C O N C E R T S 
 
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POISSY
24/05/02

(J.E. Gardiner) 
 

Carl Maria von Weber 
ouverture d'Obéron

Ludwig van Beethoven
Concerto pour violon

Félix Mendelssohn
A Midsummer Night's Dream

Orchestre Révolutionnaire et Romantique
Monteverdi Choir
Viktoria Mullova, violon
Gillian Keith, soprano

John Eliot Gardiner, direction

Théâtre de Poissy, le 24 mai 2002


John Eliot Gardiner revient à Poissy avec un programme dédié à la musique romantique allemande, qui s'ouvre avec l'un de ses précurseurs, Carl Maria von Weber. Cette saison, le chef britannique a beaucoup dirigé Obéron, dont l'ouverture sonne magnifiquement dans ce théâtre à l'acoustique particulièrement flatteuse. La direction est plus fouillée encore que lors des concerts du Châtelet en mars dernier. Les contrastes entre les différentes sections sont plus accentués ; ainsi, le tempo très lent du début crée un climat de mystère et de poésie (le cor, parfait) qui tranche avec l'allegro con fuoco mené à train d'enfer. La justesse et la précision des vents, si importants dans cette page, font merveille : flûtes et clarinettes aériennes évoquent les elfes avant l'entrée en fanfare des trompettes. Toute la féerie de l'ouvrage - auquel le chef a su restituer son statut originel de Singspiel - est déjà là : l'Orchestre Révolutionnaire et Romantique est en grande forme, et l'on attend avec impatience l'intégrale annoncée.

Avec le concerto pour violon de Beethoven, on pénètre dans un autre monde sans quitter la tonalité de majeur. Le choix de la violoniste Viktoria Mullova est on ne peut plus judicieux : cette artiste éclectique, aussi à l'aise dans Bach et Vivaldi que dans le répertoire romantique (Mendelssohn) ou contemporain (Chostakovich), qui n'hésite pas à flirter avec le jazz (Miles Davis), s'est initiée récemment au violon baroque (et ses cordes en boyaux) avec le même bonheur. Elle tire de son instrument de superbes sonorités pleines et rondes et se joue de toutes les ornementations de l'allegro initial, qu'elle conclut avec une cadence absolument éblouissante. Le larghetto est un sommet : richesse des couleurs et des nuances infinies, trille d'une précision inouïe, sensibilité à fleur d'archet jusqu'à la modulation qui fait le lien avec le rondo final, négociée avec un naturel parfait. Là, l'osmose entre le chef et la soliste atteint son apogée : un moment de pur bonheur ! Dans le dernier mouvement, enfin, la virtuosité étourdissante n'est jamais gratuite. Sir John n'est pas en reste : on connaît son Beethoven profondément humain, jamais démesuré ; il propose de cette oeuvre une interprétation d'une grande lisibilité. C'est à peine si l'on pourrait lui reprocher une direction un peu trop "carrée", dans l'allegro.


(Gillian Keith)

En seconde partie, Le Songe d'une nuit d'été fait écho à l'univers féerique d'Obéron.
L'ouvrage est donné dans une version complète avec tous les mélodrames et les choeurs, et en anglais, ce qui, somme toute, est conforme au voeu du compositeur, qui préférait l'entendre dans la langue de Shakespeare. Point de décalage entre les passages parlés et chantés, interprétés par six jeunes femmes ravissantes : la soprano Gillian Keith au timbre cristallin et cinq membres du Monteverdi Choir. Cette option crée une unité entre les différentes voix ­ parfaitement assorties ­, tandis que le texte est toujours d'une grande intelligibilité. De plus, toutes font preuve d'un art consommé de la déclamation, et leurs dialogues sont pleins de vie et de théâtre. L'orchestre, moins pléthorique que dans les versions "traditionnelles", sonne avec une transparence, une luxuriance de timbres qui valorisent tous les détails de la partition. Si, dès le prélude, l'atmosphère fantastique est créée par le bruissement mystérieux des cordes, si le nocturne est d'une rare poésie avec, là aussi, un cor impeccable, il faut reconnaître que Gardiner a tendance à grossir le trait dans la danse des clowns, trop martiale, tout comme la marche nuptiale, martelée sans la distanciation et l'humour que savait y mettre Harnoncourt (Teldec) : n'accompagne-t-elle pas le cortège de noces ridicules de Titania et Bottom à la tête d'âne ?
Le final remarquablement mis en place, n'appelle aucun reproche.
Un concert magnifique, en dépit des quelques réserves, dont le sommet est le concerto de Beethoven, qui doit beaucoup à l'exceptionnelle Mullova.
 
 

Christian Peter
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