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PARIS
28/04/2008
© Elizabeth Carecchio
Pascal DUSAPIN (1955)
ROMÉO & JULIETTE
Opéra en neuf numéros
Livret d’Olivier Cadiot
Création, juillet 1989 à Montpellier, Festival de Radio France
Mise en scène, Ludovic Lagarde
Scénographie, Ludovic Lagarde et Christian Vasseur
Dramaturgie, Marion Stoufflet
Costumes, Christian Lacroix
Lumières, Sébastien Michaud
Conception sonore, Gilles Grand
Diffusion sonore, Ircam
Roméo 1, Jean-Sébastien Bou
Roméo 2, Marc Mouillon
Juliette 1, Karen Vourc’h
Juliette 2, Amaya Dominguez
Bill, Laurent Poitrineaux
Clarinette solo, Philippe Berrod
Quatuor vocal, Caroline Chassany, Valérie Rio
Jean-Paul Bonnevalle, Paul-Alexandre Dubois
Chœur Accentus
Laurence Equilbey
Orchestre de Paris
Alain Altinoglu
Paris, opéra comique, le 28 avril 2008
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À quoi bon la révolution ?
À l’instigation de Bill (alias William) qui mène le
jeu, assisté de son double musical clarinettiste,
l’opéra se déroule en deux mi-temps de quatre
phases. Elles encadrent une pièce d’orchestre : la
révolution. Une révolution qui n’aura rien
résolu puisqu’elle ne sera finalement
« qu’une histoire triste à
admettre…ridicule… »
Composé pour les célébrations du bicentenaire de
1789, par un musicien de trente-quatre ans - Pascal Dusapin -,
associé à un écrivain de la même
génération - Olivier Cadiot -, cet opéra
résonne de manière plus grave aujourd’hui. Ses
auteurs nourris de la musique de Xenakis, de la philosophie de Deleuze
et du cinéma de Godard davantage que des opéras de Verdi
ou de Wagner ambitionnaient avant tout de créer un drame, non
entre des personnages, mais entre un texte et une musique qui
s’aimeraient sans pouvoir s’unir. Une recherche très
libre, de forme classique par certains côtés.
Unité de temps, unité de lieu. L’action se
déroule entre le lever et le coucher du soleil quelque part sur
la terre, sous un immense saule pleureur abritant une sorte de
plateforme métallique à balustrade (le balcon ?).
Roméo et Juliette, en doubles exemplaires, incarnent le
désir humain de chanter et de faire ensemble et l’amour et
la révolution.
La mise en scène inventive de Ludovic Lagarde
traduit avec une grande fraîcheur, le climat ludique,
l’humeur joyeuse, mais néanmoins sérieuse, qui
anime ces deux jeunes couples dans leur quête ardente et
légère à la poursuite du bonheur. Tandis que les
lumières sombres, éclatantes ou fluorescentes de
Sébastien Michaud et le style raffiné des costumes de Christian Lacroix concourent à la réussite visuelle.
© Elizabeth Carecchio
Bill fait la preuve mathématique que de A à Z, tout
va mal. La révolution est décidée ! Il tombe
alors une grêle de mots haïssables comme
« Argent… Appropriation…
Despotisme… ». Rebondissant comme des balles, telle
une tournoyante tornade, ces vocables enchevêtrés,
projetés par ordre alphabétique, surgissent en flou avant
de s’inscrire lisiblement sur fond transparent dans une
typographie blanche “extra light“. Un effet surprenant,
très réussi.
Quoiqu’expérimentale, la musique n’a rien de
très novateur et l’on remarque au passage certaines
influences, notamment celle de Chostakovitch. L’orchestration
mixe habilement aux divers pupitres, sonorisation, voix a capella,
parlando et chuchotements. Alternativement, l’anglais et le
français sonnent juste et clair. Les instruments chantent. Le
ton est martial, liturgique, factuel, lyrique… Alain Altinogu,
complice de longue date de Pascal Dusapin, ne laisse rien à
désirer et l’orchestre de Paris le suit à la lettre.
Du Chœur Accentus, dirigé avec maestria par Laurence Equilbey,
aux chanteurs solistes, en passant par l’expressif quatuor vocal,
superbement synchronisé, qui commente l’action, tous
servent la musique comme le théâtre.
Particulièrement bien chantants : le bouillant baryton, Jean-Sébastien Bou, Roméo 1, et surtout la soprano Karen Vourc’h —
voix ronde et timbre caressant — qui se montre en Juliette 1
d’une sensualité de bon aloi délicieuse. Parmi ceux
qui chantent, n’oublions pas Philippe Berrod,
premier clarinettiste solo de l’orchestre de Paris qui
démontre sur scène sa virtuosité, dans les
différents registres de son instrument. Quant au comédien
Laurent Poitrenaux, il est un maître de cérémonie satisfaisant.
Incontestablement, du beau travail.
Brigitte CORMIER
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