C O N C E R T S 
 
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PARIS
27/06/03

Ludovic Tézier (Griaznoï) - © Marie Noëlle Robert
LA FIANCÉE DU TSAR

Opéra de Nikolaï Rimski-Korsakov
Livret d'Ilya Tiouménev, d'après Lev Mey
 

Mise en scène : Temur Tchkeidze
Décors : Georgi Alexi-Meskhishvili
Costumes : Georgi Alexi-Meskhishvili
Lumières : Niclas Simonin

Lioubacha : Elena Manistina
Grigori Griaznoï : Ludovic Tézier
Vassili Sobakine : Denis Sedov
Marfa, sa fille : Olga Trifonova
Elisseï Bomélius : Felix Livshitz
Maliouta Skouratov : Albert Schagidullin
Ivan Lykov : Mikhaïl Davidoff
Domma Sabourova : Irina Dolchenko
Douniacha : Nona Javakhidze
Petrovna : Anne Royer

Choeurs et orchestre de l'Opéra de Bordeaux

Direction : Hans Graf

Paris, Théâtre du Châtelet, le 27 juin 2003


UNE SOIRÉE EMPOISONNANTE
 

Le Théâtre du Châtelet clôt son intéressante Saison Russe par cette production de l'Opéra de Bordeaux dans le cadre de son excellent Festival des Régions qui, depuis quelques saisons, nous permet de découvrir quelques uns des meilleurs spectacles de Province (1) .

Après Le Démon, La Fiancée du Tsar est une autre rareté que nous permet de découvrir le Châtelet. On ne fera pas la moue devant cette production : personnellement, je préfère découvrir une nouvelle oeuvre, fût-elle mineure, que de subir les éternelles Nozze di Figaro dans une distribution de routine.

Il faut toutefois admettre que la passion du mélomane curieux est rudement mise à l'épreuve par cet ouvrage.

L'action met en scène Griaznoï, un membre de la garde personnelle du Tsar, amoureux de Marfa, destinée à Lykok. Griaznoï a lui même pour maîtresse Lioubacha. Griaznoï va faire préparer par Bomélius un philtre d'amour qu'il destine à Marfa : Lioubacha surprend ses plans et, après une explication orageuse, décide de se venger.

A l'acte II, tandis que Marfa se réjouit de retrouver son fiancé Lykov, le Tsar croise son regard et la contemple intensément. Pendant ce temps, entre menace et séduction, Lioubacha obtient de Bomélius (contre une nuit d'amour) que le philtre d'amour devienne poison mortel.

A l'acte III, le Tsar fait réunir les plus belles femmes de l'empire : à la surprise générale (mais pas à la nôtre), il choisit Marfa pour épouse, celle-ci ayant bien entendu absorbé le terrible bouillon préparé par Bomélius.

A l'acte IV, Marfa accueillie au palais, est prise d'un mal profond : Griznoï accuse d'abord son ex-rival Lykov puis, pris de remords, se dénonce, n'imaginant pas l'échange de philtres. Après que Marfa nous a fait une petite scène de folie, Lioubacha avoue son crime : Griznoï la poignarde et demande que la torture lui soit appliquée, juste sanction du mal qui frappe mortellement Marfa.


© Marie Noëlle Robert - Acte IV

Rimski-Korsakov voulait se livrer avec cet ouvrage à une critique du pouvoir absolu. Or, même en pensant à la censure, il faut avouer qu'on est assez loin du compte; on a plutôt l'impression d'un mauvais mélo : mauvais, car à aucun moment les personnages ne gagnent notre sympathie ou même notre intérêt. Nous assistons donc avec une certaine indifférence à ces diverses péripéties.

Musicalement, l'ouvrage est riche en mélodies, l'orchestration soignée : mais c'est le feu d'un Verdi qui manque à ce livret digne de celui du Trouvère. Le premier acte est particulièrement pénible. Ludovic Tézier y brille du mieux qu'il peut et il est absolument irréprochable : voix bien timbrée, très bien projetée, homogène sur la tessiture, ce qu'il faut d'engagement; mais il faut également supporter les interventions, interminables, des choristes (bien chantant d'ailleurs) : l'action semble ne jamais vouloir démarrer.

Heureusement, les choses se corsent à l'arrivée de l'impressionnante Elena Manistina, remplaçant Olga Borodina pour l'ensemble de la série : beauté du timbre, arrogance de l'émission, investissement dramatique, mais sans beaucoup de nuancesÖ Voilà néanmoins une grande artiste, malheureusement desservie par un physique aussi monolithique que son interprétation. 

Felix Livshitz est un docteur véreux détestable à souhait (mais excellent chanteur !) et sa scène avec Manistina ravive notre intérêt.

Après un troisième acte qui sent le remplissage, c'est au tour d'Olga Trifonova de défendre la scène finale : elle n'y parvient pas tout à fait et sa scène de folie, difficile il est vrai, laisse percer pas mal de problèmes techniques.

Dans le rôle assez réduit de Skouratov , Albert Schagidullin est plutôt un luxe.

Qu'est-il arrivé à Denis Sedov ? Vraisemblablement souffrant, celui-ci ne nous délivre que la caricature d'un chanteur : émission précautionneuse, voix grêle, on souffre pour lui ; ajoutez à cela une gestuelle qui rappelle les "pères nobles" dans les ballet de Petipa : mieux vaut jeter un voile sur cette soirée.

Le reste de la distribution est sans reproche : à noter Anne Royer, seconde Française de la distribution, qui ne dépareille pas au milieu d'artistes slaves chevronnées comme Irina Dolchenko et Nona Javakhidze.

Hans Graf tire le meilleur parti possible de l'Orchestre de l'Opéra de Bordeaux, qui n'est pas la Philharmonie de Berlin (c'est entendu), mais qui se sort fort honorablement de cette partition exigeante - du moins pour cette soirée, la dernière, des échos moins favorables m'étaient parvenues des représentations précédentes. Les choeurs sont peu nombreux, mais leur implication suffit pour leur permettre de remplir leur contrat.

Quant à la mise en scène, il est difficile de crier au miracle : les décors et les costumes sentent l'économie, la direction d'acteurs vise le minimum; même avec un budget réduit, on doit pouvoir faire mieux (2) .

Une conclusion en demi-teintes donc pour cette Saison Russe, à l'instar du cycle.
 
 
 

Placido Carrerotti

(1) Malheureusement, cette politique ne nous a pas permis de découvrir les opéras de Massenet courageusement défendus par Patrick Fournillier à St Etienne.
(2) Voir la version "semi-scénique" de Luisa Fernanda donnée au Teatro degli Arcimboldi de Milan en juin.
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