les concerts de Forum Opera
Ernani
(07/10/01) |
Mise en scène Jean-Claude AUVRAY Décors Rudy SABOUNGHI Costumes Chiara DONATO Chorégraphie de Choeurs Vanessa GRAY Lumières Laurent CASTAINGT Chef des choeurs Edouard RASQUIN Elvira Barbara HAVEMAN
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L'Opéra
Royal de Wallonie a décidé cette saison d'explorer quelques
chefs d'oeuvres du belcanto romantique, ainsi on retrouvera outre cet Ernani,
une Sonnambula en version de concert et des Puritains dirigés par
l'extraordinaire Giuliano Carella. Cette politique quelque peu conservatrice
(très peu d'opéras modernes, pas de musique ancienne) trouve
sa justification dans un paysage lyrique belge essentiellement tourné
vers la modernité. Sans cracher sur les saisons du Théâtre
Royal de la Monnaie et du Vlaamse Opera qui tous deux font des miracles
avec des budgets relativement étroits, ce que nous offre l'Opéra
Royal de Wallonie est non seulement rafraîchissant mais permet à
un certain public de se familiariser avec des musiques fabuleuses.
Ainsi l'Ernani de Giuseppe Verdi, qu'on a rarement le plaisir d'entendre, est sans aucun doute l'aboutissement heureux d'une tradition belcantiste dont Verdi lui-même allait exploser les limites. C'est également la première collaboration (indirecte) entre Verdi et Victor Hugo. Le drame de Victor Hugo reprend absolument tous les oukases du genre, à savoir : un homme amoureux d'une Dame bien comme il faut, un amant jaloux (là en l'occurrence, on nous en offre deux) et vengeur (s'il est vieux et laid c'est encore mieux) et une fin terriblement dramatique et poignante. Ainsi on se souvient de Triboulet découvrant que c'est sa fille qu'il a envoyé dans l'au-delà, de Lucrèce Borgia qui empoisonne son propre fils et de Marie Tudor envoyant, par étourderie, son amant au supplice !Ý Dans Ernani, un jeune brigand tombe amoureux d'Elvira qui éveille déjà les passions de deux redoutables grands d'Espagne : le vieux Silva, légèrement cacochyme et Don Carlo, rien de moins que le Roi qui - au cours de l'intrigue - deviendra Charles Quint ! Evidemment tout ce petit monde s'empoigne, se maudit, s'éperd en de poignants discours et finit par se tuer (enfin, c'est uniquement le cas d'Ernani). Drame sanglant, certes, qui manipule avec assez peu de finesse les passions les plus furieuses de l'âme humaine, mais qui introduit un élément relativement rare dans la dramaturgie de l'époque : le pardon. En effet Don Carlo, apprenant qu'il est empereur, décide de se consacrer entièrement à sa fonction et laisse Ernani lui chiper la belle.Ý La distribution réunie par l'Opéra Royal de Wallonie est très nettement dominée par les deux voix graves, à commencer par un Paata Burchuladze qui n'a rien perdu de sa superbe depuis son enregistrement studio avec Bonynge en 1984. Eduard Tumagian quant à lui est un magnifique baryton Verdi qui par certains aspects rappelle Sherill Milnes (voix tranchante, aigus éclatants), il fait certainement partie des meilleurs Don Carlo du moment. Le couple d'amoureux (Barbara Haveman et Zwetan Michaïlov) quant à lui ne démérite pas, même si tous deux gagneraient à orner leurs cabalettes avec un peu plus d'originalité (et de précision !) ce problème mis à part, leur engagement dramatique et vocal est admirable. Point faible de ce spectacle, la direction honteuse d'Alain Guingal qui se montre tout à fait incapable de tenir son orchestre, les vents - surtout au premier acte - sont d'une imprécision désastreuse et les pizzicati du prélude sont noyés dans un nuage orchestral excessivement terne. Ajoutons à cela un sens inné de la coupure (les cabalettes, par exemple, sont systématiquement amputées de leurs da capi) qui à l'heure actuelle relève d'un amateurisme navrant. La mise en scène, sobre et classique de Jean-Claude Auvray souligne l'action avec bon goût, tout juste reprochera-t-on à Chiara Donato d'avoir emballé les choeurs du dernier acte dans des costumes qui rappellent curieusement les bonbons quality street.Ý En somme, c'est un spectacle rare
et très agréable qui ouvre la saison de l'Opéra Royal
de Wallonie, saison qu'on espère d'un égal niveau !
Camille de Rijck
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