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TOULOUSE
06/03/2008
Vivica Genaux
© Harry Heleotis
CONCERT
Joseph HAYDN (1732-1809)
Symphonie n° 82 en ut majeur « L’Ours »
Gioachino ROSSINI (1792-1868)
Ouverture de La Pietra del Paragone
Cavatine de Clarice
Ouverture de La Gazza Ladra
L’Italiana in Algieri
Airs d’Isabella « Cruda sorte »
et « Per lui che adoro »
Ouverture de L’Ocasione fa il ladro
Il Barbiere di Siviglia
Cavatine de Rosina « Una voce poco fà »
ORCHESTRE NATIONAL DU CAPITOLE
Vivica GENAUX
Direction musicale
Jean-Christophe SPINOSI
Toulouse, le 6 mars 2008
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Chic et toc ?
Dernière de la série des six symphonies écrites
par Haydn pour l’orchestre du « Concert de la Loge
Olympique » à Paris cette œuvre termine en
beauté le cycle conçu pour un ensemble imposant de
musiciens dont certains jouent en dilettantes sans le céder en
virtuosité aux professionnels. Elle évolue d’un
premier mouvement vivace assai jusqu’au final vivace en passant par un allegretto et un menuet, de quoi varier les rythmes et les couleurs.
Les musiciens de l’Orchestre National du Capitole
donnent dès le début la pleine mesure de leur talent en
suivant avec une homogénéité et une
précision splendide Jean-Christophe Spinosi,
qu’ils connaissent déjà. Le public, qui leur fera
fête, semble plus réservé devant une direction pour
le moins exubérante ; attitudes cambrées et
mouvements pelviens accompagnent une volonté de marquer les
contrastes sonores et rythmiques jusqu’à une
brutalité qui nous semble étrangère au discours de
Haydn et à son contexte. Les nuances nombreuses dont sont
capables les différents pupitres en pâtissent dans
l’équilibre général, que les percussions,
données avec une force excessive, menacent
d’écraser par instants.
Il en sera malheureusement de même dans les ouvertures de
Rossini. On sait qu’il était surnommé "Il
Tedeschino" par ses maîtres du Liceo Musicale de Bologne à
cause de son goût pour les orchestrations étoffées,
en particulier dans le domaine des cuivres. Mais ne devrait-on pas
tenir compte de la puissance accrue des instruments actuels et des
conditions d’exécution de pièces écrites
pour être entendues depuis la fosse, pour un concert
donné à la Halle aux Grains? On dirait que le souci
d’atteindre l’intensité sonore maxima l’a
emporté sur toute autre considération. Reste la
qualité des musiciens, qui se plient sans broncher à ce
qui leur est demandé et triomphent des
accélérations comme des variations brusques.
Dans une robe émeraude et mordorée fluide et scintillante Vivica Genaux
qui - sauf erreur - débute à Toulouse se présente
en séduisante sirène. Premier air de programme, la
cavatine de Clarice tirée de La Pietra del Paragone (le
marketing a ses lois) ; tandis que ce personnage chante, le comte
Asdrubale, rôle dévolu à une basse, reprend
narquoisement le dernier de ses mots, imitant l’écho. En
l’absence d’un autre chanteur, c’est sans
déplaisir visible que le chef s’y colle même
s’il n’est pas dans le registre requis. (Apparemment la
désinvolture est de mise avec Rossini ; est-ce parce
qu’il a laissé une réputation de bon vivant ?
Ainsi on passera plus tard de l’ouverture de L’Occasione fa il ladro
directement à la cavatine de Rosina par la simple transition
d’un solo de flûte). La voix de la mezzo-soprano sonne
moins menue que dans nos souvenirs et semble avoir gagné en
rondeur ; la souplesse est toujours très grande, mais
quelques sons semblent rester en arrière et assourdis dans les
joues, scories qui disparaîtront presque entièrement par
la suite.
Après une ouverture de La gazza ladra
où les qualités éclatantes de l’orchestre se
manifestent tandis que la direction reste outrée, les deux airs
d’Isabella dans L’Italiana in Algieri offrent à
Vivica Genaux l’occasion d’émettre des graves de
contralto. Sans doute un chanteur doit-il éprouver du plaisir
à atteindre certaines notes, d’autant plus quand elles
sont obtenues par une patiente conquête. Encore faudrait-il que
le son obtenu reste beau, quand il s’agit de bel canto.
Cette remarque vaut pour les finales où, peut-être
inspirée par une cantatrice qui maîtrise le
procédé à la perfection, Vivica Genaux produit la
dernière syllabe dans un tremblement intermédiaire entre
le vibrato et le trille. Dans
son cas, les voyelles finales, au lieu de scintiller, deviennent des
diphtongues du plus vilain effet. Quant à la cavatine de Rosina,
c’est un feu d’artifice d’agilités, dans la
version avec variations proposée ici. Tant qu’on se
souvient que Rossini, en pareil cas, eût peut-être
demandé de qui était le morceau.
Mais cet air connu en clôture du concert suscite le succès ; un bis est accordé, comme prévu, « Sta nell’Ircana » de l’Alcina
de Haendel. Avec le soutien de l’orchestre, où les cors se
distinguent, c’est le meilleur moment, par la fermeté et
la rapidité des agilités, d’un concert dont deux
des vedettes ont donné l’impression d’être en
danger de voir leurs qualités contaminées par des
maniérismes nocifs. La troisième, l’orchestre, a
démontré en revanche une éclatante santé.
Maurice SALLES
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