Un
Faust - presque - intégral
Cela faisait bien des années
que le public madrilène n'avait pu voir le Faust de Gounod.
Cette production fut créée à Zürich en 1997.
Le décès de Götz Friedrich en 2000 a laissé la
réalisation de la scénographie aux mains de Claudia Blersch
et le Teatro Real a voulu rendre hommage au metteur en scène disparu
en lui consacrant une exposition dans ses murs pendant les représentations.
La mise en scène mêle
les éléments traditionnels avec d'autres plus modernes ou
atemporels. Par exemple, pendant la valse de l'acte II, des couples de
danseurs professionnels en habit et robe longue donnent une touche viennoise.
En revanche, la nuit de Walpurgis voit réunis des pom-pom girls,
des drag-queens, un jongleur debout dans son cercueil et des danseurs
underground. Les costumes pourraient être des années 1910
ou 1920, mais la maison de Marguerite est un cube transparent entouré
de fleurs artificielles et, pendant tout l'acte II, de grands panneaux
pivotent selon un axe circulaire.
Au crédit d'Alain Guingal, chef
correct, on mettra le rétablissement de passages souvent coupés
: nous entendrons ainsi le deuxième air de Marguerite "Il ne revient
pas", suivi du deuxième air de Siébel "Si le bonheur" et
du récitatif précédant le retour des soldats - dont
un certain nombre reviennent en fauteuil roulant. Le chef rétablit
aussi des passages coupés du trio final, coupe le "Doux nectar"
de Faust à Walpurgis, mais greffe à la place le dernier mouvement
du ballet ("La danse de Phryné"), propice à toute bacchanale
effrénée. Orchestre et choeur s'en sortent honorablement.
La première distribution propose
Aquiles Machado en alternance avec Richard Leech. De son maître,
Alfredo Kraus, il a le timbre nasal et le souci de la ligne de chant, mais
il n'a pas la sûreté des aigus. Le contre-ut de la cavatine
est raté et aussitôt détimbré. Il sera d'ailleurs
annoncé souffrant après l'entracte. Robert Hale a chanté
Méphisto sur presque toutes les scènes ; il compose un diable
de tradition, ricanements d'histrion inclus. La diction est acceptable
et la voix, après une si longue carrière, passe toujours
la rampe. Jean-François Lapointe assure un Valentin de bonne tenue,
tout comme le Siébel de Lola Casariego et la Marthe de Mabel Perelstein.
Reste la Marguerite de Mariella Devia.
Le phrasé est soigné dans les moindres détails, les
aigus ne lui posent évidemment aucun problème, la musicalité
est parfaite, mais le médium est sourd et les graves presque inaudibles.
D'une manière générale, la voix manque de corps et
l'artiste demeure trop concentrée sur le sort qu'elle veut réserver
à l'octave grave de sa tessiture.
Ce Faust, presque complet, laisse
un souvenir mitigé.
Valéry Fleurquin
Photographies de la production sur
le site du Teatro
Real de Madrid ou sur le site et Birgit
Popp