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GENES
20/01/2006
Roberto Servile e Daniela Barcellona © DR
Gaetano DONIZETTI (1797-1848)
LA FAVORITE
Opéra en quatre actes
Livret de Royer et Vaëz, et Scribe
Mise en scène, Lamberto Puggelli
Assistants, Grazia Pulvirenti, Pier Paolo Zoni
Décors, Paolo Bregni
Costumes, Carlo Savi
Assistante aux costumes, Carla Ricotti
Eclairages, Vinicio Cheli
Leonor de Guzman : Daniela Barcellona
Elizabeth Bishop (25 et 28 janvier)
Fernand : Giuseppe Filianoti,
Dario Schmunck (25, 28, 31 janvier)
Alphonse XI : Roberto Servile,
Gabriele Viviani (25, 28, 31 janvier)
Balthazar : Giovanni Battista Parodi
Don Gaspar : Aldo Bottion
Ines : Eleonora Contucci,
Rossella Bevacqua (25, 28, 31 janvier)
Un seigneur : Paolo Cauteruccio
Orchestre du Teatro Carlo Felice
Riccardo Frizza
Production du Teatro Donizetti de Bergamo
Gênes, le 20 janvier 2006
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Après
la trilogie des opéras de Mozart sur les livrets de Da Ponte en
octobre et novembre, un mois de décembre consacré
à des concerts – Wagner et Vivaldi – ainsi
qu’à la danse avec La Belle au bois dormant – le Teatro Carlo Fenice de Gênes accueille en janvier une production de La Favorite venue du Théâtre de Bergame, la cité natale de Donizetti .
Créée à l’Opéra de Paris le 2
décembre 1840, composée à la hâte à
partir – pour l’essentiel - de musiques déjà
écrites pour d’autres œuvres , L’ange de Nisida, Le Duc d’Albe et Adelia,
la partition connut aussitôt le succès, et fut rapidement
adoptée en Italie dès 1842. La version italienne
accentuait le côté dramatique en faisant du
supérieur du monastère le père biologique de
Fernand, mais également celui de l’épouse
d’Alphonse XI et modifiait donc les motivations des personnages.
L’œuvre n’avait plus été à
l’affiche depuis 1968 ; c’est dire
l’intérêt avec lequel elle était attendue,
d’autant qu’elle est donnée dans la version
originale en français, comme cela devient la règle depuis
la « Donizetti Renaissance » commencée au
milieu du XX° siècle et institutionnalisée par la
création d’un festival consacré au compositeur
à partir de 1982 à Bergame.
Le rôle de Leonora, de Fernand et d’Alphonse XI,
écrits respectivement pour mezzo-soprano, ténor et
baryton, réclament des interprètes dotés
d’agilité et d’extension dans le registre aigu. La
distribution réunie à Gênes était excitante,
avec trois noms fameux. L’onction du festival Donizetti donnait
à la production le prestige d’un spectacle de
qualité, avec de beaux costumes, de beaux éclairages,
bref, tout l’apparat requis pour représenter un
« grand opéra » à la
française.
Las, deux jours avant la fête espérée, le syndicat
SNATER décida de faire grève, si bien que la
première, ce 20 janvier, a été donnée sans
le concours des chœurs en version de concert. Malgré la
frustration prévisible le public, auquel la direction avait
offert de choisir une autre date, est venu nombreux et
élégant. Il a fait un beau succès à toute
l’équipe, à commencer par l’orchestre, qui
dès le prélude, sous la direction vigilante de Riccardo
Frizza, se montre homogène et réactif ; il soutient
les chanteurs dans un délectable équilibre sonore qui
restera impeccable jusqu’à la fin.
On voudrait, compte tenu de ce contexte, n’avoir que des louanges
à adresser au plateau . Force est pourtant d’avouer que
quel que soit le talent des uns et des autres, la prononciation du
français a laissé pour nous beaucoup à
désirer. Dans ces conditions, comment apprécier
pleinement les prestations vocales ?
Eleonora Contucci frappe plus l’attention par sa plastique
séduisante que par l’emprise d’une voix
légèrement acide dans l’extrême aigu et aux
graves plutôt étouffés. Le vétéran
Aldo Bottion est un Gaspar qui ne démérite pas. La jeune
basse Giovanni Battista Parodi a dans sa voix l’autorité
du père supérieur, et sa diction est parmi les
meilleures ; à aucun moment on ne sent l’effort.
Dans le rôle d’Alphonse XI, Roberto Servile affronte un
rôle qui requiert lyrisme, extension dans l’aigu et
souplesse et il n’esquive rien. Malheureusement son chant est
alourdi d’engorgements fréquents qui lui ôtent une
bonne partie de l’ingénuité nécessaire pour
être ce souverain passionné mais aveugle sur les rapports
de force politiques au point de croire qu’il pourra
répudier la reine et couronner sa favorite . Reste
l’impression d’une force peu nuancée.
Giuseppe Filianoti, huit ans après ses débuts
retentissants dans Dom Sebastien, du même Donizetti, incarne un
Fernand juvénile et sensible à souhait ;
après un aigu incertain à la fin de son premier air, il a
surmonté toutes les difficultés de la partition en
réussissant à faire vivre l’adolescent naif et
entier malgré l’absence du support scénique .
Homogénéité et franchise de
l’émission, sans rien de nasal ou d’assourdi, un
régal, d’autant que la prononciation n’était
pas trop mauvaise.
Comme lui, Daniela Barcellona donne chair à sa Leonora, qui
vibre sur scène dès son entrée et resplendit dans
la cabalette fameuse du "O mon Fernand" . Il n’y a
rien à désirer pour ce qui est de l’étendue,
de l’expressivité, de l’agilité, ni
même dans l’usage justement mesuré des sons
poitrinés. C’est bien une grande dame éperdument
amoureuse et amèrement contrainte par sa position humiliante que
la mezzo triestine d’abord connue pour ses rôles en
travesti incarne pleinement. Ce souci interprétatif sur le plan
dramatique entraîne du reste que certains aigus semblent un peu
criés. Mais pour éprouver la félicité
manifestée par le public peut-être eût-il fallu
n’être pas français.
Maurice Salles
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