Cette
production de Fidelio représentée au dernier festival
de Pâques de Salzbourg a beaucoup fait parler d'elleÖ Arte a retransmis
le spectacle et EMI publié un enregistrement. Alors pourquoi voir
cette reprise à Lyon ?
Pour plusieurs raisons, à commencer
par la distribution complètement renouvelée.
L'Autrichienne Gabriele Fontana effectue
ici une prise de rôle remarquable.
La voix est belle et généreuse,
l'aigu vaillant et rond ( jusque dans l'impossible si final de son air).
Elle vit son rôle comme peu d'artistes peuvent le faire, son interprétation
est émouvante de bout en bout - on attend avec impatience son retour
à Lyon en mars prochain pour le premier acte de la Walkyrie.
Robert Dean Smith est l'étoile
montante de Bayreuth, coutumier des rôles wagnériens. C'est
dire si Florestan doit être dans ses cordes. Vocalement, il assure.
Dramatiquement, il reste en retrait face à l'abattage de Gabriele
Fontana.
(© Gérard Amsellem)
Reinhard Hagen est un Rocco impressionnant
par sa taille, plus fataliste que débonnaire, mais vocalement superbe.
En revanche, Claudio Otelli -Pizarro - est plus raide que vraiment méchant.
La voix est engorgée, son jeu est presque caricatural.
Kurt Gysen rend justice à la
noblesse des quelques phrases de Don Fernando, belle voix, hauteur de ton
: artiste à suivre. Le couple Jaquino-Marcelline fonctionne bien.
Seul bémol : le costume de Claudia
Braun ; il lui donne une allure étrange, en parfait contraste avec
le reste de la distribution. Car l'ensemble est évidemment plutôt
sobre, voire austère, mais nous sommes dans un milieu carcéral.
Tous les protagonistes sont habillés de gris ou de noir, coupes
strictes sans fantaisie. L'uniformité est poussée à
son comble avec les choristes dont les visages sont cachés par des
cagoules couleur chair.
A la création de cette production,
on a beaucoup polémiqué sur la coupure des dialogues. Ils
sont ici remplacés par de très courtes scènes mimées.
Fallait-il les garder ? C'est à voir, il n'y a pas un quart de la
salle qui soit germanophone. Et certains Allemands - Thomas Quastoff en
tête - trouvent ce texte d'une rare platitude, alors à quoi
bon le garder ? D'autant que le résultat est plutôt réussi,
assez crédible, efficace et sobre à la fois.
L'autre grande réussite de cette
production, c'est le dispositif scénique, allié à
des lumières très recherchées. Le metteur en scène,
Nikolaus Lehnhoff, a été l'assistant de Wieland Wagner. Il
propose un décor unique, en acier. La noirceur ambiante est coupée
aux moments clefs de l'action par des éclairages blancs.
Yvan Fisher devait initialement diriger
cette production. Il était le directeur musical de l'ONL jusqu'à
l'arrivée du nouveau directeur général Serge Dorny.
Les deux hommes ne se sont pas entendus,
Fisher a donc claqué la porte et c'est Léopold Hager qui
le remplace pour cette série de représentations. Le chef
autrichien (cheville ouvrière de l'intégrale des opéras
de jeunesse de Mozart chez Philips) est un habitué de ce répertoire
et dirige de façon très vive un orchestre somptueux et un
choeur de très haute tenue.
Olivier DENOYELLE