Femme silencieuse de Richard Strauss. La bouffonnerie est presque sans
mélange, du personnage ridicule de Don Pasquale à la
comédie jouée par la jeune femme et à
l’exaltation du jeune homme. Le compositeur et le librettiste
ayant fait leur part pour la réussite de l’ouvrage, pour
nous le succès de la représentation tient à ses
interprètes. Force est de dire que si les versants musical et
vocal n’appellent que quelques réserves, il n’en va
pas de même pour la conception scénique.
Pendant l’ouverture, Don Pasquale sort de chez lui (alors
qu’il est censé y attendre Malatesta) et tandis
qu’il enfile sa redingote sur le seuil, passent des couples
représentant tous les âges de la vie. Il les regarde,
songeur, peut-être envieux, et s’extasie sur les enfants,
puis sort au jardin. Les panneaux qui formaient la façade de sa
maison patricienne se déplacent et on le voit arriver à
la terrasse du Café des Artistes dont les portes largement
ouvertes révèlent l’intérieur, y compris le
comptoir. C’est là que Daniel Slater situe le rendez-vous
au cours duquel Malatesta doit rendre compte à Don Pasquale du
succès de ses recherches quant à l’épouse
idéale, puis l’arrivée d’Ernesto qui essuie
la colère de son oncle, enfin celle de Norina, plus
élégante qu’aucune des femmes présentes,
venue barbouiller avec son attirail de peintre des rues une toile que
l’on s’arrachera, ce qui met à mal un des motifs de
la colère du vieillard. Tout au long du premier acte, le
réalisme psychologique – on verra Ernesto
désespéré s’enivrer au comptoir –
néglige les situations données, les significations et le
tissu musical qui leur sont liés. Ce choix d’un commerce
ouvert sur une place entraîne force allées et venues et un
ballet de serveurs dont l’insistance se veut comique sans y
parvenir ; c’est une nouvelle démonstration de ces
choix étranges qui semblent relever chez certains maîtres
d’œuvre d’une profonde défiance à
l’égard de l’œuvre qu’ils doivent servir.
Fort heureusement, Evelino Pido ne néglige pas les
données de la partition. Le délicat équilibre
requis entre verve et suavité est assez vite trouvé, et
hormis quelques accords couvrant presque le plateau, c’est une
version honnête que l’Orchestre de la Suisse romande donne
à entendre, avec de bonnes prestations de cordes subtiles et de
vents bien contrôlés. Bien préparés, les
choristes s’acquittent avec panache de leurs interventions.
Pour ses débuts à Genève, Patrizia Ciofi campe une
Norina pleine d’aplomb, portant le costume avec grâce et se
jouant des agilités du rôle. Remplaçant Juan Jose
Lopera dans le rôle d’Ernesto, Norman Shankle n’a pas
grand relief vocal et évite avec soin les suraigus qui
permettraient de briller. Dulcamara convaincant scéniquement,
Marzio Giossi l’est un peu moins vocalement à cause des
passages virtuoses. C’est évident lorsqu’il
chante auprès de Simone Alaimo, beaucoup mieux armé dans
ce domaine, même si la rapidité de celui-ci bouscule
parfois la clarté du discours. Regrettons, du reste, que le
timbre des voix soit si voisin ; une différenciation plus
nette aurait rendu leurs échanges plus colorés.
Ce Don Pasquale est une
réussite, sur le plan de la cohérence scénique et
vocale. Cependant, nous sera-t-il permis de dire qu’il n’a
pas semblé assez décrépit ? Il faut en faire
un vieux débris pour rendre cocasses ses
prétentions ; sinon, elles ne sont qu’odieuses ou
pathétiques, et on sort de l’opera buffa.
Le public, dans sa majorité, n’a pas éprouvé
nos réticences et a longuement applaudi les interprètes,
plus particulièrement le chef, Norina et Don Pasquale.
Maurice SALLES
|
|