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PARIS
13/12/2007
Sir John Eliot Gardiner & l'Orchestre Révolutionnaire & Romantique
© DR
Emmanuel Chabrier (1841-1894)
L'Etoile
Opéra Bouffe en 3 actes
Livret d’Eugène Leterrier et Albert Vanloo
Créé au Théâtre des Bouffes Parisiens le 28 novembre 1877
Mise en scène : Macha Makeïeff et Jérôme Deschamps
Décors et Costumes : Macha Makeïeff
Lumières : Dominique Bruguière
Mouvements chorégraphiés : Alice Crousset
Lazuli : Stéphanie d’Oustrac
La Princesse Laoula : Anne-Catherine Gillet
Aloès : Blandine Staskiewicz
Le Roi Ouf 1er : Jean-Luc Viala
Hérisson de Porc Epic : Christophe Gay
Siroco : Jean-Philippe Lafont
Tapioca : François Piolino
Comédiens : Jean-Marc Bihour,
Philippe Leygnac et Patrice Thibaud
The Monteverdi Choir
L’Orchestre Révolutionnaire et Romantique
Direction musicale, Sir John Eliot Gardiner
Opéra Comique, le 13 décembre 2007
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Suivez votre bonne étoile
C’est une soirée évènement à l’Opéra Comique ! (1)
On fête la renaissance de cette maison d’opéra,
après la parenthèse Jérôme Savary. Et
c’est un plaisir de retrouver cette jolie petite salle à
l’italienne et son acoustique quasi idéale.
Cette soirée d’ouverture est l’œuvre commune de Jérôme Deschamps, nouveau maître des lieux, et de Sir John Eliot Gardiner. L’Etoile
est en effet emblématique du chef d’orchestre
britannique : il l’avait
« ressuscitée » (2)
lors d’une série de représentations à Lyon
puis à l’Opéra Comique en 1984, alors qu’elle
n ‘avait plus été représentée en
France depuis 1941. Il prend un plaisir évident à diriger
cet opéra bouffe et ce plaisir est visiblement partagé
par son fringant orchestre Révolutionnaire et Romantique.
L’intrigue est passablement délirante. Le roi Ouf 1er
recherche une victime pour le sacrifice qui viendra couronner sa
fête (la saint Ouf) le lendemain, fête au cours de laquelle
il doit épouser la princesse Laoula, fille du roi d’un
royaume voisin. Mais en vain, car le peuple se méfie et ne
cède pas aux provocations du roi... Le sacrifice est
compromis ! Le roi passe son dépit sur son astrologue
qu’il accuse de prévisions frelatées. Pour
remédier à cela, le roi a inséré une
nouvelle clause dans son testament : l’astrologue
périra un quart d’heure après le
décès de son roi. Voilà qui devrait motiver un peu
le fainéant !
Au même moment arrive en ville dans le plus grand secret
l’ambassade menée par Hérisson de Porc Epic,
accompagné de sa femme Aloès, de Tapioca son
secrétaire et de la princesse Laoula. Il fait passer Laoula pour
sa femme, et tous voyagent incognito sous le déguisement de
représentants de commerce.
Ils croisent Lazuli, un jeune colporteur, qui tombe fou amoureux de
Laoula au premier regard. Il est donc désespéré et
ulcéré lorsqu’il apprend que cette dernière
est déjà mariée à Hérisson de Porc
Epic. Dans sa colère, il soufflette un homme qui
l’importune… or cet homme n’est autre que le roi qui
a ainsi enfin trouvé sa victime pour le sacrifice !
Le moment du sacrifice par le pal arrive, mais le grand astrologue
interrompt bientôt la cérémonie,
révélant au roi que son destin est lié à
celui de Lazuli : si celui-ci meurt, le roi mourra dans les 24
heures… Evidemment les quiproquos vont s’enchaîner,
aboutissant au final à l’adoption de Lazuli par Ouf 1er.
Le colporteur devenu héritier du roi pourra enfin épouser
la princesse Laoula.
Sans toujours atteindre la verve offenbachienne, la partition
recèle certains morceaux savoureux, tel le lamento de Laoula
racontant son bonheur perdu. L’air qui pourrait être
poignant bascule brusquement dans la bouffonnerie par un retentissant
« et puis crac ». Et comment passer sous silence
la scène du pal … qui ne fait certes pas dans la dentelle
mais qui recèle un certain potentiel comique, la foule rythmant
par son chant la lente montée du pal.
La mise en scène de Jérôme Deschamps et Macha
Makeïeff s’appuie sur un dispositif scénique simple,
un fonds bleu (étoilé cela va de soit) sur lequel
s’interposent des panneaux représentant grille,
décor de palais… L’époque est
indéterminée avec un chœur coiffé
façon beatles, des tenues un rien
« Deschien ».
Comme on pouvait s’y attendre, les Deschamps ont invité
quelques uns de leurs comédiens habituels. Leur humour burlesque
fait de mimes, de bruits incongrus, d’imitations s’inscrit
plus ou moins bien dans l’œuvre, certaines interventions un
peu longues (3) interrompant le cours du spectacle.
Pourtant, au final, l’impression dominante est que le spectacle
reste paradoxalement trop sage, les Deschamps semblant avoir
bridé leur fantaisie habituelle. (4)
Les chanteurs ne sont pas en cause, tous sans exception faisant preuve d’un engagement scénique remarquable.
Même les « petits » rôles sont
luxueusement distribués, avec notamment un couple
adultère Aloes/Tapioca idéal (la voix opulente de Blandine Staskiewicz se mariant à la perfection au timbre clair de François Piolino dans la scène des baisers). Le Hérisson de Christophe Gay
manque peut-être juste d’un peu d’autorité
vocale pour être vraiment crédible en ambassadeur
despotique.
Le Roi et son Astrologues sont également excellent. Jean-Luc Viala
prête sa voix puissante (un rien raide au début de la
représentation) au roi Ouf 1er, composant avec jubilation un roi
veule et pathétique. Jean-Philippe Lafont ne peut cacher le poids des ans sur sa voix qui manque aujourd’hui cruellement de legato. Mais par ailleurs quelle présence, quel sens comique dans les dialogues !
Anne-Catherine Gillet
avec son timbre clair et juvénile et sa voix bien
projetée campe une Laoula délicieuse, jeune fille
rêveuse mais qui sait ce qu’elle veut.
Reste une déception de taille. Scéniquement Stéphanie d’Oustrac
est un Lazuli frondeur et malicieux, mais la chanteuse est ce soir dans
une nette méforme vocale. Dès son premier
air « Ma petite étoile » la chanteuse
est à la peine, les aigus sont atteints à
l’arrachée, la ligne de chant bousculée. Souhaitons
pour cette très attachante artiste que ce ne soit qu’une
fatigue passagère…
Mais bien que le spectacle n’offre pas toute la jubilation
qu’il semblait promettre, ce n’est pas une raison de
s’en priver : suivez cette Etoile sans hésiter, vous passerez une très bonne soirée !
Antoine Brunetto
Notes
(1) Soirée d’ailleurs très mondaine… Le tout Paris était là !
(2) Le spectacle a fait l’objet d’un enregistrement chez EMI .
(3) On peut citer le médecin tremblotant qui examine Lazuli pour vérifier qu’il est en bonne santé.
(4) Jérôme Deschamps et Macha Makeïeff seront accueillis par quelques sifflets aux saluts.
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