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GLYNDEBOURNE
16/08/06
Leonore (Anja Kampe) & Florestan (Torsten Kerl), Acte II
© DR
Ludwig van Beethoven (1770 - 1827)
Fidelio
Production du Festival de Glyndebourne
Mise en scène, Déborah Warner
Décors & éclairages, Jean Kalman Costumes, John Bright
Leonore, Anja Kampe
Marzelline, Lisa Milne
Florestan, Torsten Kerl
Rocco, Brindley Sherratt
Don Pizarro, Peter Coleman-Wright
Jaquino, Andrew Kennedy
Don Fernando, Henry Waddington
London Philharmonic Orchestra, The Glyndebourne Chorus
Direction musicale, Edward Gardner
Glyndebourne, le 16 Août 2006
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Rendez-vous avec l'excellence
A travers Fidelio, son unique
opéra, c’est sa perception de la vie et surtout son amour
de la liberté que Beethoven nous livre.
Ecrit en 1804, le livret connaît aujourd’hui des résonnances contemporaines douloureuses :
Emprisonné injustement sur les ordres de l’envieux
Pizarro, Florestan subit en prison les pires sévices.
Déterminée à le faire libérer, son
épouse Léonore se déguise en Fidelio,
dévoué serviteur du gardien de la prison, Rocco, dans
l’espoir de pourvoir approcher les prisonniers. La fille de ce
dernier, Marzelline, tombe sous le charme de ce jeune homme bon et
discret.
A force de travail et d’acharnement, Fidelio gagne la confiance
de son supérieur, qui lui donne en mariage sa fille. Cette
dernière, afin de complaire à l’homme qu’elle
chérit tendrement, obtient de son père
l’autorisation tant attendue par Fidelio : descendre
auprès du prisonnier le plus secret et le plus malmené de
la prison.
Malheureusement, cet accord répond à l’ordre
donné par le gouverneur, Pizarro : Rocco et Fidelio doivent
creuser la tombe du prisonnier, exécuté de la
main-même de Pizarro. Bouleversé par l’horreur du
spectacle qui s’offre à ses yeux, Fidelio transgresse les
interdits et apporte eau et pain à son mari agonisant, tandis
que Rocco continue de creuser la tombe. Une fois la sinistre
tâche achevée, Pizarro arrive pour commettre son
méfait. Mais Fidelio s’interpose et révèle
sa véritable identité.
Rebondissement un peu rocambolesque comme seuls les livrets
d’opéra peuvent nous en offrir, le Ministre d’Etat,
Don Fernando fait son entrée au son des trompettes et annonce
l’amnistie des prisonniers. Rocco dénonce Pizarro
auprès de Don Fernando en lui révélant que son ami
Florestan qu’il croyait mort était enchaîné
sur les ordres de l’infâme alors déshonoré.
Il lui narre également le courage exemplaire de son
épouse. Léonore obtient des mains de Fernando les
clés destinées à ôter les chaînes des
pieds de son époux, et Marzelline consternée
réalise que Fidelio est Léonore. Le chœur final,
hymne à la liberté, est alors entonné par tous les
protagonistes.
Rocco (Brindley Sherratt) et Pizzaro (Peter Coleman-Wright)
A l’exception de la scène finale, Fidelio
est une œuvre très intimiste et statique, de facto
très souvent donnée en version concert. Il fallait toute
l’intelligence de Deborah Warner pour créer une
esthétique et une dynamique époustouflante dans la
direction d’acteurs. Principal metteur en scène de la
Royal Shakespeare Company, et collaboratrice régulière de
grandes maisons d’opéra, elle offre à Fidelio
un acte 2 d’une très rare beauté…(Rappelons
tout de même la spécificité de Glyndebourne par
rapport aux autres maisons d’opéra : les chanteurs
bénéficient en moyenne de 6 à 8 semaines pleines
de répétition avec le metteur en scène. Une telle
disponibilité leur laisse évidemment le temps de
s’approprier leur personnage en profondeur et de créer une
réelle connivence entre eux, ce qui se ressent
immédiatement sur scène).
(Marzelline Acte II, Lisa Milne)
Transposée au milieu du 20ème siècle,
l’intrigue de l’acte I se déroule dans une prison,
sur plusieurs étages, assez intemporelle. En fait seuls les
costumes nous révèlent que l’on est en 1945.
Le rideau s’ouvre sur la Marzelline de Lisa Milne, soprano
lyrico-léger aux aigus magnifiques. Les vocalises ne sont pas
d’une précision exemplaire et le medium n’est pas
très puissant, mais la douceur que Lisa Milne fait passer dans
ses piani nous fait oublier ces très légers
défauts. Avec elle, l’écriture de Beethoven devient
quasi-mozartienne, évoquant tantôt Suzanne, tantôt
Pamina : elle livre en toute simplicité la
sincérité de l’amour qu’elle voue à
Fidelio.
Elle est bientôt rejointe par Fidelio, engoncé dans une
large salopette et couvert d’un épais bonnet. Anja Kampe
est un soprano dramatique sonore, au medium et haut medium rond et
intense. Malheureusement, les aigus en extrémité de
tessiture commencent à se faire difficiles, et sont hélas
forcés, quelquefois à la limite de la justesse. Mais son
engagement scénique est tel qu’une fois encore, ces
désagréments deviennent secondaires. Sous la direction de
Deborah Warner, Anja Kampe se révèle une
tragédienne exceptionnelle, dont le visage se
métamorphose au gré des accords. En outre, les aigus de
Fidelio sont majoritairement accompagnés par des accords forte
de l’orchestre, de telle sorte que seule ressortait la couleur de
la voix de Fidelio.
L’acte II s’ouvre sur une cellule noire, totalement
intemporelle. Aucun indice n’est donné. C’est juste
un lieu sordide, un lieu de torture et d’épouvante, qui
pourrait exister à n’importe quelle époque.
Un homme gît au premier plan, Florestan. Sa détresse et sa
souffrance sont immédiatement perceptibles…. La
performance de Tortsen Kerl est tout simplement géniale. Notes
amples rondes et justes d’un bout à l’autre de la
tessiture, aigus naturels soulevés et non
forcés….un régal. Sa performance d’acteur
est à la hauteur de sa prestation musicale : rien à
redire !
En particulier, le duo Florestan-Léonore, lorsque cette
dernière lui apporte un peu de réconfort sans lui
révéler qui elle est, est un pur bonheur, tant
musicalement que scéniquement.
Notons également l’excellent Pizarro de Peter
Coleman-Wright qui visiblement se délectait
d’interpréter le méchant ! Les autres
protagonistes complétaient magnifiquement ce casting de
haut-niveau.
Enfin, rendons grâce au Philharmonique de Londres qui
n’avait pas eu le temps de répéter avec le chef de
la soirée, Edward Gardner. Les premières
représentations avaient été assurées par
Mark Elder.
Le jeune chef anglais n’a pas démérité,
surtout dans les moments délicats (tout en délicatesse,
en dentelle) de la partition, où son interprétation
était littéralement bouleversante. En revanche, dans les
parties plus chargées en accords, en particulier les
chœurs et le chœur final, sa direction manquait un peu de
finesse. Les différents thèmes ressortaient bien, aucun
décalage flagrant avec la scène ne se faisait sentir,
mais Beethoven se transformait tout à coup en
pompier…Mais, encore une fois, c’était le premier
contact du maestro avec l’orchestre ce soir-là, gageons
que sa direction s’est allégée au fur et à
mesure des représentations. Mention spéciale
également au Chœur de Glyndebourne absolument
exceptionnel !
Le public, très jeune ce soir-là, a réservé
un véritable triomphe aux artistes, en particulier à
Léonore, Marzelline, Florestan et Pizarro hué au milieu
des rires pour lui signifier que c’était le personnage qui
était conspué, pas son interprétation, puis
immédiatement ovationné. Déluge
d’applaudissements à l’arrivée du
Maestro…
Une soirée vraiment agréable, comme toujours à
Glyndebourne dont l’excellence artistique est
décidément la marque de fabrique.
Audrey Bouctot
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