Juan Diego Florez a le vent en poupe.
Alors qu'il vient de triompher au Met dans Il barbiere di Siviglia, Decca
lui offre un juteux contrat d'exclusivité, assorti d'une campagne
marketing aux ambitions pharaoniques. Le voilà donc en tournée
pour une série de mini-récitals promotionnels à l'attention
de la presse et de quelques invités d'Universal music et de Divento,
nouvelle start-up, produit de Vivendi dont le critique Serge Martin (Le
Soir) nous a longuement fait l'éloge, pour le plus grand plaisir
d'une partie du public, hilare.
Le concert en lui-même fut relativement
bref: quatre airs au programme plus un bis de convenance; pour agrémenter
la soirée nous eûmes donc droit à l'allocution brillante
de Mr Martin ainsi qu'à une interview du jeune ténor péruvien
et d'un speach de l'attachée de presse d'Universal belgium. Les
festivités oratoires terminées Juan Diego entama - avec son
pianiste - la fameuse mélodie de Mozart Ridente al calma; timbre
clair et élégiaque, prononciation approximative et deux trois
petits pas de jeune crooner: voilà la marque de fabrique de Florez.
Il va sans dire que nous nous régalons. Vient l'air de Don Ramiro
de la Cenerentola, toujours accompagné au piano et sans choeur,
Florez entame son air de bravoure sans partition; il le connaît sur
le bout des doigts. La pauvreté de l'accompagnement est vraiment
embarrassante, mais on se pend avec gourmandise aux lèvres de Juan
Diego qui - vraiment - met tout son c(h)oeur à retrouver sa belle.
Quelques bravos et Juan Diego enchaîne sur un air de Zarzuela dont
le titre n'était pas indiqué au programme. Pour finir, après
un petit aller-retour en coulisse, Juan Diego nous interprète le
Cessa di piu resistere, enfin, la cabalette - on se sent légèrement
arnaqué vu que sur le programme il y avait bel et bien marqué
"Cessa di piu resistere"... enfin, personne dans la salle n'a payé,
alors on se contente de tapoter rageusement sur son programme. L'exécutant
est parfait, il enchaîne les vocalises avec une belle rapidité
et ponctue d'un ravissant contre-ut. Comme bis, encore une cabalette, assez
téméraire cette fois vu qu'il s'agit de l'air de Tonio dans
la Fille du régiment et de ses neuf contre-ut. Il manque à
Mr Florez le bel accent espagnol d'Alfredo Kraus pour faire de cet air
un instant de pure jubilation, mais une fois de plus remarquons la technique,
impeccable, le timbre clair(onnant); seul le phrasé fait un peu
défaut. L'école des modeleurs du son, sans doute. Voilà,
terminé, Juan Diego s'envole vers d'autres concerts en nous laissant
entre les mains de Serge Martin qui - Dieu est bon - ne nous a pas donné
de bis.