C O N C E R T S 
 
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GENEVE
(Grand Théâtre)
 
EUGENE ONEGUINE

scènes lyriques en trois actes et sept tableaux, 
de Piotr Ilitch TCHAÏKOVSKI

Livret de Piotr Ilitch Tchaïkovski 
et Constantin Chilovski 
d'après le poème d'Alexandre Pouchkine

Production de l'Opéra de Nancy et de Lorraine 
et de l'Esplanade-Opéra de Saint-Etienne

Madame Larina : Valérie Marestin
Tatiana : Alexia Cousin
Olga : Sophie Pondjiclis
Philippievna : Birgitta Svenden
Onéguine : Laurent Naouri
Lenski : Marius Brenciu
Grémine : Michail Schelomianski
Monsieur Triquet : Alexandre Krawetz
Zaretski : Slobodan Stankovic
Un capitaine : Dimitri Tikhonov

Direction musicale : Louis Langrée
Mise en scène : Alain Garichot

Décors : Elsa Pavanel
Costumes : Claude Masson
Lumières : Patrice Trottier
Chorégraphie : Cookie Chiapalone
Direction des études musicales : Henri Farge

Orchestre de la Suisse Romande
Chúurs du Grand Théâtre de Genève, direction Ching-Lien Wu

(25 Juin 2002)



Eugène Onéguine clôturait la saison 2001-2002 du grand Théâtre de Genève, saison, dont on peut, pour le moins, dire qu'elle fut placée sous le signe de la douche écossaise. Alternant les désastres (une Maria di Rohan calamiteuse, une Manon Lescaut sans éclat) avec les succès (Lady Macbeth de Mzensk, des Contes d'Hoffmann superlatifs, un Crépuscule des dieux, derniers feux de l'ère Auphan), Jean Marie Blanchard a orienté résolument ses projets de façon thématique avec à l'horizon un cycle d'opéras russes et une série d'oeuvres post romantiques.

L'oeuvre phare de Tchaïkovski n'avait pas été représentée à Genève depuis 1986 dans une mise en scène de Johannes Schaaf. La production proposée aujourd'hui, en fait une coproduction avec Saint Etienne et Nancy-Metz, est mise en scène par Alain Garrichot. Le moins que l'on puisse dire est qu'elle ne révolutionnera pas la vision que l'on avait du dandy cynique et séducteur. Respectant l'unité de lieu pendant les deux premiers actes (une forêt de bouleaux symbolisée par des troncs d'arbres nus verticaux), Garrichot conserve volontairement l'aspect naturaliste de l'oeuvre avec des costumes et des danses typiquement slaves. Au dernier acte, lors de la scène du bal, la forêt laisse place à une scène totalement nue, seulement occupée par les choeurs et les protagonistes. Les choeurs, dont le visage est masqué, encerclent Onéguine, le rendant prisonnier de sa propre attitude, et de sa propre destinée. Seule Tatiana lui laissera, l'espace d'un instant, l'espoir d'échapper à son propre cynisme.

Musicalement, l'orchestre de la Suisse Romande était dirigé d'une manière très rigoureuse par Louis Langrée. Faisant ressortir avec acuité les chatoiements typiquement slaves de la partition, le chef réussit à rendre distincts les moments d'aparté, si caractéristiques de la musique de Tchaïkovski et si difficiles à réussir sur scène. La partie chorale, très développée, est interprétée, comme toujours, avec brio par les choeurs du Grand Théâtre. Sur le plan des solistes, nous sommes à la fête !! Si l'Olga de Sophie Pondjiclis et la Larina de Valérie Marestin paraissent sans grand relief, le reste de la distribution est de très haut niveau.
La nourrice de Birgitta Svenden fait entendre une superbe voix de contralto, et réussit à faire passer dans ses brèves interventions toute la tendresse qu'elle éprouve pour Tatiana.
Le Lenski séduisant et raffiné de Marius Brenciu révèle toute sa sensibilité dans son grand air, juste avant la scène du duel. Déjà entendu à Tours dans le même rôle, l'Onéguine de Laurent Naouri a considérablement approfondi sa conception. La voix du baryton, glaciale aux deux premiers actes, presque sèche, trouve au dernier actes des couleurs mordorées, une justesse de ton et des accents désespérés trouvant leur apogée dans la scène finale, où l'engagement du chanteur ne cède à aucun moment à l'histrionisme. La voix, de plus en plus belle, est conduite avec beaucoup de véhémence et d'expressivité.

Le superbe Prince Grémine de Michail Schelomianski nous a littéralement ébloui le temps de son air, si bref. Pendant un instant, le temps s'est arrêté. Sûr de lui, comme en apesanteur, la classe de l'interprète et la beauté de sa voix lui ont valu un triomphe considérable. A noter la jeunesse de l'interprète, ce qui nous change des Grémine mûrs et, partant, renouvelle la conception du rôle.

Le phénomène vocal que constitue Alexia Cousin nous a laissé sans voix. Habituée de la scène genevoise (Micaela au pied levé, Mélisande, 3eme Norne) la soprano française a littéralement conquis l'auditoire par son interprétation. Le contraste entre la maturité vocale et musicale de la chanteuse et son physique de petite fille ne laisse pas d'étonner, et laisse même sourdre un certain sentiment d'étrangeté. Parfaitement crédible physiquement (idéale ?), la largeur et la puissance de la voix ne l'empêchent pas d'aligner de superbes pianissimi et une interprétation hors du commun. Celle-ci trouve son apogée dans la scène de la lettre, fiévreuse, habitée, rendant évidents les tourments et les hésitations de cette enfant. Devenue adulte dans le troisième acte, Alexia Cousin trouve dans la scène finale des accents tragiques accentués par des fortissimi parfaitement maîtrisés. Une interprète de grande classe.
 
 

Yann Salaün
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